5-4-3 La stratégie du pronom résomptif

La stratégie du pronom résomptif se caractérise par l’utilisation d’un pronom anaphorique dont la forme serait la même que celle qui se trouverait dans une unité phrastique indépendante, comme si elle faisait l’objet d’une anaphore discursive. Cette stratégie peut être illustrée avec l’exemple suivant tiré de l’hébreu moderne et emprunté à Givón (1990, p.655) :

La relative postnominale est reliée au nom-pivot [ha-isha] (la femme) par she qui n’est pas un pronom relatif, mais une marque de subordination pouvant introduire également une subordonnée autre que la relative. On voit dans l’ex. (42) que la position N rel, qui est une position d’objet indirect de la relative, est occupée par un pronom résomptif [a] qui renvoie au nom-pivot [ha-isha] (la femme), exactement de la même façon que la position syntaxique en question serait remplie par le pronom identique [a] dans une phrase indépendante. Or dans cette langue, le pronom résomptif ne peut être utilisé lorsque la position N rel est une position de sujet. On peut illustrer cette contrainte avec l’exemple suivant emprunté à Keenan (1985, p. 147) :

Selon Keenan, par opposition à l’ex. (43b), l’ex. (43a) est jugé agrammatical en raison de la présence du morphème anaphorique -hu en position N rel de sujet de la relative. Il est à préciser toutefois que la manifestation d’une telle contrainte dépend du type de verbe de la relative : contrairement à ce qui se passe dans l’ex. (43a) où le verbe makir (connaître) est transitif, cette contrainte ne s’impose pas si le verbe de la relative est qualificatif ou encore intransitif (43c). Dans ce cas, le pronom résomptif de sujet hu peut ou non être présent. Par contre, l’utilisation du pronom résomptif est possible pour toute position autre que le sujet, quel que soit le type de verbe de la relative.

De même, on trouve en français parlé des relatives où la position N rel est occupée par un élément anaphorique qui peut être un indice pronominal (elle, il, le, la, les, lui, en, y), un pronom fort (ça), ou encore un déterminant possessif (sa, son, ses). Il s’agit d’un type de relatives non-standard appelées « relatives phrasoïdes » par Damourette et Pichon (1911-1937), « relatives résomptives »133 par F. Gadet (1995) ou encore « relatives décumulées » par P. Guiraud (1968). A la différence des relatives standard où le pronom relatif cumule à la fois le rôle de marque de subordination et celui d’anaphorique sur une forme unique, ces relatives « phrasoïdes » ont pour caractéristique d’avoir des éléments dissociés pour ces deux rôles différents : l’un est donc assumé par que qui se place à l’initiale de la relative et l’autre par un élément pronominal qui se trouve généralement à la place canonique du constituant N rel qu’il remplace, sauf le cas des indices pronominaux comme le, lui, elle, en, y qui sont préfixés à la forme verbale de la relative. Ainsi la forme de cet élément anaphorique varie selon la fonction syntaxique, le genre et le nombre du nominal relativisé dans la relative comme elle le serait dans une phrase indépendante, en accord avec un constituant nominal posé dans un contexte préalable. Quant à la forme que, elle n’a aucun trait qui autoriserait à en faire un élément pronominal : elle est invariable, quelle que soit la fonction du terme nominal relativisé, et elle est une pure marque de subordination.

Les exemples suivants montrent que la stratégie du pronom résomptif est utilisée pour le traitement de la position N rel de manière très productive en français parlé : les positions syntaxiques aussi différentes que le sujet, l’objet, l’objet indirect ou le complément circonstanciel peuvent être occupées par des formes aussi variées de pronoms résomptifs.

  1. Voilà [une idée [qu’[elle est bonne]]] (Gadet 1989))

  2. Il a fait un film avec [des copains [que [ça s’appelle Méli-Mélo]]] (Gadet 1989)

  3. Madame Dupont, c’est [une femme [qu’[on peut la croire]]] (Damourette et Pichon)

  4. c’est l’homme que je t’en ai parlé (Gadet 1995)

  5. C’est un petit gars que n’importe qui s’adaptait à lui (Lefèbvre et Fournier)

  6. Il a reconnu sa voiture, tu sais, le type que sa voiture avait été volée. (Damourette et Pichon)

Selon Gadet, l’occurrence de ces relatives résomptives avec celle des relatives réduites n’est pas négligeable en français parlé. Si les relatives réduites sont souvent utilisées en raison de leur brièveté, les relatives résomptives sont mises en oeuvre couramment, parce que, d’une part, après la conjonction que, la structure de ces relatives s’organise de la même façon que celle d’une phrase simple et d’autre part, grâce aux indices pronominaux, aux possessifs et aux « prépositions orphelines », la relativisation est plus facilement accessible à toute fonction syntaxique et la récupérabilité de la position relativisée est ainsi beaucoup plus aisée. En tout cas, la structure de ces relatives résomptives est conforme à la logique analytique du français.

