2-3-2 Comparaisons des formes verbales « complètes » et « incomplètes » en coréen avec les formes verbales « finies » et « non-finies » en français

Les formes verbales « complètes » et les formes verbales « incomplètes » rappellent les formes verbales « finies » et « non-finies » en français, dans la mesure où les verbes finis contiennent des désinences que ne possèdent pas les verbes non-finis, un peu comme les verbes complets par rapport aux verbes incomplets. Bien entendu, les terminaisons, ou les désinences si l’on préfère, des verbes finis du français et celles des verbes complets du coréen ne se prêtent pas au même type de variations morphologiques et portent des valeurs bien différentes. Les premières peuvent marquer, avec leurs variations, diverses catégories grammaticales telles que la personne, qui se rapporte en fait, au statut de locution (1ère pers. = élocutif : viens, 2ème pers. = allocutif : viens, 3ème pers. = délocutif : vient), le nombre du sujet de l’énoncé (sg. : vient / pl.: viennent), l’aspect qui concerne la manière dont se développe le procès dans le temps (vient / venait / viendrai) et le mode qui correspond à diverses attitudes de l’énonciateur à l’égard de son énoncé (l’indicatif : vient le conditionnel : viendrait et le subjonctif : vienne), tandis que les secondes, à savoir les suffixes terminatifs du coréen, marquent des types de phrases et des degrés d’honorification.

En ce qui concerne les formes verbales « non-finies » du français et les « incomplètes » du coréen, elles perdent certaines informations en même temps qu’elles perdent certaines marques morphologiques, relativement aux formes verbales « finies » et « complètes ». Les « non-finies » incluent les verbes à l’infinitif (venir) et au participe (venant / venu), qui perdent un certain nombre de catégories (personne et mode), mais qui gardent, différemment des verbes « finis », des oppositions aspectuelles et diathétiques. De ce fait, elles sont comparables aux formes verbales « incomplètes » du coréen, dépourvues de suffixes terminatifs, qui perdent les informations concernant les types de phrases et les degrés d’honorification.

Ce qui nous paraît intéressant de remarquer d’un point de vue contrastif, c’est que si en français les formes « finies » s’emploient davantage que les formes « non-finies » dans les propositions subordonnées, par contre, en coréen, les formes « incomplètes » sont plus fréquemment employées que les formes « complètes », comme nous avons pu le constater ci-dessus.

Mais, s’agissant des formes « non-finies » (dont font partie les verbes à l’infinitif et au participe) il faudrait signaler toutefois que les grammairiens français ne sont pas unanimes à considérer les constructions prédicatives dotées de ces verbes spécifiques comme faisant partie des propositions subordonnées. L’observation de plusieurs grammaires révèle que certains grammairiens excluent entièrement ces constructions à verbum infinitum de cette liste, en y incluant seulement celles à verbum finitum. Mais nous ne pensons pas qu’il soit raisonnable, du point de vue méthodologique, d’écarter les constructions à verbes non-finis de l’analyse de la subordination en français comme en coréen. En effet, étant donné que les formes verbales sont « incomplètes » dans la plupart des propositions subordonnées en coréen, on ne peut raisonnablement les rejeter. De même, bien que la majorité des propositions subordonnées en français comportent des formes verbales finies plutôt que non-finies, ce n’est pas une raison suffisante pour exclure les propositions subordonnées à verbes non-finis comme les infinitives et les participiales de l’analyse de la subordination du français. Dans la perspective contrastive qui est la nôtre, il convient donc de prendre en considération les constructions prédicatives à verbes non-finis au même titre que celles à verbes finis. Cela revient à dire que nous inclurons avec les relatives et les complétives du nom, les infinitives et les participiales pouvant assumer la fonction de déterminant d’un terme nominal dans les propositions déterminatives.

Nous reviendrons ultérieurement sur les constructions infinitives et participiales, qui suscitent quelques embarras chez les grammairiens et les linguistes soucieux de proposer une description grammaticale cohérente des propositions subordonnées en français. Ces constructions invitent en effet à s’interroger sur les notions délicates de proposition et de sujet. Comme nous avons pu le voir, la spécificité des formes verbales n’est pas le seul trait qui incite les grammairiens à mettre à part ces constructions prédicatives dans le classement des propositions subordonnées. La tradition grammaticale exige que pour qu’il y ait une proposition, il faut qu’il y ait un sujet et un verbe, alors que les constructions infinitives et participiales peuvent ne pas avoir leur sujet propre, contrairement aux constructions à verbes finis. Mais à la suite du développement des théories syntaxiques comme celles récentes de Chomsky, la conception de la notion de proposition a changé : la notion de proposition va d’une conception étroite, qui veut que le sujet et le verbe soient présents, vers une conception large qui tend à considérer qu’il y a autant de propositions qu’il y a de verbes auxquels on peut reconnaître les mêmes propriétés de rection qu’en phrase indépendante. Pour notre part, rappelons que nous optons pour une conception large en précisant qu’il est difficile de confronter les propositions subordonnées en fonction de déterminant en français avec celles du coréen, en nous limitant chaque fois aux propositions subordonnées pourvues de sujet propre.