5-4-2 La stratégie de l’« ellipse »

Cette stratégie, que Givón appelle en anglais « gap strategy »127, consiste à ne faire apparaître aucune trace morphologique ni dans la place canonique de la position N rel, ni en marge de la relative sous la forme de pronom relatif analysé, rappelons-le, comme le constituant N rel déplacé à l’initial de la relative en laissant vide sa place canonique. Lorsque cette stratégie est utilisée, la relative est reliée au nom-pivot selon les langues, soit par un élément qui est analysable non comme un pronom relatif mais comme une pure marque de subordination invariante en genre, en nombre et en cas, soit par aucun élément, ce qui veut dire que la relative est juste enchâssée dans le nom-pivot sans aucune marque de subordination. Les exemples japonais (ex.30) empruntés à Givón illustrent cette dernière possibilité.

En japonais, qui est une langue SOV, la proposition subordonnée relative précède immédiatement le nom-pivot de la proposition principale qu’elle détermine. Aucun morphème de relation n’apparaît à la marge de la subordonnée relative qui est juste antéposée au nom-pivot de la principale, sans qu’il n’y ait de modification formelle au niveau de la forme verbale de la relative : dans les exemples (30b-d), les subordonnées ont une forme verbale kaita (avoir envoyé) qui est identique à celle qui se trouve dans la phrase indépendante correspondante (30a)128. Ce qui distingue les subordonnées relatives des exemples (30b-d) de la phrase indépendante, c’est que dans les premières, la position nominale syntaxique que pourrait occuper un constituant nominal s’identifiant au nom-pivot de la principale est laissée vide.

Il en va de même pour le coréen avec quelques différences toutefois : d’une part, la subordonnée relative précédant le nom-pivot qu’elle détermine est reliée à celui-ci par un morphème analysable comme une marque de subordination. Ce morphème n’est pas autre chose qu’un suffixe affixé au verbe subordonné : -n dans le cas des exemples suivants (31b-d) ; d’autre part, la forme verbale de la relative à laquelle est affixé ce suffixe dit déterminatif est différente de celle de la phrase indépendante correspondante en ce qu’elle est dépourvue de morphèmes comme les suffixes aspectuels ou suffixes terminatifs que possède la forme verbale de la phrase indépendante : le suffixe accompli -(a)ss et le suffixe terminatif -ta indiquant la modalité déclarative de la phrase de l’ex. (31a). Ainsi, le coréen présente comme équivalents des exemples japonais (30) les exemples suivants :

Il faut souligner que nous convenons de parler ici de la stratégie de l’ellipse du terme nominal relativisé dans la mesure où la connaissance de la langue permet de retrouver ce terme nominal manquant. Ainsi la reconnaissance de l’identité lexicale du constituant nominal relativisé absent et de son rôle syntaxique dans la relative peut s’effectuer généralement à l’aide d’un certain nombre d’informations données par différents éléments impliqués dans la relativisation tels que Givón (1990) les précise dans son texte (Syntaxe II, p. 658) ;

‘« The case-role of the missing coreferential argument in an embedded REL-clause can also be recovered without any morphological provision. That is, the coreferential argument may be missing (« deleted ») without trace. In recovering the case-role of the missing argument under such conditions, the following information is presumably available to the hearer :
(a) the lexical-semantic case-frame of the subordinate verb;
(b) the lexical identity of the missing argument-read off the head-noun;
(c) the case-roles of the other arguments in the REL-clause, which are presumably undeleted and case-marked in the normal way.
Given such information, the hearer presumably infers by substraction the case-role of the missing argument. »’

Ce passage met en évidence la nécessité de prendre en compte, pour la reconnaissance de l’identité lexicale du constituant nominal N rel manquant et son rôle syntaxique dans la relative, le nom-pivot, appelé « head-noun » par le linguiste, la valence déterminée par le sens sémantico-lexical du verbe subordonné et les autres constituants nominaux présents dans la relative dont les rôles respectifs sont normalement marqués, dans le cas des langues comme le japonais ou le coréen, par des morphèmes casuels.

