6-3-2-3 Cas coréens correspondants aux cas des structures relatives du français où le nom-pivot implique lui-même des concepts « circonstanciels » : « lieu », « temps », « manière », etc.

On peut rapprocher la majorité des cas de relativisation des circonstants du coréen du troisième cas de relativisation des circonstants du français présenté ci-dessus où le sémantisme du nom-pivot joue un rôle primordial et beaucoup plus important que le sémantisme du relateur pour l’interprétation du rôle précis du circonstant relativisé, c’est-à-dire lorsque le nom-pivot déterminé implique lui-même des concepts comme le « temps », le « lieu », la « manière », la « raison », etc.

En effet, nous avons déjà vu plus haut des structures relatives du français qui ont pour nom-pivot des termes nominaux qui expriment eux-mêmes les concepts de « temps » (moment, jour, instant, etc. + P) et de « lieu » (endroit, lieu, monde, jardin, etc. + P) :

Bien évidemment, le relatif a pour rôle d’indiquer au moins que la fonction relativisée est une fonction circonstancielle autre que le sujet ou l’objet ou encore l’attribut. Mais ce qui autorise à dire précisément que c’est une fonction de circonstant de temps ou de circonstant de lieu, c’est sans doute le sémantisme du nom-pivot de chaque exemple : moment pour (33) et villa avec jardin pour (34).

De même, le coréen peut avoir des subordonnées déterminatives qui ont pour nom-pivot des termes nominaux exprimant le temps ou le lieu :

Dans ces phrases indépendantes, on voit apparaître les circonstants reconstitués avec leur particule casuelle respective qui sont absents dans les subordonnés déterminatives correspondantes (35-1) et (36-1) : [(kI)-cicOm-esO] (cet endroit-dans) et [(kI) sunkan-e] (ce moment-à)173. Certes, la valence des verbes subordonnés [po-lsuiss-nIn] (pouvoir voir-SD) et [tEha-nIn] (faire face à -SD), qui sont tous deux bivalents, ne permet pas de reconnaître ainsi ces circonstants de lieu et de temps dans la subordonnée déterminative. Mais on peut inférer tout de même leur rôle, en s’appuyant principalement sur la signification du nom-pivot, [cicOm] (endroit) pour (35-1) et [sunkan] (moment) pour (35-1), et également sur le sens exprimé par la combinaison du verbe subordonné avec les constituants nominaux que celui-ci organise dans la subordonnée. On constate là l’importance particulière du rôle de ces deux noms-pivot qui permettent non seulement d’identifier lexicalement les circonstants relativisés manquants dans les subordonnées, mais surtout de reconnaître par leur signification propre le rôle sémantique respectif de ces derniers.

Or, dès qu’on se donne la peine de reconnaître d’autres types de circonstants relativisés ou supposés tels, en s’aidant ainsi du sémantisme du nom-pivot, on rencontre le problème de leur délimitation et aussi des types de noms susceptibles de permettre par leur sémantisme de les identifier. En fait, vu l’extrême variété et la complexité de l’analyse des circonstants, nous ne saurions répertorier la totalité des types de circonstants « relativisables » à l’aide du sémantisme des noms. En effet, tout comme pour les termes nominaux désignant le « temps » et le « lieu », il est possible en coréen d’avoir des subordonnées déterminatives pour des termes nominaux qui expriment les sens de « manière », de « cause », de « conséquence », de « condition », de « moyen » et de « but », etc. et qui représentent des types de circonstants couramment reconnus par les linguistes. Prenons-en quelques exemples.

