Chapitre 7
Relatives et complétives du nom

L’objectif de ce chapitre est de réfléchir sur la question de la distinction entre ces deux types de propositions déterminatives dans les deux langues, en réexaminant quelques critères morphologiques, syntaxiques et sémantiques proposés par des grammairiens et des linguistes en vue de leur identification.

En effet, nous avons évoqué dans le chapitre précédent la nécessité d’étudier les relatives dans leurs rapports avec les structures déterminatives voisines, à savoir les complétives du nom, car ces deux types de propositions déterminatives, qui assument en commun le rôle de déterminer syntaxiquement un terme nominal, présentent souvent aussi une ressemblance formelle au niveau de leur marquage : la complétive et la relative étant introduites par que en français et par un des suffixes déterminatifs [nIn / In / Il] chez leurs équivalentes en coréen. On peut admettre généralement que l’occurrence de ces deux types de constructions est moins fréquente en français qu’en coréen, car en français, notamment en français standard, la relative se différencie de la complétive généralement par sa marque de subordination, variable selon la fonction du terme nominal relativisé (qui, que, où, dont, à qui, avec lequel, etc.), et elle ne se confond morphologiquement avec l’autre que lorsqu’elle a pour fonction relativisée un objet qui est représenté par que : l’hypothèse que vous évoquez l’hypothèse que vous partirez). Toutefois, en français non-standard, comme nous l’avons déjà vu, l’occurrence de que dans la relativisation des fonctions autres que l’objet n’est pas négligeable.

Quant au coréen, que ce soit le coréen standard ou non-standard, il est courant de trouver, sauf exceptions, les mêmes suffixes déterminatifs [nIn / In / Il], variables en fonction des valeurs aspecto-modales du verbe subordonné, dans des complétives du nom ainsi que dans des relatives. Nous avons déjà remarqué au passage dans le chapitre 3 que la plupart des grammaires coréennes réservait, de ce fait, une partie importante de la description des propositions déterminatives à une discussion sur la question de l’identification de ces deux types de propositions déterminatives plutôt qu’à leur caractérisation respective. Ces ressemblances fonctionnelle et formelle amènent, quelle que soit la langue, à chercher des critères, autres que fonctionnel et morphologique, qui permettent de les différencier les unes par rapport aux autres. On peut constater que les linguistes et les grammairiens des deux langues ont proposé un certain nombre de critères différentiels à plusieurs niveaux tels que morphologique, syntaxique et sémantique.

A propos du critère morphologique, l’existence de certains cas où la relative et la complétive sont marquées par une même marque de subordination ne doit pas faire oublier tout de même que des caractéristiques morphologiques distinctes sont opératoires dans de nombreux cas dans ces deux langues. Ceci dit, aucun critère ne peut être pris isolément des autres comme un critère décisif, et il est donc important de prendre en considération des critères à plusieurs niveaux.

Nous envisageons de réexaminer ces critères avec un double objectif. Premièrement, leur examen permet de voir, avant tout, ce qui caractérise généralement les structures de relativisation et ce qui caractérise les structures de complémentation dans les deux langues. Ceci montre en effet les recoupements (au niveau du mécanisme syntaxique de la relativisation et de la complémentation et au niveau du rapport sémantique que la structure issue de chacune de ces opérations entretient avec le nom-pivot) comme les spécificités (au niveau des réalisations morphosyntaxiques qui varient sensiblement d’une langue à l’autre) de ces deux types de propositions déterminatives entre les deux langues.

Deuxièmement si l’on envisage un réexamen des critères habituellement adoptés, c’est parce que les deux langues connaissent des constructions de relatives et de complétives du nom pour lesquelles ceux-ci ne sont pas satisfaisants, si l’on ne prend pas en compte certains phénomènes discursifs comme par exemple le phénomène de l’ellipse des constituants nominaux. Il existe aussi des constructions, analysables comme des propositions déterminatives du fait de leur rôle de modificateur d’un terme nominal appartenant à la proposition principale, mais qui se prêtent mal ou de manière ambiguë à la distinction entre relatives et complétives du nom. Certaines constructions se trouvent placées à mi-chemin entre les relatives et les complétives du nom, comme on l’a déjà remarqué dans le chapitre précédent, et d’autres sont encore difficiles à expliquer si l’on reste dans le cadre unique de l’analyse grammaticale de la phrase.

Avant d’aborder le problème des critères de reconnaissance de la distinction entre relatives et complétives du nom, nous présentons d’abord quelques particularités des propositions appelées ici communément « complétives du nom » et leurs différences dans les deux langues.