C’est ainsi que dans l’ex. (31b) l’on peut reconnaître lexicalement le constituant N rel manquant par l’identification au nom-pivot [namca] (homme) qui lui est coréférentiel. Sa fonction sujet se déduit des informations données, d’une part par la valence du verbe subordonné [ponE-n] (cf. la forme de base : [ponEta] (envoyer)) qui ordonne, par son trait sémantico-lexical, trois constituants nominaux dans les positions, sujet, objet, et complément datif (X-ka Y-lIl Z-eke ponEta), et d’autre part par les autres constituants nominaux qui occupent respectivement les positions d’objet et de complément datif et dont le rôle syntaxique est marqué explicitement par la particule postposée qui lui correspond : lIl pour l’objet et eke pour le complément datif. De la même façon que pour la fonction de sujet, on peut inférer les fonctions d’objet et de complément datif dans les exemples (31c-d).

Il est important de souligner qu’en coréen comme en japonais, lorsque la stratégie de l’ellipse est utilisée, elle s’applique non seulement au terme nominal relativisé mais aussi à la particule qui lui serait normalement postposée pour en indiquer le cas. Les exemples (30) et (31) montrent que quelle que soit la nature exacte de la position N rel, les particules postposées, nominative (-ka en cor./ -ga en jap.), accusative (-l I l / -o), dative (-eke / -ni) ainsi que leur constituant nominal N rel respectif sont effacées complètement de leur place canonique.

Si le coréen et le japonais procèdent principalement ou plutôt obligatoirement à la stratégie de l’ellipse pour le traitement du terme nominal relativisé, des langues comme l’anglais et le français, qui sont connues pour utiliser principalement la stratégie du pronom relatif, ne la mettent en oeuvre qu’occasionnellement, notamment dans la langue parlée. En effet, on sait que les pronoms relatifs s’emploient peu dans les relatives en anglais parlé et que celles-ci sont souvent introduites par that qui est analysable, non pas comme un pronom relatif, mais comme une pure marque de subordination. Dans ce cas, on peut voir que la position N rel n’est occupée généralement par aucun matériau morphologique, notamment lorsque cette position est une position de sujet ou d’objet direct.

  1. The children[ that [Ø were tired]] went to bed at once.

  2. The man [that [I met Ø last week]] lives in Paris.

De plus, l’anglais admet dans la langue parlée des relatives sans marque de subordination, ce que l’on désigne par le terme de relatives à « relatif zéro » — (ex.33). L’omission de cet élément de subordination en début de relative est très fréquente lorsque la position N rel est une position d’objet (ex.33c), mais elle n’est pas possible pour la position de sujet N rel (ex.33a) à l’exception du cas où l’antécédent, que la relative à « relatif zéro » détermine, est introduit lui-même par le présentatif There is ou It is (ex.33b).

  1. ?The children [Ø were tired] went to bed at once.

  2. There’s a man [Ø wants to speak to you].

  3. The man [I met Ø last week] lives in Paris.

On peut remarquer que dans les deux types de relatives en (32) et (33), relatives introduites par that et celles introduites par aucun morphème de relation (ou le « relatif zéro »), la position N rel est complètement vide, comme ce qui se produit dans les relatives des exemples du coréen et du japonais cités plus haut.

Quant au français, on peut faire le même constat dans la relative des exemples suivants, si l’on admet que les morphèmes qui et que sont des marques de subordination au lieu de les considérer comme des pronoms relatifs déplacés à l’initial de la relative : la position de sujet et celle d’objet restent vides129 :

  1. Les enfants [qui [Ø étaient fatigués]] sont allés au lit immédiatement.

  2. L’homme [que [j’ai rencontré Ø le week-end dernier]] habite à New York.

Par contre et contrairement à ce qui se passe en anglais, ces éléments de subordination, quelle que soit leur nature, ne peuvent être absents dans les relatives du français : * Les enfants — étaient fatigués sont allés au lit / *Les enfants — j’ai rencontrés la semaine dernière habitent à Paris. qui et que sont les marques de subordination les plus utilisées, que ce soit dans les relatives dites standard ou dans les relatives non-standard produites souvent en français parlé. Ces deux types de relatives sont congruents, surtout en ce qui concerne les relatives en qui sujet et en que objet.

Mais la situation devient un peu plus complexe lorsque la position Nrel est une position de complément de préposition en français. Dans ce cas, sans parler des relatives standard où la position Nrel est traitée avec le pronom relatif éventuellement précédé d’une préposition ou d’une locution prépositionnelle, le français parlé connaît des relatives, nommées « relatives défectives » par Damourette et Pichon, qui se caractérisent par la présence de la marque de subordination invariable que en marge de la relative et par l’absence du terme nominal relativisé avec sa préposition de leur place canonique à l’intérieur de la relative. Les exemples (35a) et (35b) illustrent le cas du complément verbal, (35c) celui du génitif et (35d-e) celui du locatif spatio-temporel.

