TROISIEME PARTIE : MUNCH EN DIALOGUE PERMANENT ENTRE LE MONDE D’IBSEN ET SON MONDE PROPRE

I - Entre interprétation et appropriation

1 - De l’illustration à l’allégorie biographique

Par leur approche symbolique et expressionniste plutôt que narrative, les commentaires graphiques de Munch n’offrent pas au lecteur de physionomie déterminée des héros d’Ibsen, puisque celle-ci est tributaire de l’instant littéraire, la caractérisation morpho-psychologique étant pour l’artiste le principal instrument d’interprétation du texte. Pourtant - et ce n’est pas là un des moindres paradoxes de la lecture visuelle munchéenne - certains personnages présentent, quant à eux, une physionomie non seulement constante à travers une pièce en particulier, mais qui en outre réapparaît chez d’autres personnages issus de drames différents, indice que l’artiste établit ainsi des parallèles thématiques et dramatiques d’une pièce à l’autre. La diversité extrême de caractérisations à laquelle l’artiste soumet ses personnages fait cependant soupçonner que lorsqu’une physionomie s’impose de façon constante à travers diverses scènes et pièces, elle est le fruit de préoccupations particulières, directement liées au modèle choisi. Ainsi le fil conducteur du drame peut être plus ou moins mis entre parenthèses pour laisser place à des commentaires avant tout personnels. L’exemple du personnage de l’évêque Nikolas dans Les Prétendants à la couronne est à ce point extrêmement significatif : il montre le caractère éminemment perméable de la frontière que l’artiste établit entre fiction et réalité.