4-2 Les Relatives dans les grammaires contemporaines du coréen

La description grammaticale des relatives du coréen est relativement sommaire dans la plupart des grammaires contemporaines par rapport aux grammaires du français qui leur réservent une place importante. On peut dire généralement que les relatives du coréen présentent des caractéristiques morphosyntaxiques assez simples (du moins en apparence) avec moins de variétés au niveau de la construction, alors que, comme on l’a vu plus haut, les relatives du français se présentent avec tant de variétés aux niveaux des caractéristiques morphosyntaxiques ainsi que des constructions et des valeurs sémantiques. En coréen, on n’a pas affaire, bien entendu, à la variation des pronoms relatifs, ni à la distinction entre « relatives avec antécédent » et « relatives sans antécédent », ou encore à celle entre « relatives restrictives » des « relatives explicatives »95, car cette langue connaît, par comparaison à celles du français, les seules relatives restrictives avec « antécédent ». C’est pour cette raison que nous étudions les relatives du coréen en comparaison avec le sous-ensemble de relatives restrictives avec antécédent du français.

Il est intéressant d’observer, quant à la description grammaticale des relatives dans la plupart des grammaires du coréen, que les relatives sont systématiquement traitées par rapport à une autre sous-classe de propositions déterminatives que nous avons proposée d’appeler en français « complétives du nom ». Il n’est pas inutile de commencer par rappeler que le terme grammatical « proposition relative » (en cor. « kwankyecOl », dit aussi « kwankye kwanhyONcOl » (proposition déterminative relative) ainsi que le terme « complétives du nom » (en cor. « myONsapomucOl », dit également « toNkyOk kwanhyONcOl » (proposition déterminative appositive)) et d’autres termes apparentés comme « relativisation » (cor. « kwankyehwa »), « complémentation » (cor. « pomunhwa »), etc. ont vu le jour assez récemment dans l’histoire des grammaires du coréen96. Si on peut situer la grammaire traditionnelle avant l’avènement de la grammaire transformationnelle et générative en linguistique coréenne et la grammaire contemporaine après, on remarque un changement considérable entre ces deux périodes, en ce qui concerne la description grammaticale des phrases complexes. Le cas des propositions subordonnées déterminatives en est révélateur.

En effet, dans les grammaires traditionnelles, on se contentait de présenter d’emblée les « propositions déterminatives » (cor. « kwanhyONcOl ») comme des subordonnées qui ont pour fonction de déterminer un terme nominal appartenant à la proposition principale et qui se caractérisent morphologiquement par la présence d’un des suffixes déterminatifs [nIn/In/Il] dans leur forme verbale. Les grammairiens ne les subdivisaient pas en deux sous-classes, à savoir relatives et complétives du nom, comme le font les grammairiens contemporains, car selon Ph-Y I97, ces notions n’existaient pas à cette période.

Par exemple, dans la grammaire de H-P Chwe (1929), « ulimalpon »98, qui a pour originalité d’employer des termes grammaticaux typiquement coréens créés par l’auteur lui-même99, on observe que cet auteur ne parle que de propositions déterminatives, désignées par le terme « mEkim-mati », sans faire de distinction entre relatives et complétives du nom, même en termes grammaticaux purement coréens. « mEkim-mati » correspond au terme grammatical sino-coréen « kwanhyONcOl » (Proposition déterminative) qui s’emploie plus généralement dans l’usage courant.

Toutefois, dans les grammaires contemporaines comme dans les ouvrages linguistiques spécialisés du coréen, on voit appraître systématiquement les termes grammaticaux tels que « kwankyecOl » (proposition relative), « myONsapomucOl » (proposition complétive du nom), « kwankyehwa » (relativisation) et « pomunhwa » (complémentation) dans la description des propositions déterminatives. Ces subordonnées sont subdivisées en deux sous-classes et analysées plus en détail qu’auparavant. Les premiers travaux linguistiques effectués, notamment sur les équivalents anglais, par des linguistes américains inspirés par la grammaire transformationnelle et générative de Chomsky, ont exercé une grande influence sur cette distinction des subordonnées déterminatives en relatives et complétives du nom du coréen.

