8-3-Propositions de formes déterminatives avec ND à caractère « circonstanciel » en coréen et subordonnées circonstancielles introduites par des locutions conjonctives en français

Rappelons d’abord qu’à la différence des ND spatio-temporels, les ND à caractère adverbial comme [chE], [palam] (à cause de), [panmyOn] (en opposition avec), [tEsin] (au lieu de), etc. ont ceci de particulier que les segments (du type nominal ou propositionnel) auxquels ils s’accrochent ne peuvent apparaître qu’en position circonstancielle. Il est intéressant cependant d’observer leur ressemblance à savoir que lorsque les seconds se trouvent postposés, souvent accompagnés de particules casuelles comme [e] (équivalent de à), aux segments du type nominal ou propositionnel en position circonstancielle, ils jouent comme les premiers le rôle de marqueurs de ces segments et indiquent leur rôle à la fois syntaxique, (donc, la fonction circonstancielle) et sémantique (divers rapports sémantiques, spatio-temporels, cause, opposition, concession, etc.). On peut les rapprocher des prépositions ou des locutions prépositionnelles du français, lorsqu’ils s’adjoignent aux segments du type nominal et avec des conjonctions ou des locutions conjonctives de subordination lorsqu’ils s’adjoignent aux segments du type propositionnel, notamment des propositions de formes déterminatives. Appelons par commodité « ND circonstanciels » le ND spatio-temporel et le ND à caractère adverbial.

Strictement parlant, les formes construites par une combinaison de noms dépendants circonstanciels et de particules casuelles sont plus proches des locutions prépositionnelles ou des locutions conjonctives par leur mode de formation que les prépositions ou les conjonctions du français. En effet, il convient de préciser que le coréen possède un bon nombre de particules casuelles de nature suffixale, mais ces particules, notamment celles indiquant différents rapports sémantiques pour les circonstanciels, sont beaucoup moins nombreuses par rapport aux prépositions du français qui assument également le rôle d’indicateurs à la fois syntaxique et sémantique des circonstanciels. Alors que le français connaît des prépositions ou des adverbes très variés relativement à l’organisation spatio-temporelle comme à, dans, dedans, dehors, sur, sous, avant, après, devant, derrière, près, etc., le coréen n’a pas autant de particules casuelles correspondantes et met en jeu donc des noms dépendants à caractère adverbial ou des locutions formées par une combinaison de ces ND circonstanciels suivis d’une particule casuelle, le plus souvent, la particule [e], équivalente à ‘à’. La présence de celle-ci n’est pas nécessaire après certains ND circonstanciels. Par exemple, là où le français utilise des prépositions spatio-temporelles comme ‘avant’, ‘après’, ‘sous’ et ‘sur’, le coréen ne possédant pas de particules correspondantes, met systématiquement en oeuvre des noms dépendants sémantiquement équivalents suivis de la particule [e] de la façon suivante :

Nous avons mis entre parenthèses les groupes prépositionnels qui correspondent sémantiquement aux prépositions utilisées en français. Mis à part les prépositions et les groupes prépositionnels présentés ci-dessus, on peut en relever d’autres comme dans = à l’intérieur de, hors = à l’extérieur de, entre = à l’intervalle de, etc. Formellement parlant, les groupes prépositionnels sont plus proches des locutions du coréen concernées. Mais en français, l’emploi des prépositions ou des adverbes est plus naturel et fréquent dans l’usage courant que celui des groupes prépositionnels correspondants qui sont plus longs et donc moins économiques selon le principe de l’économie linguistique. En revanche, les locutions formées de noms dépendants et de particules s’emploient normalement en coréen, faute de particules casuelles correspondantes.

De même que les ND circonstanciels et les locutions qu’ils forment servent à relier un groupe nominal à un verbe dans une phrase simple, ils servent également à relier un segment propositionnel à un autre pour faire du premier le circonstanciel du second à l’intérieur de la phrase complexe que constituent ces deux segments propositionnels. En d’autres termes, comme en tant que marqueurs de compléments circonstanciels ils complètent la classe des particules casuelles, ils enrichissent, aussi en tant que marqueurs de propositions subordonnées circonstancielles, la classe des subordonnants circonstanciels de nature suffixale qui se greffent directement sur la racine verbale :

Le subordonnant circonstanciel [-(a)sO] et la locution [-nIn-palam-e] indiquent le rapport causal que la proposition subordonnée, dont ils affectent le verbe [ttOna-(ta)] (partir), entretient avec l’autre qui est principale, ceci avec une différence toutefois de nuance : [-(a)sO] exprime une cause neutre sans qu’il y ait d’implication du jugement subjectif du locuteur, alors que [-nIn-palam-e] exprime une cause avec un jugement négatif du locuteur.

