5-1-2 Le problème des définitions des relatives dans une perspective contrastive : définition de la relativisation.

Il est difficile de parler des relatives de familles de langues différentes, sans avoir une idée claire sur ce qu’est une relative. Or c’est précisément parce que les structures phrastiques impliquées proviennent de familles différentes qu’il est difficile d’en avoir une idée claire et unifiée. Il est évident que les manifestations formelles des unités phrastiques reconnues comme relatives sont très diverses d’une langue à l’autre. En effet, lorsque l’on examine les définitions proposées dans la littérature, on constate qu’elles reposent principalement sur des caractéristiques formelles, au premier rang desquelles figure la présence d’une marque de subordination particulière telle que le pronom relatif. Par exemple, dans son article intitulé « La phrase relative, problème de syntaxe générale », Benveniste définit la relative comme une « phrase subordonnée rattachée par un moyen tel qu’un pronom à un terme dit antécédent »110. On peut illustrer une telle définition en prenant les exemples respectifs du français et de l’anglais suivants :

  • (Ex1) J’ai un ami qui écrit bien.

  • (Ex2) I have a friend who writes well.

De cette définition, on peut tirer deux caractéristique essentielles :

  1. La relative est une phrase subordonnée introduite par une marque de subordination, en l’occurrence qui et who, qui est de nature pronominale : appelés pronoms relatifs dans la description traditionnelle des deux langues, qui et who se voient attribuer un triple rôle ; ils marquent non seulement la subordination de l’unité phrastique qu’ils introduisent, mais aussi représentent le terme dit antécédent et en même temps indiquent, par leur forme, la fonction de sujet à l’intérieur de la relative;

  2. cette marque de subordination de nature pronominale relie la subordonnée relative à un terme nominal dit antécédent, en l’occurrence un ami et a friend : comme l’indique le terme d’antécédent, cet élément précède la subordonnée relative.

Une telle définition soulève toutefois quelques problèmes. Comme nous l’avons déjà vu, elle n’autorise pas par exemple à considérer comme relatives les unités phrastiques de l’ex. (3b) et des ex. (4b-c) qui sont introduites par un autre moyen que le pronom relatif, mais qui sont tout de même interprétée comme telles par les usagers de ces deux langues :

  • (Ex3)

  • (a) Le projet dont je te parle est réalisable.

  • (b) Le projet que je te parle est réalisable.

  • (Ex4)

  • (a) The man whom I met yerterday is my teacher.

  • (b) The man that I met yesterday is my teacher.

  • (c) The man I met yesterday is my teacher.

Bien qu’elle soit considérée comme incorrecte selon la norme de la grammaire française, la subordonnée (que je te parle) de l’ex. (3b) est une unité phrastique reconnue comme relative dans l’usage. Le locuteur français la produit couramment en français parlé, en évitant le recours à dont qui, selon la norme, est une forme adéquate de pronom relatif, alors que l’élément que sert de simple subordonnant dans (3b). Il en va de même pour l’anglais. Les ex. (4a-c) montrent trois manifestations possibles de la relativisation d’une même position argumentale, à savoir celle d’objet direct, au niveau du marquage de la subordination : l’une est introduite par un pronom relatif whom, l’autre, par un pur subordonnant that, et le dernier par aucune marque de subordination.

En somme, ces exemples révèlent que, même dans ces langues, le terme de relatives s’emploie, souvent de façon implicite, avec un sens beaucoup plus étendu que celui que lui a accordé la description traditionnelle, en l’associant systématiquement au pronom relatif.

Il est encore plus difficile de retenir, dans la perspective de la linguistique générale, une définition en terme de subordonnées rattachées par un pronom relatif au terme nominal antécédent, car elle condamne à exclure un nombre important de langues dans lesquelles les manifestations formelles des relatives sont complètement différentes de celles que l’on peut constater dans les langues indo-européennes. Par exemple, dans la phrase coréenne (l’ex.5a) et japonaise (l’ex.5b) incluant chacune une subordonnée relative, aucun élément n’existe que l’on puisse identifier comme pronom relatif tel que que dans l’ex. (5c). La subordonnée coréenne [nE-ka ssI-n] est marquée par un suffixe déterminatif [-n] qui la relie au terme nominal [chEk] (livre). A la différence de que dans l’ex. (5c), ce suffixe n’est qu’un suffixe verbal rattaché au verbe de la subordonnée et n’assume pas du tout de rôle pronominal dans la subordonnée relative. Quant à la subordonnée japonaise [watakusi-ga kaita], elle est enchâssée directement dans le terme nominal suivant [hon] (livre), c’est-à-dire que dans cette langue, aucune marque morphologique de subordination n’est présente entre la subordonnée relative et le terme nominal qui la suit.