  1. C’est la jambe droite qu’il se plaint Ø (de+SN)(Damourette et Pichon)

  2. Ce sont des appareils qu’on se sert Ø (de+SN) (Deulofeu 1981)

  3. Mon mari que je viens de vous transmettre l’adresse Ø (de+SN) (Frei 1929)

  4. Pourriez-vous savoir si réellement mon mari est prisonnier dans les camps qu’ils n’ont pas le droit d’écrire Ø (dans/à +SN). (Frei 1929)

  5. C’est dans les moments que je suis resté si longtemps sans nouvelles Ø (dans/à +SN). (Frei 1929)

A supposer que la préposition du français et la particule dite casuelle du coréen ont pour rôle commun de marquer les rapports sémantico-syntaxiques des constituants nominaux avec le prédicat dans le schème de prédication, on peut dire que la relative de l’ex. (35) est comparable à la relative de l’exemple coréen (31d) ou du japonais (30d), en ce que ses éléments de relation sont effacés avec le constituant N rel dans chaque cas. Néanmoins, si l’effacement de la particule casuelle est systématique dans la relative du coréen, quelle que soit sa nature, comme nous l’avons dit plus haut, l’effacement de la préposition dans la relative du français ne se fait pas sans réserve. On peut dire, à la suite de l’enquête de Gadet (1995)130, que l’effacement de la préposition dans la relative (appelée « relative réduite » par cette linguiste) n’est possible qu’avec un certain nombre limité de verbes qui se trouvent dans la subordonnée relative. Il s’agit de verbes de grande fréquence, de parole et de mouvement comme parler, répondre, discuter, entendre parler, être d’accord, penser, rester, aller, assister, avoir besoin, se rendre compte, etc.131, et les prépositions ainsi effacées sont souvent à ou de que certains linguistes qualifient d’« incolores » ou « vides » de sens du fait que, régies elles-mêmes par la valence du verbe subordonné, elles ne marquent que de simples rapports syntaxiques.

Dans les exemples (35a-e), aucun élément segmental de la structure relative ne spécifiant la position syntaxique du terme nominal relativisé, c’est généralement la valence du verbe, ou la valence nominale, si c’est le cas du génitif, qui permet de l’identifier. Néanmoins l’absence d’un élément anaphorique en position initiale et en position relativisée peut induire une ambiguïté. Ainsi l’ex. (36a) peut être interprété comme (36b) ou comme (36c) :

  1. C’est celui-là que j’ai parlé.

  2. C’est celui-là dont j’ai parlé.

  3. C’est celui-là à qui / avec qui j’ai parlé.

Il existe également le cas des relatives « défectives » où le terme nominal relativisé est effacé de sa place canonique, mais son relateur reste après le verbe subordonné.

  1. Qu’est ce que c’est qu’une chaise ? C’est une chose qu’on s’assoit dessus. (Damourette et Pichon)

  2. y en a encore là qu’i doit pas y avoir grand-chose après. (Gadet 1989)

  3. la compagnie que je travaillais pour, c’était Donely. (Lefèbvre et Fournier)

Dans ce cas, le nombre de prépositions qui peuvent fonctionner ainsi seules, faute du constituant nominal N rel qu’elles régissent (d’où la désignation de « prépositions orphelines »132) apparaît également limité. Ce sont les prépositions telles que sans, avec, pour, contre qui y figurent fréquemment, auxquelles s’ajoutent parfois des adverbes comme dessous, dessus et dedans. Il est clair que dans ce cas la présence de ces prépositions ou adverbes aide à repérer le rôle syntaxique et sémantique de ce constituant N rel effacé dans la relative.

Il est intéressant de remarquer qu’en comparaison avec le français, l’anglais connaît également des « prépositions orphelines », mais avec des contraintes différentes. Ainsi, dans la relative de l’anglais comme celle de l’ex. (38a), dépourvue du constituant N rel qu’elle régit, la préposition to, qui gouverne normalement l’objet indirect du verbe talk, se trouve ici seule après ce verbe, alors qu’en français il est difficile de trouver la préposition correspondante à dans cette même position après le verbe parler dans la relative (38b). Dans ce cas, on emploie de préférence la « relative réduite », c’est-à-dire la relative sans « préposition orpheline » à (38c).

