4-3-2 Le traitement de la position nominale relativisée dans la relative

De nombreux linguistes et grammairiens coréens, influencés par la théorie transformationnelle, s’accordent à dire que la position relativisée se trouve vide dans la relative du coréen à la suite de l’effacement d’un constituant nominal formellement identique et coréférentiel avec un constituant nominal appartenant à la proposition principale, qui devient le nom-pivot de la relative. Cette transformation est connue sous la dénomination anglaise « Equi-NP deletion ». Bien qu’ils soient rares, certains auteurs comme D-W Yang (1975) pensent qu’il s’agit là de l’effacement d’un pronom anaphorique plutôt que d’un simple effacement du constituant nominal relativisé. En effet, comme on a pu le constater dans la représentation du processus transformationnel de la relative (voir plus haut), celui-ci stipule que la réflexivisation opère sur le constituant nominal relativisé, pour que celui-ci soit transformé en pronom réfléchi [caki], lequel est effacé à la suite.

Diverses analyses de la position relativisée dans les relatives du coréen sont effectuées dans le cadre de la théorie GB et ceci, souvent de manière plus approfondie que les analyses antérieures. Selon cette théorie, cette position relativisée n’est plus traitée en terme d’effacement, mais représentée sous la forme du « pronom nul » (dit plus couramment « catégorie vide » dans cette théorie) qui est un élément invisible dépourvu de contenu phonétique.

Les avis des linguistes coréens sont toutefois partagés sur la question de savoir si on doit ou non interpréter cet élément nul comme résultant du déplacement (ou mouvement) syntaxique d’un terme nominal relativisé de sa position originale dans COMP ou dans la position de nom-pivot. A cet égard, certains linguistes, minoritaires, comme D-W Yang (1987) et S-S HoN (1985) tentent d’analyser les relatives sans relatif à l’instar des relatives à relatif des langues comme le français et l’anglais, en supposant qu’au niveau de la structure profonde (D-structure) les relatives du coréen comportent dans la position relativisée un élément « abstrait », coïncidant avec le nom-pivot, qui est déplacé dans Comp (O « opérateur vide ») (l’ex.17c), comme le fait Chomsky avec les relatives sans relatif de l’anglais comme dans les ex. (17a-b)103 (empruntés à D-W Yang 1987).

Mais des linguistes tels que K-J Jeon (1989), S-U I(1983, 1984), H-S I (1990) n’admettent pas l’application de la règle de déplacement syntaxique d’un élément nul ou lexical dans les relatives du coréen, compte tenu de la différence des caractéristiques des composants (notamment la nature du marqueur de subordination) de celles-ci par rapport aux relatives des langues européennes104. Sans parler ni de transformation, ni de déplacement syntaxique, ces linguistes postulent que dès au niveau de la structure profonde de la relative, il y a un « pronom nul » dit aussi « pronom résomptif zéro » dans la position structurale du constituant nominal relativisé. Une des raisons pour laquelle ces linguistes font cette hypothèse est que le coréen présente des cas de relatives où la position nominale relativisée est bel et bien occupée par un pronom résomptif tel que [kI] qui entre en relation anaphorique avec le nom-pivot de la relative (l’ex. 18-a est emprunté à S-U I (1984)).

Les travaux effectués dans la cadre de la théorie de GB ont ceci d’intéressants qu’ils prennent en considération des constructions de relatives très variées. Comme on vient de le voir, ceux-ci ont pour objet d’étude non seulement des relatives où la position relativisée se trouve vide, mais aussi celles où cette position est remplie par un pronom résomptif, alors que beaucoup de linguistes ont coutume, dans leur présentation, de se borner au premier cas de figure, à savoir celles à pronom nul. A cet égard, les linguistes (K-J Jeon (1989), S-U I (1983, 1984), H-S I (1990)) cherchent à répondre à des questions du type : Dans quelles conditions la relative accepte le pronom nul et non le pronom résomptif dans la position relativisée, et vice versa ; Dans le cas où l’alternance entre ces deux pronoms est possible, à quel niveau se situe la différence ? etc. De surcroît, ils prennent en considération des « relatives imbriquées ou empilées » (ang. « stacked relatives clauses »), c’est-à-dire des relatives enchâssées dans une autre subordonnée relative ou complétive, en vue de rendre compte des relations anaphoriques qui s’établissent entre le nom-pivot et la position relativisée occupée par un pronom nul ou résomptif dans la « relative empilée ».

Notes
103.

O : opérateur vide : empty operator, e : catégorie vide : empty category, t : trace qui correspond à la catégorie vide qui sera transcrite [e] dans le dernier modèle chomskien.

104.

Pour davantage de détails, nous renvoyons à K-J Jeon (1989), notamment au chapitre 5.