  • (Ex5)

  • (a) ikOs-In / nE-ka / ssI -n / ch E k / i-ta/

  • ceci-p.top./ moi-p.nom./ écrire-s.déter./ livre / être-STdécl./

  • (b) kore-wa / watakusi-ga / kaita / hon / desu /

  • ceci-p.top./ moi-p.nom./ écrire / livre / être /

  • (c) Ceci est un livre que j’ai écrit.

De surcroît, ces exemples permettent de constater qu’en coréen et japonais, le terme nominal dans lequel la subordonnée relative est enchâssé, succède à celle-ci, contrairement à ce qui se passe dans l’exemple français (5c). De ce fait, il est gênant de garder le terme « antécédent » pour désigner cet élément nominal dans ces deux langues, et il vaudrait mieux l’appeler « subséquent » (en coréen huh EN sa qui veut dire littéralement le mot qui vient après), comme le suggère A. Fabre (1982)111, du fait que ce nominal vient après la subordonnée relative.

On pourrait multiplier les exemples issus d’autres langues qui montrent encore d’autres variétés de structures phrastiques de relativisation. On voit par ce qui précède qu’il est difficile de donner une définition des relatives en s’en tenant aux caractéristiques formelles (notamment la présence d’une marque particulière tel que le pronom relatif) que présentent les structures phrastiques de relativisation. Celles-ci peuvent varier non seulement dans une même langue, mais encore davantage entre des langues issues de familles différentes.

Par ailleurs, on constate souvent dans la littérature une définition strictement syntaxique qui identifie la relative à une subordonnée dépendant du nom dans lequel elle est enchâssée et plus précisément comme subordonnée en fonction de modifieur de nom appelé traditionnellement « antécédent ». Mais cette définition syntaxique n’est pas non plus très satisfaisante. En effet, comme nous l’avons déjà vu, il existe en français des « relatives sans antécédent » qui occupent à elles seules une position de constituant nominal, comme dans l’ex. (6a) et (6b).

  • (Ex6)

  • (a) J’aime [qui m’aime]

  • (b) Parlez [à qui vous voulez].

En outre, cette définition syntaxique s’applique en fait à d’autres types de subordonnées qu’aux relatives. Comme bien des langues, le français et le coréen admettent des subordonnées non relatives, connues sous l’étiquette de « complétives du nom » dans la description du français et qui occupent également la position de modifieur de nom. En d’autres termes, cette définition purement syntaxique ne permet pas d’expliquer pourquoi il est possible de considérer comme relatives les subordonnées des ex. (7a) et (7b) et de les distinguer des subordonnées non relatives des ex. (8a) et (8b).

  • (Ex7)

  • (a) Le livre [que Michel a rendu à Pierre] est sur le bureau.

  • (b) [misyel-i / ppielI-eke / tollyOcu-n /] ch E k-i / chEksaN-wie / iss-ta/

  • Michel-p.nom / Pierre-à / rendre-SD / livre-p.nom / bureau-sur / il y a-ST.décl /

  • →Le livre que Michel a rendu à Pierre est sur le bureau.

  • (Ex8)

  • (a) Le fait [que Michel a rendu le livre à Pierre] est surprenant.

  • (b) [misyel-i / ppielI-eke / chEk-Il / tollyOcu-n /] sasil-i / nollap-ta /

  • Michel-p.nom / Pierre-à / livre-p.accus. / rendre-SD / fait-p.nom / être surprenant-STdécl/

  • → Le fait que Michel a rendu le livre à Pierre est surprenant.

Le plus troublant dans ces exemples est le fait que les subordonnées relative et complétive de nom de chaque langue aient une ressemblance non seulement fonctionnelle : elles sont toutes des unités phrastiques en fonction de modifieur de nom ; mais aussi morphologique au niveau du marquage de la subordination : que marquant les subordonnées du français et -n marquant les subordonnées du coréen. Cela revient à dire que dans ce cas précis, ni la propriété morphologique ni la propriété fonctionnelle ne peuvent être prises comme critères définitoires des relatives par rapport aux autres subordonnées non relatives.

