7-4-3 Propositions déterminatives du coréen où le sujet en [ka] alterne avec le constituant nominal marqué par une particule génitive [Ii]

Il s’agit du cas, qui n’a pas été observé dans notre exposé précédent, où dans une proposition déterminative la particule nominative [ka] apparaît comme étant commutable avec une particule génitive [Ii]. Ce qui incite certains linguistes à dire que celle-ci marque le sujet de la subordonnée au même titre que celle-là207. Cette possibilité de commutation entre ces deux particules se présente généralement dans les propositions déterminatives non-relatives (→65), mais des relatives n’en sont pas exclues208 (→66).

Bien que ces deux particules affectent le constituant nominal situé pareillement juste à côté de la forme verbale déterminative dans la subordonnée, ceci n’implique pas, soulignons-le, que le constituant nominal marqué par la particule génitive [Ii] assure la même fonction que celle qu’assumerait le sujet marqué par la particule nominative [ka] dans la subordonnée. En effet, ils n’ont pas la même fonction syntaxique par rapport au nom déterminé qui est placé après la forme verbale déterminative. Dans l’ex. (65a) si [aki-ka] (bébé-p.nom) assume le rôle de sujet à l’intérieur de la subordonnée qui détermine le nom [mosIp] (image), dans l’ex. (65b) [aki-Ii] (bébé-p.génit) ne fait pas partie de la subordonnée déterminative qui est ici constituée de la seule forme déterminative [us-nIn] (rire-SD) qui le suit immédiatement, mais il se rapporte au nom [mosIp] (image) dont il est le syntagme génitival, bien qu’il soit séparé de ce noyau substantival par la présence de la forme déterminative [us-nIn] (rire-SD) dont le sujet est absent : [Ø us-nIn] (Ø rire-SD). Bien entendu, le référent de ce sujet absent peut être récupéré par le syntagme génitival adjacent [aki-Ii]. Donc, dans l’ex. (65a), c’est l’ensemble [sujet + verbe] (aki-ka / us-nIn : que le bébé rit) qui détermine le nom-pivot [mosIp] (image), tandis que dans l’ex. (65b), seule la forme verbale déterminative [us-nIn] (rire-SD) : riant) le détermine. Il en va de même pour les ex. (66a) et (66b).

Il nous paraît intéressant de prendre en compte l’idée suggérée par Lemaréchal (1997, 145-146) à propos du japonais qui connaît également les mêmes types de constructions déterminatives, pour rendre compte dans la glose de la différence de relation que les deux constructions distinctes entretiennent avec le nom-pivot. Suivant son idée, la première, contenant le sujet [ka], est à gloser par « l’image (déterminé par le fait ) que le bébé sourit », tandis que la seconde, contenant le syntagme génitival en [Ii], par « l’image (déterminé par) l’action de rire du bébé / le rire du bébé ». Ces gloses nous paraissent adéquates pour rendre compte de la différence de la relation de détermination.

L’analyse du constituant nominal marqué par la particule génitive [Ii] comme le syntagme génitival du nom, qui est à la fois son noyau substantival dans le cas présenté, se vérifie clairement par le fait que ce syntagme génitival peut se placer juste devant le nom déterminé. L’ex. (65b), repris en (67a), peut prendre la forme de l’ex. (67b) :

Dans l’ex. (67b), le groupe nominal complexe [aki-Ii / mosIp] (l’image du bébé) se trouve placé après la forme verbale déterminative [us-nIn]. Mais, lorsque le nom-pivot est un groupe nominal complexe dans lequel une subordonnée déterminative est enchâssée comme dans le cas présent, l’interprétation du rôle qu’a cette dernière par rapport au groupe nominal complexe peut être ambiguë. En effet, selon les contextes, soit cette subordonnée est analysable comme une relative qui ne détermine que le syntagme génitival [aki] (bébé), placé en première position dans le groupe nominal complexe. Dans ce cas, l’interprétation de l’exemple sera « l’image du bébé qui rit est adorable ». Soit elle peut être analysée comme une complétive du nom qui détermine le groupe nominal complexe [aki-Ii / mosIp], ou plutôt le noyau substantival de celui-ci, ce qui donnera une interprétation semblable à celle donnée dans l’ex. (67a) « l’image (déterminé par l’action de) rire du bébé est adorable ». Dans le cas où le contexte de l’ex. (67b) est neutre, nous pensons que la première interprétation sera préférée à la seconde.

Voyons à présent le cas de la traduction coréenne des complétives du nom à l’infinitif du français. Nous avons choisi pour l’illustrer deux complétives du nom à l’infinitif qui déterminent un nom ayant un possessif comme prédéterminant. Précisons que, du fait de l’absence des possessifs dans le système coréen des déterminants, on utilise généralement comme équivalent un syntagme génitival constitué d’un pronom personnel suivi d’une particule génitive [Ii]. Ceci donne des groupes nominaux complexes dans la traduction coréenne pour les noms-pivot son désir et sa façon : son désir → [k I ny O - I i (yoNmaN)] (elle-de désir) / sa façon → [k I ny O - I i (paNsik)] (elle-de façon).