Bien entendu, ce n’est pas pour calquer purement et simplement l’analyse linguistique des langues occidentales sur celle du coréen que les grammairiens, comme les linguistes, ont introduit dans la description des subordonnées déterminatives ces deux nouvelles notions ainsi que les méthodes d’analyse de ces subordonnées. Ils l’ont fait, avant tout, par nécessité puisque, comme nous le verrons dans le chapitre 7, les propositions déterminatives du coréen présentent, malgré leur ressemblance fonctionnelle et morphologique, des constructions qui se distinguent par d’autres caractéristiques, notamment structurelles, morphosyntaxiques et sémantiques.

Constituant une classe de propositions déterminatives (en cor. « kwanhyONcOl »), ces deux sous-classes ont pour caractéristique commune de déterminer un nom dans une phrase complexe et de se marquer, les unes comme les autres, par un des suffixes déterminatifs [nIn / In / Il]. Dans ces conditions, il est clair qu’on ne s’attend pas à ce que leurs définitions s’appuient sur des critères notammement morphologiques, comme ce qui se passe dans la description du français, ou encore fonctionnels. La ressemblance fonctionnelle et morphologique entre les relatives et les complétives du nom en coréen oblige donc les grammairiens à chercher d’autres critères qui permettent de les reconnaître.

Tout ceci laisse penser qu’il n’est pas du tout simple de reconnaître, du moins à première vue, les relatives en coréen et encore moins de les distinguer d’un autre sous-ensemble de propositions déterminatives, à savoir celui des complétives du nom100. C’est pourquoi les grammairiens se préoccupent principalement de ce problème d’identification et de distinction dans la partie réservée à la description de ces subordonnées dans leur grammaire.

Nous étudierons amplement cette question de la distinction des propositions déterminatives entre relatives et complétives du nom dans le chapitre 7.

Notes
95.

Notons tout de même au passage que quelques linguistes coréens comme J-K O (1971), H-P I (1975), Ph-Y I (1981) admettent la distinction entre « relatives restrictives » et « relatives explicatives », à l’instar des relatives dans les langues indo-européennes, alors que la plupart ne reconnaissent que l’existence des relatives restictives. Pour notre part, nous nous rallions à cette dernière solution. Nous reviendrons plus tard sur ce sujet.

96.

Rappelons que nous avons décidé, par souci d’économie, d’employer les deux termes grammaticaux français « relative » et « complétive du nom » pour désigner ces deux sous-classes des déterminatives du coréen.

97.

Ph.-Y I (1993) « kwankyehwa » (La relativisation) dans kuk O y O nku Otik kaci wassna ? (Où en sont les recherches sur le coréen ?), Séoul, Ed. ToN-a, pp.467-478.

98.

Chwe H-P (1929) Ulimalpon, Séoul, CONImmunhwasa (16ème éd.-1991), pp.817-853. Voir en particulier sa classification des propositions subordonnées et coordonnées.

99.

Notons au passage que la terminologie grammaticale purement coréenne de ce linguiste n’a pas su s’imposer, malgré ses efforts inventifs, dans la pratique descriptive des grammairiens et des linguistes coréens. Ces derniers emploient plus couramment la terminologie sino-coréenne qui est apparue dès le début de l’histoire de la description grammaticale du coréen, à l’initiative souvent des linguistes, ou plutôt des missionnaires occidentaux. Ceux-ci s’inspiraient alors beaucoup de la terminologie grammaticale utilisée par des linguistes japonais pour la description de leur langue.

100.

On peut imaginer les difficultés que peuvent éprouver des apprenants étrangers du coréen, quand ils étudient les propositions déterminatives. Quant aux locuteurs natifs, bien qu’ils n’aient pas les mêmes difficultés que les premiers dans l’utilisation de ces constructions, il n’est pas évident pour certains qu’ils sachent faire la distinction évoquée.