Dans ce cas, et comme le souligne Creissels (1997), nous pensons qu’il est important de considérer d’une part, la différence de statut sémantico-logique entre relatives et autres types de subordonnées, et d’autre part, le fait qu’à la différence des autres subordonnées, une position nominale dans la relative reçoit un traitement spécial par le mécanisme de relativisation. Concernant le premier point, Creissels précise que

‘« du point de vue logique, les relatives expriment une propriété qui caractérise le référent d’un constituant nominal et à la différence des autres types de subordonnées, une relative ne peut pas s’analyser comme l’expression d’un contenu propositionnel, c’est-à-dire quelque chose explicable comme (le fait que...) ».
Il ajoute à ce propos que « les relatives n’expriment pas un contenu propositionnel, c’est-à-dire la représentation (ou conceptualisation) d’un événement ou d’une situation - représentation dont l’adéquation à une situation de référence peut être assertée (positivement ou négativement) ou questionnée. Les relatives expriment une propriété, qui en soi ne saurait être considérée comme vraie ou fausse, mais qui permet de répartir les éléments d’un certain ensemble en deux sous-ensembles complémentaires : celui des éléments qui vérifient la propriété en question et celui des éléments qui ne la vérifient pas. »’

Ainsi, on peut considérer que les subordonnées non relatives des deux langues comme celles des exemples (8a) et (8b) cités plus haut, expriment un contenu propositionnel paraphrasable par le fait pour Michel de rendre le livre à Pierre. Et ce contenu propositionnel fonctionne comme modificateur dans la structure interne d’un constituant nominal le fait / sasil. Par contre, les relatives des exemples (7a) et (7b) caractérisent le référent du constituant nominal dont la tête lexicale est livre (ex.7a) / ch E k (ex.7b), et le référent de ce nominal appartient à l’ensemble des x qui vérifient la propriété Michel rend x à Pierre.

Ce statut sémantico-logique de la relative n’est pas sans rapport avec le traitement spécial que reçoit la position nominale relative dans les deux langues. Le même linguiste explique à ce propos qu’à la différence des autres types de subordination, la relativisation implique que la position nominale dans la relative, en relation sémantico-référentielle avec une position nominale de la principale, c’est-à-dire l’« antécédent », présente des caractéristiques différentes de celles qu’elle présenterait dans une unité phrastique indépendante ou principale ou dans une subordonnée non relative. Par exemple, en français, le verbe trivalent rendre (X rendre Y à Z) peut régir un complément introduit par la préposition à. Dans les subordonnées non relatives des exemples (9a) et (9b), ce complément (à Pierre) peut être tantôt absent (ex.9a), tantôt présent (ex.9b) exactement comme dans une unité phrastique indépendante — (ex.9c). Par contre, dans le cas de la relative de l’ex. (9d), la position nominale z du schème de prédication x rend y à z est bloquée par le mécanisme de relativisation, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible d’ajouter après rend un complément introduit par la préposition à — (9e).

  • (Ex9)

  • (a) Le fait [que Michel a rendu le livre] est surprenant.

  • (b) Le fait [que Michel a rendu le livre à Pierre] est surprenant.

  • (c) Michel a rendu le livre à Pierre.

  • (d) Le bibliothécaire [à qui Michel a rendu le livre Ø ] ne travaille pas aujourd’hui.

  • (e) *Le bibliothécaire [à qui Michel a rendu le livre à Pierre] ne travaille pas aujourd’hui.

Une telle analyse est également applicable à l’identification et à la distinction des relatives par rapport aux autres subordonnées non relatives en coréen, comme elle peut s’appliquer à d’autres langues, bien que les détails du traitement de la position nominale dans la relative varient d’une langue à l’autre112, comme nous allons le voir plus loin. Il convient de souligner par là que dans une étude typologique ou contrastive comme la nôtre, on ne peut pas faire l’économie de la considération du statut sémantico-logique de la relative. Statut auquel est fondamentalement lié un mécanisme de relativisation, que nous venons de voir, qui se laisse identifier dans l’immense majorité des langues.

Compte tenu des faits que nous venons d’observer, nous sommes pour une définition des relatives qui soit aussi élémentaire que générale. Comme le propose D. Creissels (1995), nous pouvons définir les relatives comme des « constituants qui ont une structure interne d’unité phrastique et qui expriment une propriété utilisée pour déterminer le référent d’un constituant nominal »113. Une telle définition peut être admise à partir du moment où l’on a une idée claire du phénomène nommé relativisation, ce qui nécessite que l’on explique les conditions dans lesquelles elle opère. Identifiant cette opération comme un mécanisme d’intégration de deux structures phrastiques en une phrase complexe, Creissels précise ainsi les deux conditions nécessaires a cette opération114:

  • premièrement, la relativisation introduit une hiérarchisation entre deux structures phrastiques dont l’une, relative, se comporte généralement comme intégrée à un constituant nominal de l’autre, principale;

  • deuxièmement, la relativisation se réalise lorsqu’il y a deux substantifs identiques appartenant respectivement à chacune des deux structures phrastiques, sans qu’il soit nécessaire que ces deux substantifs occupent des positions argumentales identiques dans les deux structures en question115.

