3.4.2. La politesse négative et positive

Il nous semble que l’autre confusion conceptuelle de Brown et Levinson concerne la distinction entre politesse négative et politesse positive. Ils distinguent la politesse négative orientée vers la face négative, et la politesse positive orientée vers la face positive, en considérant seulement la relation entre la face et un FTA. D’une part, cette distinction sera plus ou moins ambiguë, dans la mesure où un FTA peut être menaçant à la fois pour la face négative et pour la face positive. D’autre part, en ce qui concerne les notions ’positive’ et ’négative’, elles sont ambivalentes et incompatibles avec leur usage dans la vie quotidienne, car il y a une ambiguïté, ainsi que le remarque Kerbrat-Orecchioni (1995 : 76), dans l’usage des adjectifs ’négatifs’ et ’positifs’, dont le sens n’est pas le même selon qu’ils déterminent les subjectifs ’face’ ou ’politesse’. Elle arrive à la conclusion que cette confusion repose essentiellement sur l’absence d’identification du groupe des actes de langage tels que FFAs. L’introduction de la notion de FFA dans l’analyse de la politesse permet de mieux comprendre le phénomène de la politesse et d’établir un modèle théorique productif et efficace. Elle permet également de distinguer la politesse négative de la politesse positive :

‘«La politesse négative est de nature abstentionniste ou compensatoire : elle consiste à éviter de produire un FTA, ou à en adoucir par quelque procédé la réalisation – que ce FTA concerne la face négative (ex. : ordre) ou la face positive (ex. : critique) du destinataire»16. ’

Pour elle, la politesse négative correspond aux «rites d’évitement» et aux «rites de réparation» au sens de Goffman. Elle la conçoit comme un adoucissement de quelque FTA, qui consiste à le réparer ou éviter de le produire. En revanche, la politesse positive doit être considérée comme la production d’un FFA (ou d’un anti-FTA) :

‘«La politesse positive est au contraire de nature productionniste : elle consiste à effectuer quelque FFA pour la face négative (ex. : cadeau) ou positive (ex. : compliment) du destinataire»17. ’

Contrairement à ce que distinguent Brown et Levinson, pour elle, les politesses négative et positive ne sont pas orientées vers les faces négative ou positive respectivement, mais elles sont liées à la fois à ces deux niveaux. On peut dire que la politesse négative au sens de Kerbrat-Orecchioni implique à la fois la politesse négative et positive de Brown et Levinson. Le point de départ de son modèle repose sur la perception de FTAs et de FFAs comme deux grandes familles d’actes de langage. Or dans la relation entre la politesse négative et le FTA, et la politesse positive et le FFA, elle établit un modèle cohérent et global qui est établi sur deux axes : d’une part, la distinction entre la politesse négative et positive, et d’autre part, celle de principes «A-orientés» et «L-orientés» que nous allons décrire dans ce qui suit.

Notes
16.

C. Kerbrat-Orecchioni, La conversation, Seuil, coll. «Mémo», 1996, p. 54.

17.

Ibid., p. 54.