Quels que soient les types de noms, y compris ceux désignant le temps et le lieu, qui occupent la position de nom déterminé, les subordonnées qui les déterminent sont marquées toutes morphologiquement par un suffixe déterminatif [nIn] ou [In] et se combinent toutes pareillement avec ces divers types de noms qui impliquent eux-mêmes divers concepts « circonstanciels ». Si l’on admet qu’il y a relativisation des circonstants de temps et de lieu dans les exemples (35) et (36), il semblerait possible de dire aussi qu’il y a, pour les exemples (37)—(42), relativisation des circonstants de manière, de raison, de conséquence, de condition, de moyen et de but. On pourrait ainsi étendre les types de circonstants « relativisables » en ajoutant ceux d’« hypothèse », de « mesure », de « condition » etc., tant qu’il y a des termes nominaux signifiant ces notions circonstancielles qui peuvent se trouver déterminés par des subordonnées déterminatives. Ceci montre que l’explication reposant sur les significations du nom-pivot déterminé a l’inconvénient de rendre infinis les types de circonstants « relativisables ».

De surcroît, la véritable question qu’on devrait se poser lors de l’analyse des séquences « subordonnée déterminative — nom déterminé » telles que nous les voyons dans les exemples (37) — (42), est de savoir si ces subordonnées relèvent de véritables structures relatives, où une position nominale, en l’occurrence celle de circonstant, est supposée être vide. Il semble quelque peu artificiel de poser dans chacun de ces cas une position nominale vide pour un circonstant, mais cette possibilité n’est pas totalement exclue, à condition que, suivant le modèle [X(déterminant) - lieu / temps - e] des termes nominaux de lieu et de temps dans les ex. (35-2) et (36-2), on restitue chaque terme nominal « circonstanciel » dans une structure phrastique correspondante, sous forme de [X (déterminant) - manière / cause / conséquence / condition / but – lo]. Il faut admettre que cette explication n’a un sens qu’à titre hypothétique.

En fait, ce qui peut mettre en doute la reconnaissance des structures déterminatives qu’on vient de citer en tant que relatives, c’est que ces subordonnées ne diffèrent a priori en rien de celles appelées en coréen « toNkyOkcOl » (proposition appositive) qui constituent une autre sous-classe de subordonnées déterminatives, comparables aux complétives du nom en français : les unes comme les autres apparaissent comme des propositions complètes, comme on le constate dans les deux subordonnées déterminatives suivantes ayant chacune pour nom-pivot, [iyu] (raison) (→l’ex. 43 repris de 38) et [sasil] (fait) (→l’ex. 44).

Comme c’est le cas de la structure correspondante attestée en français le fait que P, on analyse généralement la subordonnée déterminant [sasil] (fait) de l’ex. (44) comme une complétive du nom en coréen. On voit que celle-ci n’est pas différente de la subordonnée déterminant [iyu] (raison : la raison que P) de (43), ni morphologiquement au niveau de la marque de subordination, ni fonctionnellement (la subordonnée marquée par le suffixe [-n] détermine le nom qui la suit dans les deux cas). La subordonnée de (43), comme celle de (44), apparaît comme une proposition complète.

En fait, tout comme nous avons pu restituer les circonstants de temps et de lieu supposés relativisés dans les exemples (35-2) et (36-2), on aurait pu faire la même chose pour les exemples (37)—(42). Dans ces cas toutefois, reconstituer le circonstant concerné en supposant qu’il y ait une position nominale vide laissée par celui-ci dans la subordonnée, serait beaucoup plus artificiel que dans les deux premiers types. Il faut noter que dans la majorité des études effectuées sur les relatives du coréen, les cas des exemples (37)-(42) n’ont pas été envisagés dans le cadre d’une analyse des fonctions relativisables, en particulier des circonstants. On constate que les linguistes rangent généralement les structures déterminatives de ces deux types de circonstants de lieu et de temps dans la classe des relatives et présentent les structures déterminatives d’autres types de circonstants illustrées par les exemples (37)-(42) comme relevant de la classe des complétives du nom, et ceci sans donner aucune explication explicite sur le pourquoi de cette délimitation. Le traitement particulier des circonstants de lieu et de temps par rapport aux autres types dans le cadre de la relativisation des circonstants pourrait être expliqué du fait que les premiers, qui assurent l’ancrage spatio-temporel des procès et des états, figurent généralement au premier rang comme deux notions essentielles de la circonstance des procès et des états décrits par le reste de la phrase. Mais formellement, rien ne permet de dire qu’on doit considérer seulement ces deux types de circonstants dans le cadre de la relativisation et en exclure d’autres tels que ceux illustrés dans les exemples (37)-(42) pour les traiter dans le cadre de complémentation.

