7-2-1 Distinction structurelle

Il faut reconnaître avant tout que lorsque l’on parle de relatives et de complétives du nom, on a affaire à deux types de propositions déterminatives qui s’organisent différemment autour du nom sous lequel elles sont enchâssées. Comparons d’abord deux phrases complexes étonnamment proches de prime abord :

  • (Ex28)

  • (a) Le fait que Paul a rapporté à Pierre m’a beaucoup étonné.

  • (b) Le fait que Paul ait rapporté le livre à Pierre m’a beaucoup étonné.

La première est une relative, la seconde une complétive du nom. Toutes les deux sont introduites par un subordonnant que. Quels critères convoquer pour distinguer ces deux types de subordonnées ?

Commençons par la complétive du nom, moins connue, mais plus facile à analyser. Notons d’abord que la complétive est introduite par un subordonnant invariable que appelé aussi « complémenteur » ou « complémentiseur » dont le seul rôle est d’accrocher la proposition dépendante au segment dont elle dépend. Ici c’est un nom, le nom fait, (anciennement dérivé d’un verbe). Comme la conjonction de subordination que se borne à jouer un rôle de subordonnant, elle n’occupe aucune fonction syntaxique dans la complétive. Ici on s’en aperçoit très bien, car les places argumentales du verbe rapporter, verbe trivalent ( A rapporte B à C ) sont toutes trois occupées : la place du sujet (Paul), la place de l’objet (le livre), la place du complément datif (à Pierre). Le schéma valenciel du verbe est donc saturé.

Dans la relative, par contre, toutes les places ne sont pas occupées. Le verbe rapporter — synonyme ici de relater ou narrer — est également trivalent, puisque c’est un verbe de communication qui présuppose un émetteur, un message à émettre et un destinataire du message. La place du sujet émetteur est occupée par le nom propre Paul, celle du complément datif par Pierre mais la place habituelle de l’objet émis est vide (le fait que Paul a rapporté Ø à Pierre), puisqu’elle n’est occupée, ni par un constituant nominal qui serait ici le fait, placé après le verbe, ni par un clitique objet, qui serait ici un le antéposé au verbe. C’est le terme nominal occupant cette fonction d’objet qui a subi un traitement spécial par la relativisation. L’important est ici que sa position est obligatoirement vide. Selon la grammaire traditionnelle, l’objet en question ne figure pas à sa place habituelle, immédiatement à côté du verbe, juste avant ou juste après celui-ci, mais il est présent dans la subordonnée sous la forme du relatif que, lequel, en dehors de son rôle subordonnant, assume également le rôle de représenter l’antécédent au sein de la relative, avec la fonction que celui-ci occuperait dans cette proposition, s’il y était présent lui-même, c’est-à-dire, ici, avec la fonction d’objet. Mais, on sait que l’on peut ne pas être d’accord avec cette analyse traditionnelle de que utilisé dans la relativisation de l’objet comme pronom relatif.

Bien entendu, dans les deux phrases complexes ici examinées, les deux occurrences du groupe nominal le fait assument la même fonction dans la phrase enchâssante, à savoir la fonction sujet (Le fait ...m’a beaucoup étonné). Certes, si on raisonne en matière de groupes fonctionnels, le véritable sujet du groupe verbal m’a beaucoup étonné n’est pas le fait, analytiquement isolé, mais ce mot en tant que tête nominale d’un constituant nominal complexe, munie de son complément déterminatif, à savoir une relative dans le premier cas, une complétive dans le second cas. Ce qui m’a étonné, ce n’est pas simplement un fait isolé, c’est, dans le premier cas, le fait que tu m’as rapporté, et dans le deuxième cas, le fait que tu m’aies rapporté le livre. A chaque fois, c’est le groupe substantif + détermination propositionnelle , qui est le véritable constituant nominal. En d’autres termes, le constituant nominal qui occupe la fonction sujet est une structure complexe, composée d’un noyau substantival et d’une proposition déterminative qui vient compléter ce dernier.

Cela dit, ce nom-pivot, le fait, joue un rôle beaucoup plus décisif dans le cas de la relative que dans celui de la complétive. La preuve en est que, dans la complétive, le groupe nominal initial peut être supprimé — Que Paul ait rapporté le livre à Pierre m’a beaucoup étonné. — sans que la syntaxe en souffre et sans que le sens en soit obscurci. Tout se passe donc comme si l’expression le fait que et la conjonction que jouaient exactement le même rôle, à savoir celui d’un instrument de nominalisation de la proposition qui suit, permettant à celle-ci d’occuper une position argumentale, ou si l’on préfère, une place de constituant nominal auprès du verbe de la phrase matrice.

