6-2 Le cas de la relativisation des constituants nominaux de la structure tandem (N1-nIn + N2-ka +V V intr .)

Il nous semble intéressant d’observer la relativisation des constituants nominaux de cette structure phrastique qui apparaît comme typique en coréen.

Rappelons que la structure tandem est constituée d’un verbe intransitif et de deux constituants nominaux souvent marqués successivement soit par les particules [nIn] et [ka] soit par les particules identiques [ka] [ka]. Le verbe peut être de sens qualificatif (par exemple, [yeppIta] : être beau, [khIta] : être grand), quantitatif ([manh-ta] : abonder ou être nombreux), existenciel ([iss-ta] : exister) ou encore de sentiment ([musOp-ta] : être terrifiant). Quant aux deux constituants nominaux, ils établissent fréquemment une relation sémantique qui est soit synecdochique (N1 tout → N2 partie), soit localisante (N1 spatio-temporel →N2), soit expériencielle (N1 expérient →N2 stimulus), soit enfin hyperonymique (N1 hyperonyme →N2 hyponyme). Nous allons donc étudier systématiquement les grands types de ces relations sémantiques pour voir dans quelles conditions les substantifs en question sont relativisables.

Pourquoi mettre ainsi en rapport la relativisation en coréen et la structure tandem ? Parce que, très souvent, quand on tente d’interpréter et de traduire les relatives coréennes, il faut remonter à cette structure de base pour comprendre la relation syntactico-sémantique que le nom-pivot — appelé en français ’antécédent’ — entretient avec les différents termes de la relative. Cela vient de ce que, en coréen, contrairement à ce qui se passe en français, le nom-pivot□ne se trouve jamais représenté par un pronom dans la relative. De ce fait, la relative coréenne ne donne aucune indication sur la relation syntaxique que le substantif relativisé entretient avec les autres termes de la subordonnée.

Tableau de la relativisation du N1 et du N2 de la structure tandem N1 + N2 + V intr.
Relation sémantique
N1 N2
structure tandem Rel. de N1 exemples Rel. de N2 exemples
synecdochique
N1tout N2 partie
ihaksEN-In / mOli-ka / co-ta
cet étudiant-p.top / tête-ka / être bon-STdécl /
(lit) Cet étudiant, la tête est bonne
→Cet étudiant est intelligent
+ mOli-ka / co-In / ihaksEN
tête-ka / être bon-SD / cet étudiant
(lit) l’étudiant que la tête est bonne
→l’étudiant qui est intelligent
*ihaksEN-i / co-In / mOli
cet étudiant-ka / être bon-SD / tête
(lit) *la tête que cet étudiant est bon
localisante
N1spatial □N2
cilisan-In / cOl-i / man-ta /
Mont Cili-p.top / temple-p.nom / abonder -STdécl /
(lit) Mont Cili, le temple abonde
→Au Mont Cili, les temples sont nombreux.
+ cOl-i / man-In / cilisan /
temple-ka / abonder-SD / Mont Cili /
(lit) Mont Cili que le temple abonde
→le Mont Cili où les temples sont nombreux
*cilisan-i / man-In / cOl /
Mont Cili-ka / abonder -SD / temple /
(lit) *letemple que *Mont Cili abonde
→*le temple où *les Monts Cili sont nombreux
expériencielle
N1expérient N2 stimulus
na-nIn / chOntuN-i / musOp-ta /
moi-p.top / tonnerre-i / être terrible-STdécl /
(lit) Moi, le tonnerre est terrifiant
→Moi, le tonnerre me fait peur.
+ chOntuN-i / musOu-n / na /
tonnerre-ka / être terrible-SD / moi /
(lit) *Moi que le tonnerre est terrifiant
→Moi qui redoute le tonnerre / moi qui ai peur du tonnerre
*nE-ka / musOu-n /chOntuN /
moi-ka / être terrifiant-SD / tonnerre /
(lit) *le tonnerre que je suis terrifiant
hypéronymique
N1hypero N2□hypo
toNmul-In / yOu-ka / kyohwalha-ta /
animal-p.top / renard-ka / être futé-STdécl /
(lit) L’animal, le renard est futé
→ (Comme) animal, le renard est futé.
*yOu-ka / kyohwalha-n / toNmul /
renard-ka / être futé-SD / animal /
(lit)* l’Animal que le renard est futé
*toNmul-i / kyohwalha-n / yOu /
animal-ka / être futé-SD / renard/
(lit)* le renard que l’animal est futé.

Notons que nous avons choisi des exemples de structure tandem où les deux constituants nominaux sont marqués successivement par les particules [nIn] et [ka] car c’est une combinaison plus courante que celle des mêmes particules [ka] et permet de présenter des relations sémantiques plus variées entre ces constituants. Toutefois la particule topique [nIn] n’apparaît pas dans une subordonnée, alors que [ka] le peut à condition qu’elle fonctionne comme une particule casuelle et non pas focalisatrice. Ceci explique la substitution de la première par la seconde dans la dernière colonne du tableau ci-dessous.

Ce tableau montre que la relativisation de N1 est généralement possible sauf si N1 établit une relation sémantique hypéronymique avec N2. En revanche, la relativisation de N2 est impossible, quelle que soit la relation sémantique entre les deux constituants nominaux. Ce qui est particulièrement intéressant c’est d’observer, dans les exemples suivants, que la relativisation de N2 est impossible si la particule Ka reste associée à N1 alors qu’elle devient généralement possible si cette même particule est remplacée par une particule casuelle qui explicite la relation syntaxique.

ihaksEN-*i / co-In / m O li /
cet étudiant-ka / être bon-SD / tête /
(lit) *la tête que cet étudiant est bon
ihaksEN-I i / co-In / mOli /
cet étudiant-p.génit / être bon-SD / tête
(lit) la tête bonne de cet étudiant
→la tête intelligente de cet étudiant.
cilisan-* i / man-In / c O l /
Mont Cili-ka / abonder -SD / temple /
(lit) *letemple que *Mont Cili abonde
→*le temple dont *les Monts Cili sont nombreux
cilisan-e / man-In / cOl /
Mont Cili-dans / abonder -SD / temple /
(lit) les temples qui sont nombreux dans Mont Cili
nE-*ka / musOu-n / ch O ntu N /
moi-ka / être terrible-SD / tonnerre /
(lit) *le tonnerre que je suis terrible
le tonnerre qui me terrifie
( ?) na-eke / musOu-n / chOntuN/
moi-à / être terrible-SD / tonnerre /
(lit) le tonnerre qui est terrible à moi
le tonnerre qui me terrifie
toNmul-*i/ cacaN / kyohwalha-n / y O u /
animal-ka / le plus /être futé-SD / renard /
(lit)* le renard que l’animal est le plus futé.
toNmul-cu N e/ cacaN / kyohwalha-n / yOu /
animal-parmi / le plus / être futé-SD / renard /
(lit) le renard qui est le plus futé parmi les animaux.

Cette analyse montre que les contraintes de relativisation ne dépendent pas uniquement des fonctions syntaxiques du constituant nominal relativisé puisque celles-ci sont en quelque sorte suspendues par des particules discursives qui recouvrent généralement les particules casuelles. Cela revient à dire que la relation syntaxique entre les constituants nominaux de la structure tandem n’est pas explicitée. Les contraintes de relativisation dépendent donc également des relations sémantico-lexicales entre les deux constituants de la structure tandem et, comme on l’a vu, d’autres structures phrastiques.