Quant au coréen, nous avons vu plus haut que cette langue utilisait principalement la stratégie de l’ellipse pour le traitement de la position N rel occupant des positions syntaxiques comme le sujet, l’objet et le complément datif, bref, celles fortement régies par la valence du verbe subordonné. D’ailleurs, les grammaires du coréen que nous avons consultées ne parlent de cette stratégie que comme la seule possible du traitement de la position N rel. Cependant, à l’instar de certains linguistes coréens, il convient d’admettre que le coréen procède également à la stratégie du pronom résomptif, bien que celui-ci n’ait pas les mêmes comportements que ses correspondants français. En effet, cette langue emploie occasionnellement un pronom [caki] (ou cakicasin) dit traditionnellement « pronom réfléchi », lorsque la position N rel est une position génitivale d’un constituant nominal de la relative, comme le montre l’exemple donné par Yang (1985, p.177)134.

Dans la relative de l’ex. (45b), la position génitivale du sujet [ttal] est occupée par le pronom réfléchi [caki] suivi d’une particule génitive [Ii], pronom qui renvoie référentiellement au nom-pivot [John], alors qu’il est possible de ne faire apparaître aucun élément anaphorique dans la même position syntaxique (45a).

Parlant de ce pronom réfléchi coréen, il convient de le distinguer nettement des morphèmes français me, te, se, nous, vous. Contrairement à ces derniers qui présentent des formes variables selon la catégorie grammaticale de personne du sujet (Je-me, Tu-te, Il/Elle/On-se, Nous-nous, Vous-vous, Ils/Elles-se), le pronom réfléchi coréen ne s’accorde pas en personne, et il existe la forme [caki] (soi) ou sa forme renforcée [cakicasin] (soi-même) qui ont pour référent la tierce personne au sens propre du terme. Pour référer à la troisième personne du pluriel, on ajoute à [caki] une particule du pluriel [tIl], ce qui donne [caki-tIl] (eux-mêmes). Quant au référent auquel [caki] renvoie, il ne peut être qu’une personne et non une chose comme on peut le constater dans l’ex. (45b), à la différence du morphème français se qui admet aussi bien le référent non-humain que humain : Marie se voit dans le miroir / Ce livre se vend bien.

Une autre différence se remarque aux niveaux de leur distribution et de leur statut. Tous les morphèmes français me, te, se, nous, vous, se occupent dans des formes verbales une position qui est ordinairement celle d’un indice d’objet. En fait, dans les grammaires du français, on utilise couramment le terme de « forme pronominale », plus précisément de « pronom réfléchi » pour désigner le morphème se utilisé dans un énoncé comme Elle se regarde. Ce dernier n’est cependant pas un véritable pronom comme le dans Elle le regarde, mais une désinence verbale. Quant à la forme coréenne [caki], elle occupe au même titre qu’un argument nominal une position syntaxique qui peut être celle de sujet, d’objet, de complément datif, etc135. De ce fait elle est davantage comparable à des formes comme lui-même, elle-même.

Il convient de préciser que selon D. Creissels, on peut généralement parler dans les langues de mécanismes de réflexisation, mais il est très rare que ces mécanismes mettent en jeu de véritables pronoms réfléchis, comme le se du latin. En particuler, ces dernières formes de sens réfléchi lui-même, elle-même, eux-mêmes, etc. en français, comme himself en anglais, ne sont pas de véritables pronoms réfléchis, mais des pronoms emphatiques qui dans certaines conditions (et seulement dans certaines conditions) s’interprètent comme réfléchis.

Revenant sur la possibilité d’utiliser le pronom réfléchi [caki] (soi-même) en position N rel, on peut affirmer avec le linguiste Yang (1975) que normalement il ne peut pas apparaître en position de sujet de la relative à laquelle est adjacent le nom-pivot subséquent qui lui servirait de référent—(46a). Mais il peut toutefois le faire si l’unité phrastique où il apparaît est une subordonnée enchâssée dans cette relative—(46b).