  1. The man [that [he was talking to Ø ]] was his director.

  2. *l’homme [qu’[il parlait à Ø]] était son directeur.

  3. l’homme [qu’[il parlait Ø]] était son directeur.

Par contre, les relatives des exemples suivants illustrent le cas inverse avec les prépositions with et avec qui n’ont pas la même possibilité de fonctionner comme « préposition orpheline » dans les deux langues.

  1. The stick I hit the dog

  2. *The stick I hit the dog with Ø

  3. le bâton que j’ai frappé le chien avec Ø

D’après Keenan (1985, p.154), l’anglais accepte (39a) et non (39b), à la différence du français où la présence seule de la préposition correspondante avec, indiquant la fonction de « complément d’instrument » dans la relative, est tout à fait concevable dans un pareil cas.

Par contre, les particules casuelles du coréen, bien qu’elles soient comparables, en tant qu’éléments de relation, aux prépositions du français, n’ont pas le même degré d’autonomie que ces dernières. En effet, il n’y a aucune possibilité pour les particules casuelles postposées du coréen de fonctionner seules dans la relative, lorsqu’un complément dit « circonstanciel » est relativisé de même si le sujet ou l’objet sont relativisés. La particule postposée ainsi que le terme nominal relativisé, quelle qu’en soit la fonction, s’effacent totalement de leur place canonique dans la relative. Cette absence totale de marque formelle susceptible d’indiquer directement le rôle sémantico-syntaxique du terme nominal relativisé dans la relative permet d’expliquer les contraintes que le coréen connaît pour relativiser certaines fonctions argumentales, notamment certains types de compléments circonstanciels, là où le français les relativise avec la possibilité de marquer la fonction sémantico-syntaxique du complément circonstanciel en question à l’aide du pronom relatif éventuellement précédé d’une préposition dans le cas de la relative standard, ou bien d’une « préposition orpheline » dans le cas de la relative non-standard.

Pour ne citer qu’un exemple, on peut illustrer ce contraste par un exemple français comme (40) où est relativisé un « complément circonstanciel de moyen » dont le rôle sémantico-syntaxique est explicitement indiqué par une forme composée d’un pronom relatif et d’une préposition telle que par lequel. La reconstitution de la partie soulignée de cet exemple en proposition relative et phrase indépendante qui lui correspond, en français (40a-a’) et en coréen (40b-b’), permet de constater clairement la contrainte forte qui pèse sur la relativisation en coréen de certains types de compléments circonstanciels (pour ne pas dire tous les types de compléments circonstanciels), contrairement à ce qui se passe en français.

Etroitement liée à la stratégie de relativisation, en l’occurrence la stratégie de l’ellipse que cette langue utilise fréquemment, cette contrainte permet d’expliquer également la tendance récurrente du traducteur à modifier la construction relative française soit en en changeant la fonction relativisée, soit en traduisant par une autre construction syntaxique, souvent coordonnée, du coréen. Dans le cas de l’exemple français (40), un traducteur coréen a rendu la subordonnée relative par une relative coréenne en changeant la fonction du terme nominal relativisé (41) : dans celle-ci le terme nominal relativisé « lathinO » (mot latin) est devenu le sujet du verbe subordonné « kalikhi-nIn » (qui désigne...), mais non le complément de moyen de celui-ci.

Nous n’aborderons pas ici en détail la question de savoir quel est le degré d’accessibilité à la relativisation des différentes fonctions syntaxiques du coréen en comparaison avec le français, ni quelle est la pratique de traduction choisie en raison d’une telle différence linguistique.

Il faudrait ajouter par anticipation que le coréen, et parfois même le français parlé, connaissent des constructions, morphologiquement et fonctionnellement semblables à celles des relatives, qui posent toutefois des problèmes d’interprétation à plusieurs niveaux. Ces problèmes sont liés à l’absence de toute marque formelle dans la relative, comme le pronom relatif ou la « préposition orpheline » dans la relative non-standard du français, qui permettrait, du point de vue du décodage, de reconnaître le lien grammatical précis entre la subordonnée déterminant et le nominal déterminé. Nous parlerons également de ces problèmes d’interprétation ultérieurement avec quelques cas de figure.

