3-2-2-4 Traduction par simple omission de la construction déterminative

Nous constatons qu’une simple omission des constructions de subordonnées déterminatives - en particulier des relatives - a lieu plus fréquemment dans la traduction française du texte coréen Mère que dans le sens inverse.

Il est évident que plusieurs facteurs, tant linguistiques qu’extralinguistiques, ont dû intervenir pour que les traductrices aient fait ce choix, quitte à perdre des informations exprimées dans le texte original coréen. Nous pouvons, tout de même, formuler un certain nombre d’hypothèses à partir de ces exemples. Si l’on examine de près les exemples (21) et (22) qui sont traduits littéralement chacun par la route de campagne caillouteuse dont le sol était en désordre et en jeans élimés dont la couleur était décolorée, la relative, qui est systématiquement supprimée par les traductrices dans les deux cas, exprime des propriétés du constituant nominal qui est déjà spécifié par un adjectif qualificatif : la route de campagne par caillouteuse et les jeans par élimés. Ce qui est exprimé par la relative est, en quelque sorte, une conséquence que pourrait évoquer ce nom combiné avec l’adjectif qualificatif : si la route de campagne est caillouteuse, alors le sol est en désordre et si les jeans sont élimés, alors leurs couleurs sont décolorées. La relative se présente ainsi sur un mode analytique comme la conclusion d’un raisonnement déductif dont l’une des prémisses est fournie directement par un adjectif dans ces constituants nominaux complexes. De ce fait, nous pouvons supposer que les traductrices ont supprimé la relative dans la traduction française, en estimant superflu et redondant ce qui est exprimé par celle-ci et qui est inférable.

Compte tenu de la mise en oeuvre fréquente de ce procédé d’omission, il ne paraît pas inintéressant d’aborder ce phénomène d’un point de vue cognitif d’autant plus que nous y retrouvons encore une fois une différence entre le français et le coréen. Plus précisément, l’énonciateur français semble laisser implicites un certain nombre d’informations lorsque celles-ci sont suffisamment inférables à l’aide de la présence d’éléments avoisinants ces constituants nominaux complexes. En revanche, l’énonciateur coréen tend à expliciter sous la forme de constructions relatives ce que l’on peut déduire de ces éléments avoisinants, ce qui fait que le coréen apparaît comme une langue beaucoup plus descriptive que la langue française.

Par ailleurs, comme nous l’avons déjà dit, le coréen a tendance à mettre en oeuvre des phrases complexes plus longues qu’en français. L’ex. (21-1) est une phrase entière dont est extrait l’ex. (20). Mise à part une certaine redondance sémantique que manifestent la relative (dont le sol était en désordre) et le constituant nominal relativisé (la route de campagne caillouteuse), le ’sur-enchâssement’ propositionnel de cette phrase complexe coréenne semble conduire les traductrices à faire appel à une simple omission de la relative dans la traduction française, en vue d’alléger la structure de la phrase complexe.