Nous ne citons que pour mémoire le cas de la « complétive sujet » Que Paul ait rapporté le livre à Pierre m’a étonné, très proche en apparence de la construction déterminative voisine Le fait que Paul ait rapporté le livre à Pierre m’a étonné. En effet, seul ce dernier type de structure entre dans le champ de notre recherche188.

Notons au passage que la proposition nominalisée par le fait que admet un verbe à l’indicatif — Le fait que Paul a rapporté le livre à Pierre m’a étonné, alors que celle qui est nominalisée par que ne l’admet pas * Q ue Paul a rapporté le livre à Pierre m’a étonné. On peut en conclure que le translatif le fait que autonomise plus radicalement la proposition nominalisée en lui permettant de se libérer complètement de la rection verbale de l’enchâssante et d’assumer ainsi pleinement son rôle de sujet au sein de cette dernière, en rompant avec la structure modale propre aux compléments.

Par contre, dans le cas de la relative, le fait ne saurait être supprimé car la construction * Que Paul ait rapporté à Pierre m’a beaucoup étonné est une tournure agrammaticale qui ne correspond à aucun schéma de phrase connu. Le relatif que appelle obligatoirement un antécédent, lequel, dans le cas présent, n’est pas forcément le fait mais pourrait tout aussi bien être ce, celui, ou n’importe quel substantif susceptible de faire l’objet d’un rapport : mot, discours, récit, etc.

On voit par là que la relation syntaxique entre les deux constituants le fait et que n’est pas du tout la même dans la complétive et dans la relative. Dans le cas de la complétive, le paradigme, fermé, ne comporte que deux termes : que / le fait que. Dans le cas de la relative, le paradigme, ouvert, permet de commuter devant que, un grand nombre d’antécédents : le fait / ce / celui / le mot / le discours / le récit (liste ouverte) que Paul a rapporté à Pierre m’a beaucoup étonné.

Voyons maintenant une phrase complexe coréenne dont la proposition subordonnée est une proposition déterminative qui correspond, fonctionnellement et structurellement, à la complétive du nom de la phrase française, Je suis très étonné par le fait que Paul a rapporté le livre à Pierre :

  • (Ex29-a)

  • na-nIn /1/ ppol-i /2/ ppiel I -eke /3/ ch E k- I l /4/ toly O cu- n /5/ sasil-e /6/ mEu /7/ nolla-ass-ta /8/

  • moi-p.top /1/ Paul-p.nom /2/ Pierre-à /3/ livre-p.accus /4/ rapporter- SD:acc /5/ fait-à /6/ très /7/ être étonné-acc-STdécl./8/

  • →Je suis très étonné du fait que Paul a rapporté le livre à Pierre

Cette structure rassemble deux phrases simples P1 et P2. En français, cela donne : P1 Paul a rapporté le livre à Pierre — P2 Je suis étonné par ce fait. Il est clair, dans ce cas, que dans la phrase complexe Je suis étonné par le fait que Paul a rapporté le livre à Pierre, P2 est l’enchâssante et P1, l’enchâssée. Dans la consécution logique et chronologique des deux indépendantes, le groupe nominal qui constitue le complément du verbe qualificatif de la seconde, à savoir le fait, est un anaphorique nominal, coréférentiel du contenu propositionnel de P1. Mais quand on passe à la procédure d’enchâssement, le constituant nominal le fait n’est plus anaphorique, mais cataphorique. L’usage de l’article le, indice de détermination, s’explique par le caractère déterminé du substantif fait, qui reçoit sa détermination de la proposition déterminative qui suit. En coréen, les deux phrases simples P1 et P2 se présentent de la manière suivante :

  • (Ex29-b)

  • P1 — ppol-i /1/ ppielI-eke /2/ chEk-Il /3/ tolyOcu-(Oss-ta) /4/

  • Paul-p.nom /1/ Pierre-à /2/ livre-p.accus /3/ rapporter-(acc-STdécl) /4/

  • →Paul a rapporté le livre à Pierre.

  • P2 — na-nIn /1/(i)sasil-e /2/ mEu /3/ nolla-ass-ta /4/

  • Moi-p.top /1/ (ce) fait-à /2/ très /3/ être étonné-acc.-STdécl./4/

  • → Je suis très étonné par ce fait.