Rappelons que dans la description courante, le rapport entre ces deux substantifs identiques se traduit souvent en terme de coréférentialité. Ainsi on dit qu’un substantif appartenant à la relative est coréférentiel avec un substantif de la principale.

Par ailleurs, il faudrait noter tout de même, concernant cette condition d’identité des deux substantifs, que l’approche traditionnelle de la grammaire française considère que la relativisation opère sur un couple de phrases qui ont deux « syntagmes nominaux » identiques. Cela signifie que dans des langues comme le français, qui exigent la présence d’un déterminant devant le substantif, les deux « syntagmes nominaux » concernés comportent nécessairement un déterminant et un substantif identiques. Par exemple, J. Dubois et F. Dubois-Charlier analysent la phrase complexe issue de la relativisation J’ai vu le film dont tu m’avais parlé en deux phrases simples correspondantes qui contiennent deux syntagmes nominaux identiques, à savoir ce film 116:

  • (Ex10) J’ai vu le film dont tu m’avais parlé.

  • (Ex11) P1 - Tu m’avais parlé de ce film.

  • P2 - J’ai vu ce film.

Mais ce qui est réellement identique dans ce cas, ce n’est pas cet ensemble « déterminant + substantif », qui constitue le « syntagme nominal », mais le substantif seul. A ce propos, Creissels affirme que la paraphrase des phrases complexes à relative aboutit à des enchaînements de phrases simples dans lesquelles « un substantif se répète, mais associé à des déterminants forcément différents »117:

  • (Ex12)

  • P1 - Tu m’avais parlé d ’un film.

  • P2 - J’ai vu ce film.

Il arrive toutefois que le déterminant soit identique, comme dans l’exemple suivant, mais ce n’est pas le cas prototypique :

  • (Ex13) As-tu connu le fils de Michel QUI tenait une boulangerie rue Thiers?

  • (Ex14)P1 - Le fils de Michel tenait une boulangerie rue Thiers

  • P2 - As-tu connu le fils de Michel ?

Dans des langues comme le coréen et le japonais, le problème de la distinction entre substantif et syntagme nominal ne se pose pas de la même façon, car la présence d’un déterminant tel que l’article défini ou indéfini devant un substantif n’est pas obligatoire à la différence du français. En coréen, comme un substantif précédé d’un déterminant quelconque, un substantif dépourvu de déterminant fonctionne aussi bien dans une structure phrastique de relativisation que dans une structure phrastique indépendante ou principale, comme le montre la phrase complexe coréenne (ex.15a) équivalant à celle de l’ex. (10).

De même que la phrase complexe à relative de l’exemple français (10) s’analyse en deux structures phrastiques simples isolées, comme nous l’avons fait supra, la phrase coréenne qui lui correspond peut être analysée en deux phrases simples de la manière suivante:

  • (Ex15)

  • (a) na-nIn /1/ nO-ka /2/ na-eke /3/ iyakihEs-tO-n /4/ yONhwa-lIl /5/ po-ass-ta /6/

  • moi-p.top /1/ toi-p.nom /2/ moi-à /3/ parler-remém.-SD /4/ film-p.accus /5/ voir-acc-STdécl /6/

  • →J’ai vu le film que tu m’avais parlé.

  • (b)P1 — nO-nIn / ( OttOn) yONhwa-ekwanhayO / na-eke / iyakihEs-Oss-ta /

  • P2 — na-nIn / (kI) yONhwa-lIl / po-ass-ta/

Comme l’analyse le suggère, notre démarche consiste à comparer la phrase complexe issue de la relativisation au couple de phrases simples que l’on obtiendrait en réalisant séparément chacune des deux structures phrastiques, ce qui est proche de celle pratiquée couramment par les grammariens. Il convient de préciser tout de même qu’avec cette démarche, nous nous limitons à montrer les conditions syntaxiques nécessaires à la mise en oeuvre de la relativisation, telle que l’identification des deux substantifs dans les deux structures phrastiques concernées. De ce fait, nous ne discutons pas la question de la nature précise (défini ou indéfini) des déterminants susceptibles d’être utilisés devant les substantifs identiques dans les deux phrases simples isolées, considérées comme sous-jacentes à la phrase complexe à relative, en prenant en compte le rapport discursif qu’ils impliquent. En effet, si on cherche à rendre compte de ce rapport discursif dans cette étape d’analyse, on devrait faire figurer, en coréen comme en français, deux déterminants différents devant les substantifs mis en commun dans les deux phrases simples isolées, bien que leur instanciation ne soit pas obligatoire d’un point de vue purement grammatical : mis entre parenthèses dans (15b), l’un est un déterminant indéfini comme [OttOn] (certain), associé au substantif appartenant à la phrase simple sous-jacente à la relative, et l’autre, un déterminant défini comme [kI], associé au substantif de la principale. Mais cette question de la nature des déterminants ne semble pas toutefois toucher directement aux conditions syntaxiques nécessaires à la mise en oeuvre de la relativisation.