Ces trois derniers exemples illustrent le cas des relatives que l’on peut nommer « relatives imbriquées ». Dans celles-ci, la position N rel est traitée aussi bien avec la stratégie de l’ellipse qu’avec la stratégie du pronom résomptif en mettant en jeu concrètement un pronom réfléchi [caki] (46b) ou un pronom anaphorique [kI] qui a pour correspondant français il ou lui dans l’ex. (46d). Mais laissons de côté pour le moment ces relatives imbriquées dont nous aurons l’occasion de parler par la suite. L’important est de remarquer que dans ces relatives la position N rel peut être traitée avec plus de matériau morphologique que dans les relatives « simples ».

Le linguiste S-W I (1984) relève aussi le cas des relatives où la position N rel est occupée par un pronom résomptif tels que [kI], [kInyO] (elle), [kOki] (ce lieu-là) qui ont en commun la base [kI]. Notons que ce morphème, qui est à l’origine un démonstratif distal formant avec [i] et [cO] un système de démonstratifs tripartites, a des emplois divers dans le système actuel de la langue. Il peut fonctionner, selon le contexte où il apparaît, tantôt comme un démonstratif (équivalant en français à ce—là), tantôt comme un pronom délocutif (équivalant à il ou lui, parfois même à elle), ou encore comme un génitif éventuellement suivi d’une particule génitive [Ii] (équivalent aux déterminants possessifs son ou sa). [kInyO] quant à lui est une forme composée de [kI] et d’un substantif sino-coréen [nyO] signifiant « femme». Enfin, le dictionnaire de langue présente [kOki], ainsi que deux autres formes [yOki] (ce lieu-ci) et [cOki] (ce lieu-là), comme un adverbe de lieu. Mais si on s’en tient à la définition du « pronom » comme ce qui se substitue au nom, il est bon de le considérer comme un « pronom de lieu » qui remplace le groupe nominal de lieu (kI-cip (cette maison-là) k O ki (là-bas)), comme peuvent le faire les deux formes précédentes (John kI / Marie kIny O). Ainsi, S-W. I donne dans son article (1984)136 les exemples suivants de relatives où ces pronoms résomptifs occupent une position N rel qui est souvent autre que celle de sujet ou d’objet. (Nous en avons excepté le cas des relatives imbriquées.)

Un peu comme ce qui se passe dans les relatives résomptives du français, les pronoms (lui résomptifs [kI] (lui), [kInyO] (elle) et [kOki] (là-bas) sont marqués, dans ces exemples coréens, par des particules casuelles postposées différentes, respectivement, [Ii], [lIl], [wihayO]137 et -esO qui ont pour rôle d’indiquer les fonctions syntaxiques et sémantiques de chacun de ces pronoms : fonction génitive (→k I - I l myONchal : badge de lui), fonction de complément « bénéfactif » (→k I ny O-lIl wihayO : pour elle) et fonction de complément locatif (→k O ki-esO : dans *là-bas).

Néanmoins, nous aimerions faire quelques réserves sur l’utilisation de ces pronoms résomptifs dans de telles positions syntaxiques. Loin d’être grammaticalement erronée ou incorrecte138, l’utilisation de ces pronoms résomptifs dans ces positions syntaxiques est cependant rare dans la pratique langagière des Coréens. L’emploi du pronom dans l’ex. (47b) notamment, dont l’acceptabilité est discutable, est dû, nous semble-t-il, à l’interférence avec d’autres langues étrangères comme l’anglais et le français qui autorisent une telle relative impliquant soit la stratégie du pronom relatif ou celle du pronom résomptif : en fr. Marie pour qui John a acheté le livre / *Marie que John a acheté le livre pour // en ang. Mary for whom John bought the book / Mary that John bought the book for .