Ce qui se passe ici en coréen est assez comparable à ce qui se passe en français : les trois positions argumentales du verbe trivalent [tolyOcu-(Oss-ta)] ( [Aka Beke ClIl [tolyOcu-(Oss-ta)] (A rapporter C à B) sont toutes occupées : la place du sujet (Paul), la place de l’objet (le livre), la place du complément datif (Pierre). Le schéma valenciel du verbe est saturé. L’enchâssement se fait dans les mêmes conditions, avec cette différence toutefois que, conformément à la règle du coréen, le déterminant (la proposition déterminative) précède le déterminé [sasil] (fait) et que la forme du verbe de P1 change, lorsque celle-ci est enchâssée sous le nom [sasil] (fait) de P2, c’est-à-dire qu’elle perd ses suffixes aspectuel (-Oss-) et terminatif (-ta) et est marquée par le suffixe déterminatif [(I)n] qui sert à indiquer à la fois le caractère subordonné et la fonction déterminative de P1. Une autre différence est que, dans la suite des indépendantes, le mot [sasil] (fait), complément du verbe de P2, est, le plus souvent, précédé d’un démonstratif [i/kI], ici [i], qui souligne son caractère anaphorique. Ce déterminant anaphorique va disparaître le plus souvent dans la phrase complexe, où le mot [sasil], suffisamment déterminé par la déterminative qui le précède, peut se passer du déterminant démonstratif, lequel, certes, peut toujours lui être ajouté, mais seulement en cas de forte emphase.

Disons au passage qu’en français, il est également possible d’avoir un démonstratif à la place de l’article, ce qui, en P2, souligne, là aussi, le caractère anaphorique du constituant nominal initial. Dans la phrase complexe, il n’est pas impossible d’utiliser le syntagme démonstratif ce fait, mais le recours à ce déterminant emphatique est peu probable en raison du caractère figé de l’expression le fait que.

Comme nous avons eu l’occasion de le dire plus haut, le fait que P, en position sujet, peut donner lieu, en français soutenu, à un raccourci en que P à condition d’utiliser le subjonctif dans la complétive : (Le fait) Que Paul ait rapporté le livre à Pierre m’a beaucoup étonné. Mais en coréen, l’effacement du nom-pivot correspondant à la suite le fait que ne peut se faire. Le jeu modal qu’on rencontre en français dans la position frontale entre la modalité non-marquée de la proposition nominalisée par le fait que et la modalité marquée de la proposition nominalisée par que n’a pas non plus d’équivalent coréen. S’il n’est pas possible en coréen d’effacer [sasil] (fait) et de garder seulement le [-n] subordonnant (que) dans la suite [-n sasil] (fait que), en revanche il est possible de remplacer le substantif [sasil] par le nom dépendant [k O s], qui fait office, lui aussi, de simple nominalisateur, ou si l’on préfère, de translatif, permettant occasionnellement à une proposition d’occuper la position argumentale d’un véritable constituant nominal :

  • (Ex30)

  • na-nIn /1/ ppol-i /2/ ppiel I -eke /3/ ch E k- I l /4/ toly O cu- n /5/ { sasil | k O s} -e /6/ mEu /7/ nolla-ass-ta /8/

  • moi-p.top /1/ Paul-p.nom /2/ Pierre-à /3/ livre-p.accus /4/ rapporter- SD:acc /5/ { fait / ce }-à /6/ très /7/ être étonné-acc-STdécl./8/

  • →Je suis très étonné du fait / par ce que Paul a rapporté le livre à Pierre

  • P1 — ppol-i /1/ ppielI-eke /2/ chEk-Il /3/ tolyOcu-(Oss-ta) /4/

  • Paul-p.nom /1/ Pierre-à /2/ livre-p.accus /3/ rapporter-(acc-STdécl) /4/

  • →Paul a rapporté le livre à Pierre.

  • P2 — na-nIn /1/(i) k O s-e /2/ mEu /3/ nolla-ass-ta /4/

  • Moi-p.top /1/ (ce) fait-à /2/ très /3/ être étonné-acc.-STdécl./4/

  • → Je suis très étonné par ceci.

Syntaxiquement, [kOs] a ici un statut de « nom à détermination obligatoire ». Cela revient à dire qu’il ne peut fonctionner que muni d’une détermination quelconque. Cette détermination peut se présenter sous deux formes. Il peut s’agir ou bien d’un prédéterminant tel que le démonstratif [i] (i-k O s : ceci) ou bien d’une proposition déterminative, qui, elle aussi, précède le nom dépendant comme c’est la règle en coréen. C’est ce qui se passe dans les exemples que nous avons donnés ci-dessus.

