1-2 Notre usage du terme de détermination

1-2-1 Les emplois hétérogènes des termes liés à la notion de détermination dans la description grammaticale du français

La notion de détermination est à l’origine d’un certain nombre de vocables utilisés dans la description grammaticale du français. Cette langue connaît ainsi quelques termes métalinguistiques en rapport avec cette notion, tels déterminants du nom, complément

déterminatif, relatives déterminatives, etc. Tous ces termes s’emploient généralement pour désigner les éléments constituants qui relèvent de la détermination nominale, mais avec des valeurs légèrement différentes d’un auteur à l’autre.

Les morphèmes appelés « adjectifs déterminatifs» dans la grammaire traditionnelle, sont considérés, depuis les années 60 et sous l’influence de la linguistique anglo-américaine, comme des déterminants de nom (ang. determiners). La majorité des grammairiens et certains linguistes19 réservent ce terme uniquement à un ensemble d’éléments dont le rôle essentiel consiste à actualiser un nom en lui permettant de se réaliser dans une phrase. A ce rôle correspondent les morphèmes articles définis et indéfinis, démonstratifs, possessifs, numéraux, et indéfinis. Ils portent les marques du genre et du nombre du nom auquel ils se rapportent par le phénomène de l’accord et doivent obligatoirement le précéder. Sauf dans des cas particuliers comme les expressions figées, ils sont nécessaires pour que le nom fonctionne dans les constructions syntaxiques : (L’/ Un /Cet) enfant pleure / *Enfant pleure.

Nous avons vu qu’en coréen la présence du déterminant devant le nom n’est pas obligatoire dans un pareil cas, sauf devant le nom dépendant :

  • han-ai-ka / u-n-ta

  • un-enfant-p.nom / pleurer-inacc-STdécl /

  • ai-ka / u-n-ta /

  • enfant-p.nom / pleurer-inacc-STdécl/

Si une telle délimitation des déterminants du nom français tient à l’acception restrictive de la notion de détermination, certains autres linguistes, notamment ceux qui travaillent sur des langues différentes, étendent ce concept aux unités auxquelles B. Pottier20 réserve plutôt un rôle d’adjectivation, et à l’intérieur desquelles se distinguent les déterminants de nature syntagmatique comme les adjectifs qualificatifs (lunettes noires) ou les substantifs prépositionnels (lunettes de Pierre), et les déterminants de nature phrastique comme les relatives (les lunettes qui sont noires) et les complétives de nom (la certitude que ces lunettes sont noires). Pour l’objet d’étude qui nous intéresse dans le présent travail, il convient naturellement de nous rallier à cette conception large du terme.

Par ailleurs, il est à remarquer que la notion de détermination est perçue un peu différemment, lorsque l’on parle de relatives déterminatives ou de compléments déterminatifs. Le terme de déterminative / déterminatif n’est pas utilisé ici dans le sens grammatical, mais dans le sens référentiel : ce terme n’indique pas la fonction grammaticale, fonction déterminative, que la relative ou le complément assume par rapport au nom auquel ils se rapportent, mais un type de rapport sémantico-référentiel par lequel la relative est unie au nom. En effet, les grammairiens utilisent la dénomination « relative déterminative », lorsqu’ils opposent deux types de relatives selon leur sémantisme à savoir la relative déterminative (dite aussi relative restrictive ou relative sélective) et la relative explicative, appelée également relative descriptive ou encore appositive. Selon les auteurs de la Grammaire méthodique du français 21, la relative est déterminative (ou restrictive) si elle est nécessaire à l’identification référentielle de l’antécédent, qu’il s’agisse d’un individu ou d’une classe d’êtres réels ou virtuels. Autrement dit, elle restreint l’extension de ce group nominal : Le roman que je viens de finir me plaît beaucoup. En revanche, la relative est explicative (ou appositive) si elle ne joue aucun rôle dans l’identification référentielle de l’antécédent, c’est-à-dire qu’elle ne restreint pas l’extension référentielle de l’antécédent, et peut être supprimée sans que la valeur référentielle de celui-ci soit modifiée : Ce roman, que je viens de finir, me plaît beaucoup. On voit là clairement que le terme de déterminative n’est pas pris au sens grammatical pour lequel nous optons.

Pour notre part, nous ne prenons pas à notre compte l’opposition traditionnelle, en français, entre adjectifs qualificatifs et adjectifs déterminatifs, pas plus que l’opposition entre relatives déterminatives et relatives explicatives. Pour nous, tous les adjectifs sans exception jouent un rôle déterminatif, qu’ils marquent une qualification (une chambre agréable) ou une relation (une élection présidentielle). Semblablement, toutes les relatives, pour nous, sont déterminatives, mais à l’intérieur de celles-ci, nous distinguons les restrictives (les enfants qui sont fatigués vont aller dormir) et les explicatives (les enfants, qui sont fatigués, vont aller dormir). Disons tout de suite que cette distinction, valable pour le français, n’est pas transposable telle quelle en coréen, comme nous le verrons bientôt.

Notes
19.

Par exemple, Grevisse (1993, 12ème Ed.) Le Bon Usage, J-C Chevalier et al. (1964) Grammaire Larousse du français contemporain, R-L Wagner et al. (1991) Grammaire du français classique et moderne, M. Riégel et al. (1994) Grammaire méthodique du français, B. Pottier (1992) Théorie et analyse en linguistique, Paris, Hachette (Hachette supérieur), et M. Wilmet (1986) La détermination nominal, etc.

20.

B. Pottier (1992) Ibid.

21.

R. Martin et al. (1994) Ibid. p.484