3-2-1-4 Les suffixes déterminatifs et leur lien avec deux types de verbes : verbes qualificatifs et verbes d’action

Pour parler des emplois des suffixes déterminatifs, il est important de distinguer les verbes qualificatifs, y compris des verbes qualificatifs dérivés, des verbes dits “ verbes d’action ” dans la description du coréen. Bien que cette distinction soit fondée sur un critère sémantique, elle n’est pas sans rapport toutefois avec les caractéristiques morpho-syntaxiques que manifestent différemment ces deux types de verbes. Le cas où le choix et la valeur des suffixes déterminatifs dépendent des types de verbes auxquels ils viennent se rattacher en est révélateur.

En effet, les formes déterminatives issues des verbes qualificatifs “ primitifs ” se marquent exclusivement par le suffixe déterminatif [In] placé derrière une consonne ou par sa variante combinatoire [-n] qui se place derrière une voyelle. [nIn] ne peut jamais figurer dans le même paradigme : [cOm-I n] / *[cOm-n I n] (être jeune-sd) et [pissa-n] / *[pissa-n I n] (être cher-sd). Notons tout de même qu’un certain nombre de verbes qualificatifs dérivés sont rattachés par le suffixe déterminatif [nIn]. Par exemple, pour devenir une forme déterminative, un verbe qualificatif dérivé comme [masiss-ta] (être délicieux), qui est formé à l’origine par la combinaison du substantif [mas] (goût) et du verbe d’existence [iss-ta] (il y a), ne peut s’associer qu’avec le déterminatif [nIn] et non [In] : [masiss-n I n] / [masiss-*I n] (être délicieux-sd). Les emplois des suffixes déterminatifs [nIn] et [In] dans les formes déterminatives des verbes qualificatifs sont donc fortement contraints par leur origine.

Par contre, s’il s’agit des formes déterminatives issues des verbes d’action, les trois suffixes [nIn], [(I)n] et [(I)l] peuvent commuter l’un avec l’autre dans le même paradigme tout en supportant des valeurs aspecto-modales distinctes.

Outre leur rôle d’indicateur de la fonction déterminative, chacun de ces suffixes porte en effet une valeur aspectuelle et/ou modale spécifique, seulement lorsqu’il s’adjoint aux verbes d’action : nIn → aspect inaccompli / (I)n → aspect accompli / (I)l → mode éventuel (ou aspect prospectif), alors qu’ils n’expriment aucune de ces valeurs aspectuelles lorsqu’ils marquent les verbes qualificatifs. Il est donc possible de formuler l’hypothèse selon laquelle il existe un lien étroit entre les valeurs aspectuelles que peuvent exprimer les suffixes déterminatifs et les types sémantiques des verbes auxquels ces derniers s’adjoignent. Si on s’en tient au sémantisme inhérent au verbe, le verbe qualificatif exprime intrinsèquement un état statique ou “ statif ” qu’il est difficile de borner sur différents repères aspectuels. Il est, en somme, incompatible avec le bornage aspectuel. En revanche, le verbe d’action exprime un événement non statique et plutôt évolutif qui appelle le bornage de son déroulement par différents repères aspectuels. On peut en déduire que le sémantisme inhérent au verbe qualificatif réduit l’emploi des suffixes [(I)n] et [nIn] à l’indication de la fonction déterminative, alors qu’avec le verbe d’action, les mêmes suffixes connaissent un double emploi : marqueurs d’une fonction déterminative et de valeurs aspectuelles. Nous reviendrons en détail plus loin sur l’emploi des suffixes déterminatifs comme indicateurs de valeurs aspecto-modales.