4-1 Relatives dans les grammaires du français

Dans les grammaires du français que nous avons consultées79, la description des subordonnées relatives occupe une place importante dans la partie réservée à la syntaxe des phrases complexes. Cela est dû notamment à la complexité du système des subordonnants qui les marquent, à savoir les pronoms relatifs, et de l’existence des variantes de ces subordonnées, comme nous allons le voir. On pourrait même dire que les grammairiens leur accordent un statut privilégié dans le classement des propositions subordonnées. En effet, nous pouvons remarquer avec Pierrard que ce classement, dans les grammaires du français moderne les plus utilisées, est fondé sur la base d’une série de critères hétérogènes80 :

  • la fonction assumée par la subordonnée (par ex. propositions relatives / P. sujet, attribut, objet / P. de complément de nom et d’adverbe / P. circonstancielles : « Grammaire Larousse du français contemporain » de Chevalier et alii. 1964) ;

  • la possibilité de commutation entre les subordonnées et certaines parties du discours (par ex. Propositions substantives / P. adjectives ou relatives / P. adverbiales : « Le Bon Usage » de M. Grévisse, 1986) ;

  • les formes d’introducteurs de la subordonnée (par ex. Propositions conjonctives introduites par la conjonction ’que’/ P. relatives / P. interrogatives indirectes / P. dépendantes circonstancielles : « Grammaire du français classique et moderne » de Pinchon et Wagner, 1991) ;

  • la nature du subordonnant (par ex. Propositions relatives introduites par un pronom relatif / P. interrogatives indirectes introduites par un pronom, ou un adjectif, ou un adverbe interrogatif / P. conjonctives introduites par une conjonction ou une locution conjonctive de subordination : « Code du français courant de H. Bonnard, 1990)

On peut également constater ici que chaque grammaire dispose de dénominations différentes des subordonnées selon les critères adoptés. Mais quels que soit ces critères, les relatives sont constamment identifiées comme telles et systématiquement isolées des autres subordonnées. Il en va tout autrement des autres subordonnées telles que les complétives du nom ou encore les participiales et les infinitives que nous considérons comme faisant partie des propositions déterminatives : leur classification et parfois leur dénomination changent sensiblement en fonction des critères adoptés.

Bien que s’observe, là encore, la divergence (sous-) classificatoire et terminologique entre les grammaires consultées, la description des relatives qui y est donnée est centrée généralement sur les éléments suivants :

  1. les deux types de relatives, « relatives avec antécédent » (ou relatives adjectives) et « relatives sans antécédent » (ou relatives substantives), distingués selon la présence ou l’absence de l’antécédent ;

  2. la nature de l’antécédent ;

  3. la morphologie et le fonctionnement des pronoms relatifs dans la relative ;

  4. le mode verbal dans la relative : indicatif ou subjonctif ;

  5. la distinction sémantique entre « relatives restrictives » (ou relatives déterminatives) et « relatives explicatives » (ou relatives non-restrictives, appositives).

Avant de détailler ces éléments, il nous paraît important de remarquer dès maintenant la variété des constructions de relatives que connaît le français. Cependant, certaines relatives appelées par les linguistes « relatives du français populaire » ou « non-standard » sont souvent ignorées par les grammairiens en raison du jugement normatif qui s’impose dans la tradition grammaticale de cette langue81. En fait, la plupart des grammaires contemporaines s’en tiennent à donner la description des « relatives du français dit standard » et peu font mention des relatives du français populaire. Pourtant, celles-ci ont déjà fait l’objet de nombreuses études linguistiques82 qui démontraient, entre autres, que l’utilisation du pronom relatif n’est qu’une des stratégies possibles des relatives dont dispose le français. Autrement dit, les marqueurs qui introduisent les relatives du français populaire ne sont pas nécessairement le pronom relatif auquel on reconnaît traditionnellement trois rôles : le pronom relatif représente son antécédent, il marque la subordination et manifeste, par sa variation morphologique (qui, que, où, pour qui, auquel...), une fonction dans cette subordonnée. Il peut être aussi un simple marqueur de subordination, en l’occurrence que, comme dans La fille que je suis venu avec est sympa. / le prof que j’ai vu sa fille enseigne la maths à la fac. / Le livre que tu m’as parlé était intéressant.

En somme, vu que les grammaires usuelles se bornent généralement aux relatives du français standard, c’est-à-dire celles contenant un pronom relatif, la description qu’elles en donnent est une analyse certainement réductrice du système des relatives dont dispose cette langue, qui est en réalité beaucoup plus complexe. Cela dit, dans ce chapitre, rappelons-le, nous faisons état de ce qui est habituellement décrit par les grammairiens, donc a priori les relatives du français standard. Quant aux relatives du français populaire, nous aurons l’occasion d’en parler ultérieurement. Elles seront étudiées dans une perspective tant contrastive (en comparaison avec les relatives du coréen) que générale.

Notes
79.

Notre observation s’est limitée à des grammaires usuelles du français moderne.

80.

M. Pierrard (1987) « Subordination et subordonnées : Réflexions sur la typologie des subordonnées dans les grammaires du français moderne » dans Information grammaticale n°35, pp. 31-36.

81.

Toutefois, quelques grammairiens traitent ces relatives du français populaire dans leur grammaire. Dans son article (« La relative non standard saisie par les grammaires » dans LINX n°20, pp.37-49) F. Gadet (1989) parle de trois grammairiens précurseurs en ce domaine : H. Bauche (1920) Le langage populaire, H. Frei (1929) La grammaire des fautes et J. Damourette et E. Pichon (1911-1940) des mots à la pensée. Essaie de grammaire de la langue française. Parmi les grammaires récentes, on peut citer « Syntaxe du français » de D. Maingueneau (1996), manuel de grammaire destiné aux étudiants du premier cycle.

82.

On peut citer les nombreux travaux de linguistes comme P. Guiraud (1965), F. Gadet (1989 et ses multiples articles sur les relatives du français populaire), et bien sûr du groupe Aixois (C. Blanche-Benveniste, J. Deulofeu, Valli, etc.).