Ce qui précède montre que lorsqu’on pousse un peu plus loin l’analyse dans une langue comme le coréen où généralement il n’y a pas de relateur précisant explicitement le type de circonstant relativisé, on se heurte inévitablement au problème de leur identification dû à la difficulté de leur délimitation et de leur sous-classification sémantique et surtout à l’impossibilité d’établir une frontière nette entre les subordonnées déterminatives du type de celles des exemples (35)—(42) et celles dites complétives du nom du type de celle de l’ex. (44). La solution qui nous paraît convenable d’adopter est de situer les structures déterminatives illustrées par les exemples (35)-(42) dans une zone intermédiaire entre les relatives et les complétives du nom.

Le même type de propositions a été abordé par Lemaréchal (1997)174 pour le japonais, où les relatives précèdent le nom qu’elles déterminent et n’ont pas de pronoms relatifs comme celles du coréen, mais se distinguent de ces dernières en ce qu’elles sont subordonnées au nom déterminé par un pur enchâssement, sans avoir recours à aucune marque de subordination, ni même à une forme verbale spécifique. Étant donné qu’en japonais, tout comme en coréen, il n’y a dans la subordonnée ni pronom, ni relateur indiquant le rôle qu’aurait le nom-pivot dans celle-ci, Lemaréchal affirme que le rôle des circonstants n’est pas récupérable à partir de la valence du verbe subordonné, puisque, par définition, un circonstant n’est pas contrôlé par cette valence. De ce fait, parler de « circonstant absent », d’après lui, ne peut avoir de sens (Lemaréchal, 1997, 79). Ainsi, il présente la structure (→45a) suivante (1997, 79-82175), qui pourrait être reconnue selon nous comme étant le résultat de la relativisation du « circonstant de temps » de la subordonnée, et en continuité avec les structures (→45b-c), définies comme des propositions déterminatives non-relatives, qui se construisent de la même façon. (Msuj → marque de sujet, Mpass → Marque de passé, MTps → Marque de temps, MPl→ Marque de pluriel).

Lemaréchal considère que musume-ga kekkonsi-ta (ma fille s’est mariée) est une proposition complète qui détermine tosi (année), tout comme les propositions otoko-tati-ga atumar-u (les hommes se rassemblent) et ame-ga hur-u (la pluie tombe) dans les ex. (45-c) et (45-b) peuvent s’analyser comme des propositions complètes qui déterminent respectivement koto (fait) et oto (bruit).

Le fait que ce linguiste dise que l’expression « circonstant absent » ne peut avoir de sens, lorsqu’il n’y a dans le cas de la relativisation des circonstants aucun relateur ni de marque de cas comme en japonais, nous laisse penser que pour l’ex. (45-a) (l’année que (où) ma fille s’est mariée), il préfèrera analyser la subordonnée ma fille se marient déterminant l’année comme une proposition déterminative non-relative plutôt que comme une relative où il y aurait relativisation du circonstant de temps année. Même si nous admettons tout à fait que le rôle des circonstants n’est pas contrôlable par la valence du verbe subordonné, nous tenterons pour notre part d’analyser cette proposition déterminative du japonais ainsi que son équivalente du coréen (ttal-i / kyOlhonha-nIn / hE → fille-p.nom / se marier-SD :inacc / année) comme une relative où il y a relativisation du circonstant de temps l’année, dans la mesure où il est possible d’avoir une structure phrastique « ma fille s’est mariée (cette) année », où année serait analysé comme le circonstant de temps du verbe s’est mariée.

Il serait vain de polémiquer ici sur la question de savoir si l’on a affaire ou non à la relativisation des circonstants en coréen et en japonais, dont l’analyse peut diverger selon les cadres théoriques dans lesquels on se positionne176. En tout cas, les exemples japonais montrent bien aussi que la distinction entre relatives et complétives du nom n’est pas toujours évidente.