On voit que pour traduire les deux séquences de complémentation du français qui sont construites de la même façon selon le schème [possessif + N + de INF], le traducteur a mis en oeuvre en coréen les deux modes de constructions que nous avons vus plus haut : l’ex. (68b) représente une construction déterminative [N- I i (déterminant génitival) + X...V-nIn + N(déterminé)] comme si en français nous avions [possessif + de INF + N], ce qui est réellement impossible ; l’ex. (68d) représente le type [[N- I i (déterminant génitival) + N(déterminé) + X...V-nIn], ce qui est en revanche plus proche de son correspondant français [possessif + N + de INF]. On peut dire que le traducteur a le choix entre ces deux modes de construction déterminative pour rendre la séquence de complémentation du français du type [possessif + N + de INF].

Pourtant on ne doit pas oublier que le second type de construction déterminative utilisé dans l’ex. (68d) est ambigu. En effet, si l’on considère cette construction coréenne en elle-même et pour elle-même, c’est-à-dire sans la comparer à l’exemple français, elle peut donner lieu à deux interprétations différentes concernant la portée de la détermination de la subordonnée déterminative par rapport aux éléments constitutifs du groupe nominal complexe qu’est son nom-pivot. Si la portée de la détermination de la subordonnée déterminative « que Ø veut tuer ce type » se limite au syntagme génitival [kInyO] (elle), celle-ci sera analysable comme une relative dans laquelle ce terme nominal, considéré comme relativisé, aurait une fonction de sujet ; en revanche, si la détermination de la subordonnée porte sur l’ensemble du groupe nominal complexe [kInyO-Ii yoNmaN] (elle-de désir), cette subordonnée sera analysable comme une complétive du nom à l’intérieur de laquelle ce groupe nominal complexe n’aurait aucune fonction argumentale à jouer.

Il en va de même pour la traduction coréenne d’une subordonnée participiale ou d’une relative du français ayant comme nom-pivot un groupe nominal complexe, comme en témoignent les exemples suivants.

Dans les deux cas, il n’y a pas d’ambiguïté en français pour interpréter les subordonnées déterminant le groupe nominal complexe comme des relatives dont l’une est participiale et l’autre conjonctive introduite par qui. Dans l’ex. (69a), l’analyse de la participiale se tapotant le front ne pose guère de difficultés : celle-ci caractérise le syntagme génitival cet homme placé immédiatement devant la participiale et non le noyau substantival l’image, ni l’ensemble de groupe nominal complexe l’image de cet homme. Dans l’ex. (70a) une essence de son charme qui ne dépendait pas de temps, la relative peut être considérée comme déterminant soit le seul syntagme génitival son charme, soit l’ensemble du groupe nominal complexe une essence de son charme. Mais une telle ambiguïté concernant la portée de la détermination de la subordonnée sur les éléments constitutifs du groupe nominal complexe n’empêche pas pour autant de reconnaître la subordonnée en question comme étant une relative.

Il en va par contre tout autrement pour les constructions correspondantes en coréen (69b) et (70b). La difficulté consiste à savoir si la détermination de la subordonnée en question porte sur le seul syntagme génitival ou sur l’ensemble de groupe nominal complexe. Corrélativement, cette subordonnée déterminative est soit une relative soit une complétive du nom pour la même raison que nous avons expliquée plus haut.

L’examen de ces exemples a permis de mieux mesurer combien est délicate l’analyse de la proposition déterminative enchâssée dans un groupe nominal complexe telle que [X...V-nIn + N- I i (déterminant génitival) + N(déterminé)] en coréen. On remarque par là que la construction déterminative du type [N- I i (déterminant génitival) + X...V-nIn + N(déterminé)] illustrée par l’ex. (67a) permet d’éviter l’ambiguïté que peut provoquer l’autre type de construction déterminative.

Notes
207.

Selon A. Lemaréchal (1997) et I. Tamba (1991), un cas semblable est attesté par la particule dite de sujet [ga] et la particule génitive [no] en japonais. Ces linguistes font remarquer qu’en diachronie la particule de sujet [ga] est une ancienne marque de génitif. Quant à la particule de sujet [ka] ou sa variante [i] et à la particule génitive [Ii], nous ne saurions dire, faute d’informations, si elles ont un tel rapport génétique.

208.

Dans certains cas de relatives, la présence de la particule génitive [Ii] paraît inacceptable.

(Ex) nE-&{;ka / *na-I i&}; / ssI-nIn / phyOnci /

moi-p.nom / *moi-p.génit&}; / écrire-SD :inacc / lettre/

→la lettre que j’écris.

209.

Rappelons que dans notre étude nous avons convenu de considérer la subordonnée participiale du type présenté comme une relative à sujet relativisé.