6-1-5 Quelques remarques à propos de l’observation

Il est évident qu’il serait impossible d’aborder ainsi toutes les fonctions syntaxiques accessibles à la relativisation et celles qui ne le sont pas, en même temps que les problèmes de reconnaissance de certaines fonctions relativisées ou supposées telles en coréen. Néanmoins, les cas que nous avons observés ici ont permis de dégager un certain nombre d’idées.

Compte tenu du fait que le terme nominal relativisé est matériellement absent avec la particule postposée, qui est son élément de relation, dans la réalisation de la structure relative du coréen, on s’est efforcée de présenter, avec chaque structure relative, une structure phrastique indépendante qui lui correspondrait et dans laquelle apparaîtrait le terme nominal identique à celui relativisé avec sa particule casuelle. Mais il faut rappeler encore une fois que cette procédure n’impliquait pas nécessairement de considérer que la structure phrastique correspond réellement à la structure relative considérée comme son résultat. En fait, comme on l’a vu, la correspondance entre la structure relative et la structure phrastique n’est pas toujours univoque et réciproque : dans les cas où la relativisation n’est pas possible comme pour l’attribut du sujet et celui de l’objet, la structure phrastique n’a tout simplement pas de structure relative correspondante ; dans les cas où la relativisation est possible, une structure relative, notamment celle dans laquelle un complément circonstanciel de lieu par exemple est relativisé, peut donner naissance à plusieurs structures phrastiques qui se distingueraient par la présence du complément circonstanciel en question marqué par des particules distinctes167. Ceci montre que l’analyse des fonctions relativisables d’une langue effectuée à partir de la structure relative réalisée ne donne pas le même résultat qu’une analyse identique faite dans le sens inverse, c’est-à-dire à partir de la structure phrastique vers la structure relative. Notre procédure d’analyse a été envisagée comme une méthode heuristique visant à montrer simultanément ces deux aspects.

Revenant sur les problèmes de reconnaissance des fonctions relativisables, il convient de rappeler que ceux-ci se sont posés différemment selon les types de fonctions syntaxiques. Si l’accessibilité ou non à la relativisation pour les fonctions syntaxiques fortement régies par la valence du verbe telles que le sujet, l’objet, l’attribut (du sujet et celui de l’objet) ne pose guère de problèmes, il n’en va pas de même pour les fonctions autres que le sujet, l’objet et l’attribut. Ainsi, les fonctions sujet et objet qui sont assumées par les constituants nominaux marqués par les particules nominatives [ka/i] et [lIl/Il] sont généralement relativisables, sauf dans certaines constructions attributives du type [A-ka B(ka)-ita] « A est B » où le sujet a une force référentielle moindre que son attribut, et dans ce cas, le sujet n’est pas relativisable. En revanche, l’attribut n’est pas relativisable, que ce soit l’attribut du sujet ou celui de l’objet.

Quant aux autres fonctions syntaxiques, fonctions que nous avons désignées par les termes de fonctions obliques ou compléments (circonstanciels), l’analyse est rendue plus complexe du fait qu’on est amené à s’interroger non seulement sur leur fonction syntaxique mais aussi sur leur type de rôle sémantique. Nous avons vu les cinq types de compléments, grosso modo les compléments de lieu, de temps, de qualité, instrumental et causal, qui sont assumés par les constituants nominaux marqués par les particules [esO] et [Ilo]. Ils n’ont pas tous la même possibilité d’être relativisés : certains comme le complément de lieu et celui de temps sont relativisables et d’autres comme le complément de qualité ne le sont pas. Pour les types de complément instrumental et causal, leur accessibilité à la relativisation paraît variable selon les constructions prédicatives où ils apparaîtraient : ils sont relativisables dans certaines constructions prédicatives, mais non dans d’autres constructions prédicatives. Certains problèmes de décodage sont également évoqués. On a vu, par exemple, le cas où lorsque le terme nominal relativisé désigne le lieu, celui-ci peut avoir deux interprétations quant à son rôle syntaxique : sujet et complément de lieu.

En fait, il faut reconnaître que les types de compléments circonstanciels examinés plus haut sont assez limités et que l’identification de leur rôle syntaxique et sémantique était relativement simple dans la mesure où nous avons couplé à la structure relative une structure phrastique correspondante pourvue du complément en question morphologiquement marqué par une particule quelconque, ce qui aide à identifier son rôle syntactico-sémantique. Mais des difficultés d’analyse surgissent dans certains cas, lorsqu’on ne prend que des structures relativisées ou supposées telles pour voir quel est le rôle syntactico-sémantique exact du complément relativisé qui y est, en fait, matériellement absent. Dans une langue comme le coréen où la fonction du terme nominal relativisé n’est marquée par aucun élément de relation comparable aux relatifs flexionnels ou aux prépositions en français, le cas des compléments circonstanciels pose des problèmes d’analyse particulièrement délicats. Cette question sera discutée d’une façon plus approfondie dans la section 6-3.

Notes
167.

Notons au passage qu’au niveau des marques de relation qui peuvent s’attacher aux compléments circonstanciels, nous n’avons parlé que des particules « circonstancielles » dans notre présentation. Mais il faut mentionner l’existence des locutions (spatiales : [wi-e] (dessus-à : sur, au dessus de) [alE-e] (dessous-à : sous, au dessous de), causales : [ttEmun-e] (cause-à : à cause de, en raison de), etc., comparables aux locutions prépositionnelles en français, qui peuvent jouer le même rôle dans une structure phrastique que les particules circonstancielles, mais avec cette différence qu’elles ont une charge sémantique spécifique par rapport aux particules. Disons dès maintenant qu’un constituant nominal qui serait marqué par ce type de locution ne peut faire l’objet de relativisation en coréen. Nous le verrons plus en détail dans la section suivante.