4-3-4 Mise en rapport des relatives avec les « phrases topiques »

Dans un chapitre de son ouvrage The structure of the japanese langage, S. Kuno (1973) cherche à montrer une certaine similitude entre plusieurs contraintes, surtout liées à la pronominalisation et à l’ellipse d’un constituant nominal, qui s’appliquent à la fois à la relative et à la phrase topique (« phrase à thème selon l’auteur)105. Il en conclut qu’en japonais, ce qui est relativisé dans la relative n’est pas un constituant nominal ordinaire, mais un constituant nominal topique, c’est-à-dire un terme nominal généralement placé en position initiale de la phrase, suivi d’une particule topique [wa] (dite thématique par l’auteur). Ce linguiste suggère par là l’idée selon laquelle la relative est dérivée de la phrase topique et que le terme nominal topique de celle-ci devient le nom-pivot de celle-là à la suite de la relativisation. On peut représenter ce rapport dérivationnel ainsi :

Cette analyse de Kuno conduit de nombreux linguistes coréens à s’intéresser à leur tour aux deux types de constructions qui leur correspondent et qui se manifestent, à quelques détails près, de manière identique. On peut dire grosso-modo que la relative du coréen se distingue de sa correspondante du japonais par la présence d’un subordonnant déterminatif, alors que la seconde place la relative juste devant le nom-pivot sans subordonnant. Egalement, la forme verbale de la relative ne change pas et apparaît identique à celle d’une phrase indépendante qui lui correspond. Quant à la phrase topique du coréen, elle se construit de la même façon qu’en japonais, sauf la particule topique [nIn] postposée au terme nominal topicalisé qui alterne avec [In] pour une raison purement phonologique : [nIn] derrière une voyelle (sE-nIn) et derrière une consonne (salam-In).

Cependant, les linguistes coréens n’admettent pas tous l’hypothèse de Kuno expliquant le lien entre relative et phrase topique en terme dérivationnel. En invoquant des contre-exemples, certains (D-W Yang (1975), Th-L SO (1980), S-Y Pak (1981), S-Y I (1983)), démontrent que le coréen connaît, comme le japonais106, des phrases topiques pour lesquelles les constructions relatives correspondantes n’existent pas et vice versa. D’autres, (J-M Li (1974), H-P I (1975), S-Ch Shin (1987), adhèrent à cette hypothèse dans la mesure où elle permet de mieux expliquer un certain nombre de phénomènes qui ont lieu dans la relative, comme l’identification référentielle d’un pronom réfléchi présent ou l’apparition impossible de la particule topique. S-Ch Shin (1987) propose même d’analyser comme un « archimorphème » l’élément [In] qui apparaît tantôt comme un marqueur topique postposé au terme nominal, tantôt comme un marqueur de relative affixé au verbe subordonné107. Bien que la distribution, les traits sémantiques et syntaxiques de [In] soient différents dans les deux cas, ce linguiste voit qu’il implique toujours une signification de constraste. Selon lui, que la même forme [In] soit utilisée dans des environnements syntaxiques différents n’est pas une simple coïncidence, mais reflète l’identité fonctionnelle des deux catégories syntaxiques qu’elle marque, à savoir un constituant nominal topicalisé et une proposition relative, et permet à l’énonciateur de mettre en contraste l’élément choisi avec ceux qui ne sont pas choisis.

Notes
105.

S. Kuno (1973) The structure of the japanese language, Chapitre 21, The MIT Press Cambridge Massachusetts and London England, pp.242-260.

106.

S. Kuno, Idem. Ce linguiste japonais donne lui-même des contre-exemples de son hypothèse qui le conduisent à mettre en garde le lecteur contre une généralisation excessive.

107.

S-Ch Shin (1987), « A case for Archimorpheme across Syntatic Categories : Topic, Conditional, and Relative Constructions in Korean » in Havard Studies in korean linguistics II, pp. 306-315. Comme l’indique le titre de l’article, l’auteur considère également [-n] dans [myO-n], marqueur conditionnel, comme relevant de cet archimorphème.