Que le nom-pivot soit dépendant (cas de k O s) ou indépendant (cas de sasil), en coréen, il n’est jamais supprimable à la suite de la proposition déterminative, assimilable à la complétive du nom française par son comportement fonctionnel et structurel, alors qu’en français, nous l’avons vu, le fait est supprimable.

Passons maintenant à la relative du coréen qui correspond à celle du français de la phrase complexe189 : Le livre que Paul a rapporté à Pierre a disparu.

  • (Ex31)

  • ppol-i /1/ ppiel I -eke /2/ / toly O cu- n /3/ ch E k-i /4/ OpsOcy-Oss-ta /5/

  • Paul-p.nom /1/ Pierre-à /2/ rapporter- SD:acc /3/ livre-p.nom /4/ disparaître-acc-STdécl./5/

  • →Le livre que Paul a rapporté à Pierre a disparu.

  • Cette phrase complexe peut s’analyser en deux phrases simples qui ont les formes suivantes :

  • P1 — ppol-i /1/ ppielI-eke /2/ Ø /3/ tolyOcu-(Oss-ta) /4/

  • Paul-p.nom /1/ Pierre-à /2/ Ø /3/ rapporter-(acc-STdécl) /4/

  • →Paul a rapporté (un livre) à Pierre.

  • P2 —ch E k-i /1/ OpsOcy-Oss-ta /2/

  • livre-p.accus /1/ disparaître-acc-STdécl./2/

  • →Le livre a disparu

Comme on a eu l’occasion de le voir, l’enchâssement de la phrase P1 sous le constituant nominal sujet de la phrase P2 (le livre) implique que l’autre occurrence du même item ou d’un indice pronominal dans la phrase P1 soit effacée dans la subordonnée enchâssée. Il n’est pas possible d’avoir en effet : *Le livre que Paul a rapporté le livre à Pierre a disparu / *Le livre que Paul l ’a rapporté à Pierre a disparu. Le verbe de la relative enchâssée (ici rapporter) comporte automatiquement une place vide, en l’occurrence celle de l’objet : Le livre que Paul a rapporté Ø à Pierre a disparu. L’essentiel est qu’en coréen, comme en français, ce qui est spécifique de la relative, c’est le blocage d’une position, que cette position apparaisse nécessairement vide ou nécessairement occupée par un anaphorique. C’est même ce trait qui, en coréen, permet de distinguer la relative de la complétive du nom, lesquelles sont très proches l’une de l’autre, lorsqu’elles utilisent le même subordonnant -( I )n, comme ce qui est le cas des exemples (30) et (31) : complétive → [NP +...tolyOcu-n / sasil] (NP +... rapporter-SD / fait) / Relative → [NP +... tolyOcu-n / chEk] (NP +...rapporter-SD / livre).

En effet, comme nous allons le voir, en coréen, la complétive du nom peut être éventuellement elliptique, à la faveur de phénomènes discursifs, mais elle n’est pas lacunaire. Certes, toutes les positions argumentales de ce type de subordonnée ne sont pas nécessairement occupées, mais aucune de ces positions nominales n’est en rapport coréférentiel avec le nom-pivot, alors que, dans la relative, la place de l’argument nominal coréférentiel du nom-pivot est obligatoirement inoccupée.

Ainsi, parmi les critères opératoires proposés pour distinguer les relatives des complétives du nom, c’est cette différence structurelle entre ces deux types de propositions déterminatives qui est souvent retenue par les grammairiens et les linguistes coréens. D’après NAM et KO (1989), ces deux types de propositions déterminatives se distinguent en coréen selon qu’il y a ou non un rapport coréférentiel, anaphorique si l’on préfère, entre le nom-pivot qu’elles déterminent et une position nominale appartenant à celles-ci. Par exemple, dans la relative de l’ex. (31) où il y a ce rapport coréférentiel, la position de l’argument nominal coréférentiel du nom-pivot, en l’occurrence [chEk] (livre), est obligatoirement inoccupée par un mécanisme de relativisation caractéristique de cette langue. Ce constituant nominal occuperait la position de l’objet qui reste vide dans la relative, s’il y apparaissait. Par contre, dans la subordonnée de l’ex. (30) considérée comme une complétive du nom, il ne manque rien, aucun constituant nominal ne pouvant être coréférentiel avec le nom déterminé [sasil] (fait). Autrement dit, ce constituant nominal ne pourrait en aucun cas occuper une position argumentale dans la complétive du nom.