Par contraste avec les subordonnées déterminatives des ex. (37)-(42) du coréen, il est intéressant de voir les constructions du français apparaissant comme équivalentes dans leur traduction française. Celle-ci montre que les subordonnées déterminatives, qui ont pour nom-pivot des termes nominaux désignant diverses notions circonstancielles (« temps », « lieu », « manière », « raison », « conséquence », « condition », « but » et « moyen »), ont en français standard des constructions, relatives ou non relatives, différenciables par des introducteurs différents (pronoms relatifs ou conjonction) : devant les termes nominaux désignant le « temps », le « lieu », la « manière » et la « raison » se trouvent généralement les relatives marquées par les pronoms relatifs (le temps / le lieu P), dont (la manière dont P) et pour laquelle (la raison pour laquelle P) ; tandis que les termes nominaux désignant la conséquence, la condition, moyen et le but se combinent plus couramment avec une construction complétive du nom ou infinitive, sauf le cas très rare du terme « but » qui semble pouvoir être relié à une relative par un relatif prépositionnel pour lequel.

Il est bon de noter toutefois que dans l’usage français, il est plutôt courant que les termes nominaux « but » ainsi que « moyen » aient une expansion infinitive marquée par une préposition de et s’emploient avec celle-ci souvent en position de complément circonstanciel, comme on le constate dans la traduction donnée plus haut : Nous faisons cette enquête dans le but de INF. Quant aux termes nominaux « conséquence » et « condition », ils s’associent systématiquement à une complétive introduite par la conjonction que, même s’ils apparaissent souvent dans des locutions toutes faites telles que avoir pour conséquence + que P ou à condition + que P177 . Dans celles-ci, les séquences (la) conséquence que P et (la) condition que P fonctionnent, accompagnées d’une préposition, comme des subordonnées circonstancielles dans les phrases complexes où elles figurent.

En ce qui concerne le terme nominal manière (ou façon), il est intéressant de remarquer que s’il a une expansion relative marquée respectivement par le relatif dont (la manière dont P) en français standard, il peut avoir aussi en français populaire une subordonnée introduite par la conjonction que à la place du relatif cité : Je n’aime pas la manière que (dont) il s’habille . Il en va de même pour les termes nominaux désignant les notions de « temps » et de « lieu ». Ils ont en principe une expansion relative marquée par le relatif , que ce soit en français standard ou non-standard, mais il existe toutefois des cas où ce relatif est remplacé par que, analysable comme une conjonction, devant des termes nominaux comme (le) jour, (au) moment, maintenant, etc. + que / où P. Grevisse témoigne que l’emploi de que à la place de est déjà attesté en français archaïque. On trouve aussi fréquemment en français populaire l’emploi de que à la place de  :

La comparaison des constructions françaises qu’on vient de voir avec celles du coréen précédemment observées nous amène à poser au passage une question « naïve » : pourquoi en français, parmi les termes nominaux exprimant différentes notions circonstancielles, certains comme le « temps », le « lieu », la « manière » et la « raison » acceptent une expansion relative, alors que d’autres comme la « conséquence », la « condition », le « but », etc, ont une expansion complétive ou infinitive ? Nous n’avons pas d’explications bien fondées à ce sujet, mais l’utilisation des relatifs après des termes désignant le « temps », « lieu », et « manière » laisse supposer que ces types de circonstants établissent avec le verbe subordonné un rapport plus étroit que les autres types, et qu’ils sont plus « grammaticalisés » que les autres dans le système français. On peut le constater ailleurs dans d’autres formes linguistiques développées sur la base de ces notions circonstancielles comme par exemple les pronoms interrogatifs quand (temps), (lieu), et comment (manière)178.