Pour en finir avec la stratégie de l’ellipse en tant que procédé de traitement du terme nominal relativisé, quelques remarques nous semblent nécessaires après l’observation de sa mise en oeuvre dans diverses langues.

Premièrement, il nous paraît important, pour parler de l’utilisation de cette stratégie dans différentes langues, de distinguer au moins deux cas :

Deuxièmement, dans les langues comme le français, la stratégie de l’ellipse tend à s’appliquer à des positions nominales qui sont en général fortement régies par la valence du verbe comme le sujet et l’objet ou encore l’« objet indirect », dit aussi « le second objet ».

Troisièmement, à supposer que les prépositions du français ou de l’anglais soient fonctionnellement équivalentes aux particules casuelles du coréen ou du japonais, on peut également distinguer le cas où ces éléments de relation peuvent rester seuls dans la relative en l’absence du terme nominal relativisé du cas où ils ne le peuvent pas :

Notes
127.

Nous aurions avantage à traduire la dénomination anglaise gap strategy par la stratégie du « trou » qui a un sens précis en linguistique américaine, au lieu d’utiliser le terme d’ « ellipse » qui est par contre problématique, tout comme le symbole Ø couramment utilisé pour représenter l’absence d’un matériau linguistique. En effet, comme nous allons le voir plus loin, la simple utilisation du terme « ellipse » n’est pas suffisante pour traiter le phénomène que nous appelons ici « le phénomène de l’ellipse », car l’absence d’un matériau linguistique peut être d’origine tantôt grammaticale, ce qui est le cas du terme nominal relativisé, tantôt discursive. Nous reviendrons sur ce sujet plus loin. Pour le moment, nous nous en tenons ici à l’emploi du terme général « ellipse » pour désigner le terme nominal relativisé absent.

128.

Il faut tout de même noter que si le verbe de la proposition principale peut varier de la même façon que le verbe d’une phrase indépendante, le verbe de la subordonnée relative est limité dans ses variations, notamment en ce qui concerne la possibilité de marquer des degrés d’honorification. Le même constat peut se faire en coréen dans le cas des subordonnées équivalentes aux « complétives » du français. A la différence des verbes des autres types de subordonnées qui se différencient nettement du verbe d’une phrase indépendante par l’absence du suffixe terminatif qui varie généralement selon les types de phrase et les degrés d’honorification, ces subordonnées comportent des formes verbales « complètes », c’est-à-dire contiennent des suffixes terminatifs. Néanmoins, ces derniers sont limités dans leurs variations relativement aux degrés de l’honorification.

129.

Il est à noter tout de même que l’analyse courante de qui et que comme pronoms relatifs de sujet et d’objet n’est pas acceptée telle quelle et à l’unanimité par les linguistes français. Certains comme Blanche-Benveniste (1980), Deulofeu (1981), Moreau (1971), Rebuschi (1996), etc. voient en qui et que deux variantes d’une même marque de subordination qui apparaissent alternativement dans les relatives non-standard selon la position relativisée qui → sujet et que → toute position autre que le sujet. Dans le cadre de cette théorie, le traitement de la position Nrel par la stratégie de l’ellipse apparaît plus évidente. Nous verrons cette analyse dans la section suivante.

130.

F. Gadet (1995) « Les relatives non standard en français parlé : le système et l’usage, dans Etudes Romanes N°34, Université de Copenhague, pp107-123, 1995.

131.

Gadet fait remarquer, dans le français ordinaire (1989, pp.147-159), que l’effacement de la préposition de ces verbes dans les « relatives réduites » a souvent lieu lorsque celles-ci apparaissent sous une forme thématisée, comme le montre l’ex.(35), ou C’est ça que je me suis rendu compte, ce qu’il faut s’occuper, c’est de répondre tout de suite, etc.

132.

Ce terme est souvent employé par des générativistes comme Zribi-Hertz (1984) et Godard (1989). Ils considèrent que la préposition orpheline n’est pas seule, mais régit un « pronom nul » qui n’est pas réalisé phonétiquement mais qui a la même valeur anaphorique que les pronoms ou les indices pronominaux apparents : la fille qu’il sort avec Ø = la fille qu’il sort avec elle.. Suivant cette analyse, Gadet range ces relatives avec « préposition orpheline » dans la classe des relatives qualifiées de « résomptives ». Mais nous les classons ici comme les relatives défectives.