Les particules [ka], [lIl] ou [eke], correspondent respectivement — mais approximativement — aux cas nominatif, accusatif et datif des langues indo-européennes classiques. Disons tout de suite que nous reviendrons ultérieurement sur le problème de [ka], qui cumule deux rôles, celui de particule casuelle et celui de particule discursive. Ici nous ne nous occuperons que de son fonctionnement comme particule casuelle.
Les particules casuelles, si elles ne sont pas, à proprement parler, fonctionnelles, sont tout de même syntaxiques, puisque, concurremment avec la position respective des termes, elles aident à repérer les fonctions des constituants qui sont construits autour du verbe et par le verbe.
Donnons un exemple classique pour montrer comment les marqueurs casuels et les positions respectives des constituants aident concurremment à repérer les fonctions grammaticales des arguments du verbe. On sait qu’en français, dans les énoncés Pierre bat Paul et Paul bat Pierre, la fonction syntaxique de chacun des termes nominaux tient uniquement à leur position par rapport au verbe. On reconnaît le sujet à son antéposition et l’objet à sa particule relativement au noyau verbal. C’est vrai en tout cas en ce qui concerne les substantifs.
Mais avec les clitiques, il en va différemment, puisque dans la suite Il le bat, la distribution des fonctions sujet et objet dépend à la fois de la forme des termes et de leur position. On sait que Il est une forme de sujet et le, forme d’objet. On sait aussi que la consécution des termes obéit à une règle stricte. En face de *Le il bat et *Il bat le, seule est grammaticale la suite Il le bat, autrement dit la séquence casuelle nominatif → accusatif → verbe. C’est cette même suite casuelle que l’on retrouve ordinairement en coréen, et qui correspond au schéma de la phrase canonique S → O → V telle qu’elle est présentée dans la typologie classique. Mais, contrairement à ce qui se passe en français, où l’ordre des mots est rigide, en coréen l’ordre des constituants nominaux est libre par rapport au verbe qui reste régulièrement en fin de phrase. La suite la plus attendue, ou non-marquée, est la consécution classique : nominatif → accusatif → V comme l’exemple suivant :
(Ex17)
a. ppielI-ka / ppol-I
l / ttEli-n-ta /
Pierre-p.nom / Paul-p.accus. /battre-inacc-STdécl /
→Pierre bat Paul
Mais, comme chacun des constituants nominaux est marqué par sa particule spécifique, l’ordre de leur apparition peut être modifié, pour des raisons communicatives ou d’expressivité stylistique. Cela va donner :
b. ppol-I
l / ppielI-ka / ttEli-n-ta /
Paul-p.accus. / Pierre-p.nom / battre-inacc-STdécl /
→Paul, Pierre (le) bat
Si on veut respecter le même ordre en français, il faut recourir à une phrase disloquée : Paul, Pierre le bat. (*Paul, Pierre bat). Dans ce cas, en français, la fonction objet de Paul est marquée par sa coréférentialité avec le clitique le, fléchi à l’accusatif.