0-1-1-2 Le « sujet grammatical » en coréen

La description courante du coréen définit le « sujet » (en coréen, « cuO » ou « cukyOkO ») en général concurremment avec l’« objet » (cor. « mokcOkO » ou « tEkyOkO »), en se basant d’une part sur la relation prédicative que ces deux arguments, ou deux actants, établissent avec le verbe, et d’autre part sur la présence des relateurs nommés particules casuelles qui les marquent de manière différentielle. Situé par rapport au procès exprimé par le verbe, le « sujet » est identifié comme le principal participant qui a une relation sémantique immanente avec le verbe, et qui est morphologiquement marqué par la présence de la particule nominative appelée aussi marque de sujet [ka] (sa variante phonologique [i]). En revanche, l’objet, ayant une relation sémantique plus lâche, est considéré comme le second participant caractérisé formellement par la présence de la particule accusative ou objectale [lIl] (sa variante phonologique [Il]). On voit là qu’en coréen, l’insertion des constituants nominaux assimilés au « sujet » et à l’« objet » reliés à un même verbe dans la phrase est réglée par le jeu des particules, alors qu’en français, aucun relateur n’intervient pour relier du moins ces deux constituants nominaux argumentaux au verbe.

Outre cette différence au niveau de l’organisation phrastique, on ne trouve pas en coréen ce que l’on a observé plus haut dans le fonctionnement du sujet en français : le « sujet » coréen ne manifeste aucun contrôle sur les variations flexionnelles du verbe en personne, et sa présence n’est pas obligatoire dans l’énoncé. Il n’est pas soumis non plus à une règle stricte selon laquelle il doit laisser obligatoirement une trace visant à le rappeler référentiellement, comme les indices pronominaux en français (je, il, elle etc.), et peut disparaître sans laisser de trace anaphorique apparente. Dans la pratique langagière des Coréens, ce phénomène de l’ellipse du « sujet » de même que d’autres constituants nominaux s’organisant autour d’un verbe en structure phrastique, a même lieu fréquemment, si l’énonciateur juge que le contexte ou la situation suffit à l’identifier. Cela revient à dire qu’aucune règle n’impose la présence des constituants nominaux assumant ainsi les fonctions argumentales ou actancielles « sujet » et « objet ». De ce fait, le coréen s’oppose en principe au français où les positions actancielles déterminées par la valence verbale (selon les termes de Tesnière), à peu d’exceptions près, doivent être globalement saturées soit par les indices pronominaux (il-le-lui, etc.) en position préverbale, soit par les constituants nominaux.