J-H I (1992)190 représente d’une façon simple les structures dites profondes de la relative et de la complétive du nom par les schèmes suivants : (COMP → complementeur (appelé par nous « suffixe déterminatif »), NP → constituant nominal, s → Phrase)

  • -Relative : [np [s ...Npi...] COMP NPi]

  • -Complétive du nom : [np [s...Npi...] COMP NPj]

Ces schèmes indiquent qu’il faut qu’il y ait dans la structure dite profonde de la relative une relation coréférentielle (ou anaphorique) entre le nom-pivot et un argument de la relative. Par contre, il ne doit pas y avoir dans la structure profonde de la complétive du nom un constituant nominal (NPi) identique au nom-pivot de la complétive du nom (NPj). Là est présenté clairement l’idée de la présence du rapport coréférentiel entre le nom-pivot (NPi) et une position nominale (NPi) dans la relative et celle de l’absence de ce rapport entre l’« antécédent » (NPi) et une position nominale (NPj) dans la complétive du nom, même si ce linguiste schématise, comme il le dit, les structures profondes de ces deux sous-ensembles de subordonnées déterminatives et non pas leurs constructions réalisées.

Dans la plupart des grammaires du coréen, on retrouve des explications plus ou moins identiques pour justifier la répartition des propositions déterminatives du coréen en relatives et complétives du nom. Quant aux grammaires du français, elles prêtent à peine ou très peu attention à une telle différence structurelle191. Ceci peut s’expliquer par le fait que pour cette langue pourvue de marqueurs spécifiques destinés à indiquer chacun des deux types, les grammairiens s’intéressent davantage aux marqueurs des propositions qui sont immédiatement repérables qu’à la différence structurelle qui est latente dans leurs réalisations192. Mais cette différence structurelle entre les deux types de propositions déterminatives est retenue toutefois comme un critère décisif par un bon nombre de linguistes français, soucieux de la question de leur identification.

D’ailleurs, si nous faisons appel, en ce qui nous concerne, à un tel critère structurel, c’est à ce niveau-là et non au niveau des marqueurs qu’il nous semble convenir de chercher, d’abord, la base de la comparaison des propositions déterminatives des deux langues. C’est ainsi que l’on peut se permettre de rapprocher les deux types de propositions déterminatives des deux langues qui présentent, dans une certaine mesure, des principes identiques d’organisation, mais des manifestations linguistiques différentes et propres à chaque langue.

Notes
188.

Comme cela a été mentionné plus haut, dans notre analyse les complétives déterminant le terme le fait (le fait que P / le fait de INF) seront traitées au même titre que les complétives déterminant d’autres noms que le fait dans le cadre de détermination, même si l’on observe avec les premières quelques propriétés différentes de celles observées avec les secondes constructions, comme le fait remarquer H. Huot (1977, 1981).

189.

Nous évitons, pour le moment, de prendre comme un exemple représentatif de la structure relative du coréen une phrase complexe qui correspondrait à celle du français Je suis étonné par le fait que Paul a rapporté à Pierre, car elle serait ambiguë ; elle peut être analysée, selon le contexte, comme une relative lorsque le terme nominal manquant dans la subordonnée est considéré comme étant coréférentiel du nom-pivot le fait, autrement dit, l’objet du verbe rapporter utilisé au sens de raconter ou faire savoir est omis par la relativisation ; ou bien comme une complétive du nom lorsque le terme nominal manquant est interprété comme étant référentiellement différent du nom-pivot le fait, mais absent de sa position nominale structurelle du fait qu’en coréen, il n’y a pas de contrainte de saturation des arguments nominaux du verbe et que tous les termes nominaux, lorsqu’ils sont supposés connus dans un contexte, peuvent être effacés, que ce soit dans une structure phrastique indépendante ou dans une structure phrastique subordonnée. Nous reviendrons plus loin sur les problèmes liés au phénomène de l’ellipse.

190.

J-H I (1992) hyOntE kukOmunpOplon (Grammaire du coréen moderne), Séoul, Société des livres scolaires, p.210.

191.

Il existe, bien qu’ils soient rares, des grammairiens français comme les auteurs de la Grammaire d’aujourd’hui qui prennent soin tout de même de parler du rapport de ces deux sous-classes de subordonnées déterminatives dans le souci de les identifier l’une par rapport à l’autre.

192.

M. Pierrard (1987) « subordination et subordonnées : réflexions sur la typologie des subordonnées dans les grammaires du français moderne » dans L’information grammaticale n°35, pp.31-36.