Il est intéressant de noter ici qu’on observe en général plus fréquemment l’occurrence des morphèmes [kI] (lui) et [kInyO] (elle) dans les textes français traduits en coréen qui constituent notre corpus, que dans les textes coréens traduits en français. On pourrait expliquer ceci par le fait que ces morphèmes [kI] et [kInyO] s’emploient en coréen d’une manière beaucoup moins systématique que tous les morphèmes du français qui leur correspondent fonctionnellement. Rappelons que selon le contexte où il apparaît, [kI] peut correspondre fonctionnellement aux démonstratifs (ce, cette), ou bien aux pronoms délocutifs (il, le), ou encore aux possessifs (son, sa) en français. De plus, son utilisation n’est pas automatique, notamment lorsque ce morphème fonctionne comme le sujet désignant une tierce personne, contrairement à son correspondant français Il dont la règle grammaticale exige la présence auprès du verbe. Quant à [kInyO], qui correspond à elle, son utilisation est encore moins fréquente que [kI] dans des textes littéraires. Encore faudrait-il rappeler qu’au lieu d’utiliser ces morphèmes anaphoriques, les natifs préfèrent, dans leur pratique langagière, répéter ou omettre le terme nominal désignant une tierce personne, posé préalablement dans un contexte antérieur. Ainsi, compte tenu de la différence entre ces deux langues du nombre et du fonctionnement des unités linguistiques qui assurent les liens anaphoriques avec d’autres segments du discours, nous nous permettons de faire une hypothèse sur le processus de la traduction. Le traducteur, passant du texte français au texte en coréen, serait “contraint” d’utiliser davantage [kI] et [kInyO], en traduisant, par exemple, les pronoms délocutifs il, le, lui et elle , bien qu’il ait d’autres choix comme la répétition du terme nominal déjà connu ou l’omission de ce dernier, deux procédés qui sont les plus utilisés. D’où l’occurrence plus élevée de [kI] et [kInyO] désignant une tierce personne dans le texte français traduit en coréen que dans le texte coréen écrit par le natif qui recourt beaucoup moins à de tels éléments anaphoriques qu’à l’ellipse du terme nominal en question.

On peut constater le même phénomène dans la traduction coréenne des relatives françaises, notamment les relatives en dont en fonction de génitif qui est rendu par [kI] et qui se trouve antéposé à un constituant nominal de la relative139. Voici deux exemples relevés dans deux ouvrages différents :

La traduction coréenne de ces relatives en dont introduit [kI] devant un constituant nominal à l’intérieur de la relative qui signale son rapport associatif avec le nom-pivot de la principale, de même qu’un déterminant dit possessif (son ou sa), peut présenter ce rapport dans les relatives non-standard du français, comme nous l’avons fait apparaître dans la glose : k I-Iimi (sa-signification) message URL harr.gif tal I nhy ON s ON yoso (autre élément formatif) / k I-concE (son-existence) message URL harr.gif kI-Ii-cokuk (lui-de-patrie : sa patrie).

Nous avons pris ces exemples afin de montrer que ce morphème [kI] est bel et bien employé comme un élément anaphorique dans la relative qui renvoie référentiellement au nom-pivot subséquent. Du fait que ces exemples sont extraits d’une traduction, il est tout de même difficile de dire que l’utilisation de [kI] résulte d’une simple interférence ou du calque d’un fait linguistique du français sur le coréen. Car l’utilisation de [kI] en position génitivale, en tant que terme relativisé, d’un constituant nominal de la relative ainsi qu’en position argumentale primaire (sujet, objet) dans une phrase indépendante140 s’observe en particulier dans les écrits littéraires, même si son emploi n’est pas tout à fait généralisé dans l’usage quotidien à l’écrit comme à l’oral. On peut de même remarquer que l’occurrence de ce morphème dans ces positions syntaxiques spécifiques est plus fréquente dans les écrits de certains auteurs coréens que dans ceux d’autres auteurs. A partir de ces observations, on peut supposer que l’utilisation « croissante » du morphème [kI] sous la plume de certains auteurs coréens est due à l’influence exercée par les textes de langues étrangères traduits en coréen. Sans doute habitués à lire ce type de textes, ils contribueraient à une éventuelle généralisation ou une extension de l’emploi du morphème [kI] en coréen en tant que « pronom résomptif ».

Par ailleurs, l’utilisation « croissante » de ce morphème peut aussi s’expliquer par le fait que l’ellipse du terme nominal, qui se produit très couramment à l’écrit comme à l’oral, est souvent source d’ambiguïté et pose donc un problème d’interprétation. D’où le besoin ou la nécessité de recourir à [kI] dont la présence permet de mieux expliciter le rapport référentiel entre des segments du discours. Bien entendu, l’ellipse du terme nominal et le recours au morphème [kI] qui remplace ce terme nominal sont des procédés moins sûrs que la répétition du terme nominal en question pour éviter le problème d’interprétation du rapport référentiel entre des segments du discours. La répétition est donc un procédé qui est utilisé, nous semble-t-il, le plus fréquemment dans les écrits.

En somme, bien qu’elles aient un peu dépassé notre sujet de discussion, ces précisions sur les emplois du morphème [kI] nous ont quand même semblée utiles pour mieux rendre compte de son emploi occasionnel comme pronom résomptif en position génitivale d’un constituant nominal de la relative en coréen.

Notes
133.

