3-3 Noms déterminatifs dans les syntagmes nominaux complexes en français et leurs équivalents en coréen

Dans les deux langues, un nom peut fonctionner également comme modificateur du nom. En français, traditionnellement appelé “ complément du nom ”, celui-ci peut se construire soit indirectement avec préposition ou locutions prépositionnelles (N1 prép N2), soit directement sans préposition (N1 N2). La construction indirecte est la construction habituelle du complément du nom que nous appèlerons désormais “ nom déterminatif ”. Le plus couramment, elle se manifeste par l’intermédiaire de la préposition ‘de’ : le chapeau de mon père, le redressement de l’économie du pays. D’autres prépositions ou locutions prépositionnelles sont susceptibles d’introduire un nom adnominal : la femme aux myosotis, une villa avec un jardin, une remède contre la toux. La construction directe est encore rare relativement à la construction indirecte65 : la cellule famille, la justice escargot, un roman fleuve. En coréen, un nom (N1), en tant que modificateur du nom, peut se relier aussi à un autre nom (N2), soit directement sans aucune particule (N1 N2) : [kacok hweIi] (famille-réunion : réunion familiale), soit indirectement avec une particule de détermination coréenne [Ii], dite également “ particule génitivale ”, ou une particule de détermination sino-coréenne [cOk] (N1 - Ii / cOk - N2) : [mali-I i-sIlphIm] (Marie-de-tristesse : la tristesse de Marie) / [sasaN-c O k-piphan] (idéologie-de-critique : la critique idéologique).

Si le syntagme nominal complexe se construit ainsi d’une façon semblable dans les deux langues, l’ordre de détermination est par contre inversé : en français, c’est l’ordre progressif (N1 ← N2 : l’ordre déterminé — déterminant) qui est dominant dans le système, sauf quelques cas de construction directe66 ; en coréen c’est toujours l’ordre régressif (N1 → N2: l’ordre déterminant — déterminé) qui est dominant. De plus, les deux langues font de ce type de modificateurs du nom un usage différent qu’il est difficile de développer en détail dans le cadre de notre étude 67. Nous nous contenterons d’en faire quelques remarques succinctes d’un point de vue contrastif et de voir quelques cas de traductions. Quand on observe certains cas de figure de la construction indirecte, notamment dans le texte coréen traduit à partir du texte français, on note là encore qu’en position de déterminant du nom, le coréen emploie de préférence la formule verbale, donc la subordonnée déterminative, au détriment de la formule nominale, donc le nom déterminatif marqué par la particule de détermination [Ii]. Le français par contre met en oeuvre des noms déterminatifs introduits souvent par ‘de’ ou par d’autres prépositions (à, sur, pour, envers, etc.) dans les syntagmes nominaux complexes.

Notes
65.

M. Noailly (1990) Le substantif épithète, Paris, PUF, pp176-178. Exemples empruntés à cet auteur.

66.

M. Noailly (1990), pp.173-176, par exemple comme le cas des calques de formations savantes empruntées au modèle grec (auto-école, ciné-club) et le cas des anglicismes déclarés (une vélo party, le star système).

67.

Pour plus d’informations voir H-S Lee (1998) La structure des compléments du groupe nominal en français et en coréen modernes : Etude de linguistique comparative, Thèse, Université Aix-Marseille.