Revenant sur le remplacement des relatifs par la conjonction que, ceci peut s’expliquer par son emploi « passe-partout » (Gadet 1995) en français populaire qui éviterait de faire varier les marques fonctionnelles des compléments prépositionnels. Néanmoins une question mérite d’être posée, à savoir si les subordonnées déterminatives ainsi marquées par la conjonction que comme la manière qu’il m’a traité... sont des complétives ou des relative. On peut soutenir l’argument selon lequel, malgré la présence de la conjonction que comme marque d’introduction, ces subordonnées pourraient être considérées comme des relatives puisqu’il existe des relatives correspondantes marquées par des relatifs en français standard. Toutefois leur interprétation en tant que complétives ne semble pas totalement exclue. Ceci dit, il peut y avoir une ambiguïté même en français dans l’interprétation des subordonnées déterminant les termes nominaux exprimant diverses notions circonstancielles, lorsque celles-ci sont introduites par la conjonction que qui ne spécifie aucun rapport sémantique entre le nom-pivot et la subordonnée déterminative.

Il est bon de dire quelques mots supplémentaires pour clore cette partie consacrée à l’observation des cas de relativisation des circonstants du français et du coréen.

On peut avant tout nous reprocher d’avoir effectué une approche plus sémantique que syntaxique, en soulignant notamment l’importance de la prise en compte du sens lexical et relationnel établi entre les éléments constitutifs du domaine de la relative, à savoir le nom-pivot, le relateur, et les constituants internes de la relative, donc le verbe subordonné et les constituants nominaux organisés par ce dernier à l’intérieur de la relative. Nous avons été amenée à procéder ainsi, faute de solution satisfaisante proposée par les linguistes en matière d’analyse syntaxique et sémantique des différents types de circonstants, qu’ils soient relativisés ou non. C’est un choix que nous avons fait tout en sachant qu’avec un telle approche on ne fait que tourner autour du problème, comme on a pu le constater dans ce qui précède.

Ceci étant dit, bien qu’elle ne soit ni complète ni satisfaisante à bien des égards, cette analyse nous a permis toutefois de rendre compte qu’en général le coréen a une capacité moindre que le français à relativiser les différents types de circonstants et de les spécifier sémantiquement d’une façon précise. Comme cela a été dit, un tel contraste est principalement lié au fait que le coréen n’a pas de relateurs indiquant le rôle du circonstant relativisé ou supposé tel dans la structure relative, équivalents aux relateurs du français, dont la présence joue est cruciale, tels que les pronoms relatifs simples (, dont), les relatifs prépositionnels (pour qui, grâce à qui, au milieu de laquelle, etc.), les « prépositions orphelines » ou encore les adverbes (pour, sans, dessus, etc.) se trouvant seuls sans leur complément régi dans les relatives non-standard.

Faute de tels relateurs dans les cas de relativisation du circonstant en coréen, nous avons souligné l’idée qu’il est important de prendre en considération, outre sa relation syntaxique et sémantique avec les constituants de la relative, le sémantisme du nom-pivot pour l’interprétation du rôle sémantique de celui-ci, supposé assumer un type de rôle circonstanciel dans la subordonnée qui le détermine. Ainsi nous avons présenté plusieurs structures déterminatives du coréen ayant pour nom-pivot des termes nominaux qui impliquent eux-mêmes différentes notions « circonstancielles ». Cela donne des formes comparables aux formes suivantes : le lieu / le temps / la manière / le but que il fait ce boulot. Mais nous avons constaté que l’analyse de telles structures déterminatives comme relatives soulevait divers problèmes. Nous avons fait remarquer en particulier qu’il n’est pas exclu d’analyser ces structures comme des complétives du nom qui constituent une autre sous-classe de propositions déterminatives, car il n’est pas toujours évident d’affirmer qu’il manque le terme nominal coréférentiel du nom-pivot qui occuperait une position de circonstant dans la subordonnée, en l’occurrence il fait ce boulot, alors que celle-ci apparaît toutefois comme une proposition complète. Si l’on essaie de restituer chaque fois ce terme nominal manquant en cette position, cette restitution paraît plus naturelle pour certains termes comme ceux liés au « lieu » et au « temps » que pour d’autres. Ceci n’est pas sans rapport avec le fait que les différents types de circonstants ont des liens de solidarité variables avec le verbe selon leur type et le type de verbe utilisé. Compte tenu de la difficulté d’analyse que soulèvent les structures déterminatives étudiées qui sont ambiguës et ambivalentes, il a été proposé de les considérer comme des constructions placées sur un continuum entre les relatives et les complétives du nom en coréen. L’existence de telles structures déterminatives situées quelque part entre les relatives et les complétives du nom n’a toutefois rien de spécifique au coréen. On a pu attesté notamment en français non-standard que certaines phrases équivalentes aux structures déterminatives coréennes observées sont ambiguës lorsqu’elles sont marquées indistinctement par la conjonction que, ce qui est fréquent dans ce registre de langue.