Dans cette classe de relatives résomptives, cette linguiste inclut les relatives où la position Nrel est occupée non par un pronom résomptif apparent, mais par la préposition orpheline, en considérant que celle-ci gouverne dans ce cas un pronom implicite dit « pronom zéro » [Prép.+ø]. Rappelons toutefois que pour notre part, nous avons traité ces relatives avec préposition orpheline dans le cadre de la stratégie de l’ellipse (cf. les exemples (35a) et (36)). Mais, que les relatives avec préposition orpheline soient traitées ou non comme relatives résomptives, l’important est de remarquer l’absence du constituant nominal apparent en position N rel dans la relative.

134.

D-W Yang (1975) Topicalization et relativization in korean, Séoul, Pan Korea Book Corporation, p. 177. Ce linguiste donne également l’exemple suivant où la position de sujet de la relative est occupée par ce même pronom réfléchi. Mais cet exemple nous semble discutable du point de vue de son acceptabilité.

(Ex) caki-ka / mali-lIl / towacu-n / John /

soi-p.nom / Marie-p.accus / aider-SD / John /

(lit.) *John que lui-même a aidé Marie

135.

Il serait bon d’expliquer le cas où ce pronom réfléchi coréen occupe la position de sujet. En effet, on sait qu’un nombre important de langues n’autorisent pas la présence du pronom réfléchi en position de sujet. Le coréen par contre l’autorise sous certaines conditions. Ce morphème peut occuper cette position s’il apparaît soit dans une structure phrastique dite traditionnellement « phrase à double sujet » (exemple cité ci-dessus) et dans ce cas il renvoie référentiellement au constituant nominal thématisé ; soit dans une subordonnée en se référant à un constituant nominal appartenant à la principale, comme nous allons le voir dans l’ex. (44)

(Ex) mali-nIn / caki-ka / ceil / yeppI-ta /

Marie-p.top / soi-p.nom / le plus / être belle-STdécl /

(lit.) *Marie, elle-même est la plus belle. (→Marie se croit la plus belle)

136.

S-W. I (1984) « hankukO kwankyecOli hwesENtEmyONsa e kwanhayO » (« Sur les pronoms résomptifs des relatives du coréen ») dans la revue O haky O nku n°20-1, pp. 51-59.

137.

Cette particule, que nous avons appelée « particule bénéfactive », n’est pas une particule casuelle à proprement dite. Elle est, à l’origine, une lexie composée d’une particule accusative « lIl » et d’une expression verbale « wihata » (faire qc dans l’intêret de qn.) translatée en adverbe « wihayO ». Elle fonctionne sémantiquement et syntaxiquement de la même façon que la préposition française pour .

138.

Nous ne sommes pas véritablement en mesure de trancher en faveur de l’agrammaticalité ou de la grammaticalité de ces relatives dans ces exemples cités par ce linguiste, étant donné que la « norme » reste assez vague. Ces exemples suscitent en tout cas des questions d’acceptabilité. A la suite d’une petite enquête effectuée auprès de quelques natifs, on peut dire que si les avis sont partagés quant à l’acceptabilité des exemples (46a) et (46c), la plupart des interrogés rejètent systématiquement l’ex. (46b) où le pronom résomptif [kInyO] (elle) est utilisé dans une position de complément « bénéfactif » marquée par une particule casuelle composée [-lIIl wihayO].

139.

Bien entendu, il existe aussi des exemples qui montrent d’autres moyens utilisés pour traduire ces relatives : soit elles sont traduites par les relatives correspondantes du coréen, mais sans l’élément de reprise tel que [kI] qui renverrait référentiellement au nom-pivot, comme on vient de le voir; soit elles sont rendues par une coordonnée ou une phrase indépendante où se présente plus nettement [kI] qui se réfère dans ce cas à un constituant nominal posé dans une phrase précédente. Mais nous ne nous étendrons pas sur ces cas de figure.

140.

Il est bon de préciser qu’il s’agit là d’un contexte spécifique où ce morphème se comporte comme le substitut d’un argument nominal : John → kI (lui). Sinon, l’occurrence de [kI] est fréquente, lorsque ce morphème fonctionne en tant que déterminant démonstratif, généralement suivi d’un nom indépendant ou dépendant : John → k I salam (cette personne) / Table → k I-kOs (ceci); et ceci excepté le cas de la relative où il est employé comme le substitut du terme nominal relativisé, occupant l’antéposition d’un constituant nominal, position à laquelle nous associons le rôle génétival. Rien n’empêche que l’on considère ce morphème comme un démonstratif dans ce cas de figure. Mais, l’essentiel est que ce morphème joue un rôle anaphorique.