Lorsque les noms dépendants circonstanciels se rattachent aux segments propositionnels, l’important est de remarquer une fois de plus que c’est aux propositions de formes déterminatives que la plupart des noms dépendants circonstanciels s’attachent, sauf quelques-uns comme [cOn] (antérieur), [ttEmun] (raison) qui n’acceptent devant eux que les propositions de formes nominalisées marquées par le suffixe « nominalisant » [ki]. Prenons quelques exemples puisés dans notre corpus :

‘« Depuis que mon frère avait acheté, pour une somme rondelette, un motoculteur avec ses économies, elle avait perdu son utilité ». (Mère, Trad. p.32)’

En français c’est le contraire qui se passe avec les subordonnées circonstancielles conjonctives217 dont la grande majorité se marque par des locutions conjonctives. En effet, exceptées les conjonctions simples qui sont peu nombreuses comme ‘quand’, ‘comme’, ‘si’, la plupart des locutions conjonctives sont composées de QUE précédé soit,

Si l’on compare les éléments composant celles-ci avec ceux des locutions conjonctives du coréen observées plus haut, ils diffèrent en deux points. D’une part, alors qu’en français l’élément directement branché sur la proposition subordonnée qui est QUE est un nominalisateur, dit aussi « complémenteur » de celle-ci, en coréen c’est un des « déterminalisateurs » ‘n I n’ / ‘I n’ / ‘I l’, que nous appelons suffixes déterminatifs. D’autre part, si en français les autres éléments précédant QUE qui sont porteurs de sens, relèvent, comme nous venons de le présenter, de classes grammaticales diverses, en coréen les éléments, porteurs de sens eux aussi, qui suivent le « déterminalisateur », sont tous des noms dépendants circonstanciels, souvent marqués par des particules. Du fait que les locutions du coréen contiennent des noms dépendants suivis de particules, leur construction est la plus proche de celle des locutions du français contenant des groupes prépositionnels composés de préposition + nom.

On peut donc représenter les locutions conjonctives de ces deux langues de la façon suivante :

Rappelons que devant bien des ND circonstanciels l’un des trois suffixes déterminatifs est imposé, tandis que devant certains autres, ces suffixes peuvent commuter218. Par exemple, le ND [palam] n’accepte devant lui que le suffixe ‘nIn’ pour former la locution [V-nIn/*In /*Il -palam-e], laquelle marque une subordonnée causale, tandis que le ND [ttE] peut recevoir l’un ou l’autre de ces trois suffixes pour former une locution [V-nIn/In/Il -tt E-e] qui marque une subordonnée temporelle. On constate ici que ces deux ND circonstanciels ne manifestent pas le même degré de figement avec le suffixe déterminatif qui les précèdent. Il en va de même avec la particule casuelle qui les suivent. Il est bon de rappeler que nous avons regroupé ces deux ND, par commodité dans notre exposé, dans cette même classe de ND circonstanciels, mais [palam] est un ND à caractère adverbial qui ne peut se marquer que par la particule postposée [e], alors que [ttE] est un ND temporel ordinaire qui peut se marquer par différentes particules, nominative, accusative, circonstancielle, etc.

Notes
217.

Pour l’étude des subordonnées circonstancielles du français, il faut reconnaître, outre les subordonnées circonstancielles conjonctives, l’existence de subordonnées circonstancielles non-concjonctives comme les propositions participiales et les propositions infinitives ayant pour surbordonnants des prépositions diverses. Nous laissons de côté ici ces subordonnées circonstancielles non-conjonctives.

218.

Nous renvoyons le lecteur à J-M Li (1991) pour plus de précisions sur les contraintes de sélection portant sur le suffixe déterminatif devant tel ou tel ND, et concernant les valeurs aspecto-modales des suffixes déterminatifs, voir supra.