Pour faciliter la compréhension des constructions de relatives dans les exemples suivants, nous indiquerons par trois paires de crochets les trois constituants qui se trouvent directement impliqués dans le mécanisme de relativisation :

  • la relative

  • le constituant formé par la combinaison de la relative et de l’élément ou d’un groupe d’éléments (traditionnellement analysé comme pronom relatif dans le cas du français)

  • le constituant nominal «  pivot ».

De plus, nous indiquerons, s’il est nécessaire, par un trait horizontal, la position nominale du substantif relativisé à l’intérieur de la relative qui est impliqué avec un substantif de la proposition principale par leur identité référentielle dans le mécanisme de relativisation :

  • (Ex16)

  • (a) Amstrong est [la personne [qui [Ø a débarqué pour la première fois sur la lune]]].

  • (b) amsthIloN-In [[[Ø chOImIlo / tal-e / saNlyukha]-n ] salam]-i-ta

  • Amstong-p.top / pour la première fois / lune-sur / débarquer-SD / personne-être-STdécl/

Ce que nous désignons par le terme de pivot correspond à l’« antécédent » de la relative du français et au « subséquent » de la relative du coréen. Dans ce qui suit, nous utiliserons le terme de pivot au lieu d’utiliser ces deux derniers termes. Certes, l’utilisation de ces deux termes aurait un double intérêt, du moins pour la description des relatives tant du français que du coréen : ils désignent le substantif de la proposition principale délimitant le domaine de relativisation en même temps qu’ils permettent de rendre compte respectivement de l’ordre de détermination entre ce substantif et la relative. Mais dans la perspective de la linguistique générale où nous nous situons, il nous paraît plus raisonnable d’employer le terme pivot qui ne fait pas référence a l’ordre de détermination entre la relative déterminante et le nom-pivot déterminé, parce que la place du nom-pivot par rapport à la relative peut être différente, dans certaines langues du monde, de celle du français et du coréen, comme nous allons le voir plus loin.

Notes
110.

E. Benveniste (1966) Problème de linguistique générale, Vol.I, Paris, Gallimard, chapitre 17, p.208

111.

A. Fabre, « Comparaison typologique du japonais et du coréen », dans Langage n°68.

112.

D. Creissels (1995), Ibid.

113.

D. Creissels (1995), Ibid.

114.

D. Creissels (1991) Description des langues négro-africaines et théorie syntaxique, Grenoble, Ellug, pp.454. Il est à noter que dans un autre ouvrage (Elément de syntaxe générale,1995) publié ultérieurement, cet auteur ne prend que l’identification des deux substantifs comme condition nécessaire à l’opération du mécanisme de relativisation, compte tenu du fait que ce mécanisme n’opère pas nécessairement dans le cadre d’une construction par enchâssement, a l’instar de la relative de certaines langues comme le bambara. Il fait toutefois remarquer que l’enchâssement de la relative dans la principale est un cas prototypique de relativisation qui se laisse identifier dans la majorité des langues du monde.

115.

Relativement à cette condition, ce linguiste tient à expliquer la différence entre la relativisation et le cas des enchaînements des structures phrastiques du type Michel est sorti, ø a pris sa voiture et ø s’est rendu à son travail. Dans ce dernier cas comme dans le premier, il s’agit de la présence de substantifs identiques dans les structures phrastiques concernées. Mais, si la relativisation impose des contraintes moins fortes sur la fonction syntaxique du substantif appartenant à la subordonnée relative, la coordination impose, comme condition nécessaire, l’identité fonctionnelle des substantifs identiques dans des structures phrastiques coordonnées. Dans l’exemple pris, il est question de l’identité de la fonction de sujet qui fait que dans la première structure phrastique, le substantif Michel occupe morphologiquement la position de sujet, et à la suite laisse vide la même position argumentale (indiquée par ø ) dans les structures phrastiques suivantes.

116.

J. Dubois et F. Dubois-Charlier, éléments de linguistique française: syntaxe, Paris, Larousse, 1970, p.248

117.

D. Creissels (1991) Ibid. p. 454.