2-4 Place fixe du verbe avec suffixe terminatif et du verbe avec suffixe conjonctif et ordre de la proposition principale et de la subordonnée dans une phrase complexe

Nous avons analysé séparément le verbe avec suffixe terminatif (en tant que verbe d’une unité phrastique indépendante) et le verbe avec suffixe conjonctif (en tant que verbe d’une unité phrastique dépendante), pour rendre compte des modifications produites dans la forme verbale lors du passage d’une unité phrastique indépendante à une unité phrastique dépendante. Lorsque l’on observe les constructions de phrases complexes réalisées, on constate que l’opposition entre les verbes en terminatif et les verbes en conjonctif s’y manifestent plus nettement par leur place respective. En effet, le verbe en terminatif apparaît comme un verbe final aussi bien dans une phrase complexe que dans une phrase simple indépendante, alors que le verbe en conjonctif ne figure comme verbe médian que dans une phrase complexe.

Ainsi dans les exemples (8a-f) cités plus haut, deux cas se présentent :

  1. la proposition (P1) doté du verbe en conjonctif est suivie de la proposition (P2) dotée du verbe en terminatif déclaratif [ta], sans que leurs constituants nominaux se mélangent : ( les ex. (8a) et (8f) )
    • PC [ [ P1: S-O-V-sc] — [ P2 : S-O-V-st ] ]
      Si plusieurs propositions se combinent de manière à établir une phrase complexe, seul le verbe de la dernière proposition est marqué par le suffixe terminatif, tandis que ceux des autres propositions précédentes sont affectés des suffixes conjonctifs variant selon les relations que celles-ci entretiennent entre elles :

    • PC [ P1 : S-O-V-sc + P2 : S-O-V-sc + P3 : S-O-V-sc + ... + Pn : S-O-V-st ]

  2. P1 se trouve au sein de P2, comme dans les ex. (8b), (8c), (8d) et (8e), construction que l’on peut représenter, en simplifiant, par le schème suivant :
    • PC [ [P2 : S — [P1 :S-O-V-sc] — O — V-st ] ]
      Cela montre que P1 à verbe en conjonctif se place assez librement selon la fonction syntaxique qu’elle joue à l’intérieur de la phrase complexe, mais son emplacement se limite devant le verbe final [V-st] de P2 qui achève la phrase complexe. Il s’agit là d’une contrainte assez forte qui interdit, en principe, de placer [P1 : S-O-V-sc], proposition subordonnée, au delà de la limite du verbe final [V-st] de P2 [ P2 : S-O-V-st ], proposition principale, dans le cadre d’une phrase complexe.

Par exemple, si on intervertit l’ordre des deux propositions l’ex. (9), l’une terminée par le suffixe conjonctif de cause [OsO] et l’autre par le suffixe terminatif déclaratif [ta] pour obtenir l’ex. (10), celui-ci sera jugé comme agrammatical ou incorrect en coréen38.

Le contraste est net entre le coréen et le français en ce qui concerne l’ordre de la proposition subordonnée et de la proposition principale dans une phrase complexe. Ceci s’observe plus clairement, notamment lorsque l’on examine une phrase où la subordonnée est une circonstancielle, comme dans l’ex (10) que l’on vient de voir. En français, une subordonnée circonstancielle peut se déplacer librement dans une phrase complexe, et ne subit pas de contrainte forte d’ordre, ou en tout cas, beaucoup moins que les autres subordonnées comme les relatives ou les complétives. Dans la traduction française des ex. (9) et (10), la subordonnée causale introduite par une locution conjonctive parce que peut se placer tantôt devant, tantôt derrière la principale : Parce que Suni a écrit une lettre à Kisu, cette affaire est résolue facilement / Cette affaire est résolue facilement, parce que Suni a écrit une lettre à Kisu. Dans ce cas, en français, la seule présence de la locution conjonctive « parce que » devant la proposition Suni a écrit une lettre à Kisu permet d’assigner à celle-ci un rôle de subordonnée circonstancielle de cause par rapport à l’autre proposition qui sera reconnue comme une principale. En revanche, la reconnaissance de la proposition subordonnée par rapport à la proposition principale se fait facilement de par un double repérage en coréen : d’une part, au moyen des suffixes verbaux distincts qui leur correspondent (suffixe conjonctif - suffixe terminatif) et d’autre part, de par la place fixe qui leur est réservée.

Notes
38.

Notons tout de même que le locuteur pourrait recourir, beaucoup plus rarement à l’écrit qu’à oral, à une telle transgression de l’ordre des propositions, afin de rendre son énoncé plus expressif.