En somme, on peut noter que dans les cas de relativisation des circonstants en coréen, la prise en compte du sémantisme du nom-pivot et de sa relation syntaxique et sémantique avec les constituants de la subordonnée qui le détermine n’aide pas toujours à inférer son rôle circonstanciel exact dans la subordonnée. Mais la comparaison des structures déterminatives du coréen avec leurs équivalentes du français révèle qu’en coréen existe une contrainte forte liée au sémantisme du nom-pivot, lorsque celui-ci relève du groupe de noms concrets par lesquels on désigne « les êtres » et « les choses ». En coréen, un nom concret ne peut apparaître en position de nom-pivot si la relativisation concerne certains rôles circonstanciels, alors que le français ne connaît pas une telle contrainte. Pour ne citer qu’un exemple, on ne peut avoir de structure déterminative équivalente en coréen pour une séquence française la personne grâce à qui j’ai réalisé mon rêve, où le sémantisme du relatif prépositionnel grâce à (qui), en particulier celui de cette locution prépositionnelle, joue un rôle primordial dans l’établissement et l’interprétation de la relation sémantique instaurée entre l’antécédent personne et la relative j’ai réalisé mon rêve.

Mais lorsqu’il s’agit des noms abstraits par lesquels on désigne l’« action », la « qualité », l’« événement », la « notion », etc., il s’avère selon l’observation faite ci-dessus que ces noms peuvent être déterminés par des structures déterminatives qui se construisent de façon plus ou moins identique en coréen. En revanche, en français ces noms peuvent être déterminés par différents types de constructions déterminatives, relatives, complétives du nom, constructions infinitives. Mais là encore, certains de ces noms se combinent librement avec tous ces types de constructions déterminatives, mais d’autres ne peuvent se combiner qu’avec un type et non pas avec d’autres.

Nous verrons dans le chapitre suivant plus concrètement les relatives dans leurs rapports aux structures déterminatives voisines dans les deux langues.

Notes
173.

Dans cette procédure de restitution du terme nominal relativisé dans une structure phrastique, nous avons ajouté un déterminant démonstratif [kI] à côté des deux termes nominaux restitués [cicOm] (endroit) et [sunkan] (moment) qui sont des termes génériques de lieu et de temps nécessitant la présence d’un déterminant quelconque. Quant à la particule [e], précisons que, comme les prépositions à et dans, cette particule peut fonctionner tantôt comme une particule locative, tantôt comme une particule temporelle.

174.

A. Lemaréchal (1997), Zéro(s), PUF, Paris.

175.

Nous analyserons dans le chapitre 7 les propositions déterminatives que nous appelons « complétives du nom », comme celles des exemples (45-b) et (45-c), notamment celle de l’ex. (45b) « le bruit que la pluie tombe ». Ce type de proposition déterminative est bien attesté également en coréen, alors qu’il n’est pas acceptable sous la même forme en français.

176.

Pour saisir l’analyse des exemples japonais proposée par Lemaréchal, il est important de comprendre avant tout comment il analyse les circonstants dans le cadre théorique générale de l’analyse linguistique qu’il développe notamment dans son ouvrage (1989) Les parties du discours. Sémantique et syntaxique, et également (1997) Zéro(s).

177.

Même si la grammaire envisage la séquence à condition que P’ comme une locution conjonctive de subordination, cette séquence est analysable en Nom + proposition complétive.

178.

De cette liste sont naturellement exclus les interrogatifs qui et que (ou quoi), qui renvoient en principe à la « personne » et à l’ « objet ».