3.2. Le script général

On sait que l’interaction verbale est considérée comme une sorte de structure hiérarchique d’unités emboîtées les unes dans les autres, de la plus grande à la plus petite. D’après Kerbrat-Orecchioni (1990 : 213), elle se décompose en cinq rangs pertinents et hiérarchiques :

  1. Interaction (ou conversation)

  2. Séquence

  3. Echange

  4. Intervention

  5. Acte de langage

L’interaction dans le débat radiophonique a pour objectif de transmettre aux auditeurs des informations, une évaluation, et/ou un point de vue différent à propos d’un sujet donné. Dans ce but, le rôle de l’animateur est d’autant plus crucial que le débat se développe dans une situation conflictuelle. L’animateur se focalise principalement sur la gestion du débat, à la fois en animant la discussion entre les débatteurs, et en maintenant la polémique dans certaines limites, de sorte que l’interaction ne dégénère pas trop en corrida. Ce rôle se réalise en fonction du script général, c’est-à-dire en séquences d’actions (ouvrir, discuter, et clôturer le débat), et en fonction des tâches particulières dans chaque séquence successive.

Ainsi, les séquences d’ouverture et de clôture sont prises en charge par l’animateur, ritualisées et stéréotypées, différemment de la conversation ordinaire. Le débat commence par le discours d’ouverture de l’animateur. Ce discours plus ou moins long permet d’annoncer le thème du débat du jour, de présenter brièvement les deux invités, tout en s’adressant aux auditeurs, surtout dans le corpus coréen, et de poser la première question à l’un des deux débatteurs. On peut y ajouter dans le cas des émissions coréennes un ensemble de salutation aux auditeurs et entre les participants. Quant à la séquence de clôture, elle est, comme la séquence d’ouverture, prise en charge par l’animateur. Ce dernier termine l’émission avec les remerciements aux deux débatteurs et le résumé pour les auditeurs du contenu discuté ou bien avec des salutations, mais seulement dans le cas coréen. Dans ces deux séquences, les auditeurs passent du statut de témoin à celui de destinataire direct. En effet, les séquences d’ouverture et de clôture n’ont pas le même poids que celles de la conversation ordinaire, dans la mesure où la rencontre entre participants n’est pas faite pour établir et maintenir la relation interpersonnelle, mais où elle repose plutôt sur une sorte de contrat de communication dont l’objectif principal est de mettre en scène les séquences du corps.

Dans les séquences du corps du débat, l’animateur, dans son rôle de gestionnaire du débat, intervient dans deux directions : orienter le contenu du débat et assurer l’alternance des tours de parole. Pour cela, il pose aux débatteurs des questions ponctuelles au long de l’interaction pour animer le débat et le conduire dans une direction orientée. Les débatteurs, quant à eux, jouent leur rôle interactionnel en répondant à la question. Leur réponse fonctionne comme une bifurcation où le débat peut glisser, soit dans la continuité de l’interview avec le même débatteur ou avec l’autre, soit dans une scène de discussion entre les deux débatteurs ou entre le débatteur et l’animateur. En d’autres termes, l’animateur lance au cours de l’interaction certains thèmes qui s’adressent, sous la forme d’interrogations, à chaque invité l’un après l’autre. Le débatteur sélectionné prend généralement un long tour qui est interrompu par le meneur ou l’autre invité et se développe en discussion. Au moment suivant, l’animateur change d’interlocuteur avec la même question, et l’interaction se poursuit de la même façon que précédemment. Nous pouvons donc établir un schéma global29 comme suit :

message URL schema1.gif

Le schéma ci-dessus montre que le débat se décompose globalement en deux parties (a et b), et se déroule de (a) vers (b). La partie (a) correspond au module d’interview, qui est réalisé sous la forme d’un échange relativement simple : l’animateur (A) demande à chaque invité (D1 ou D2) son opinion, et l’invité sélectionné par le meneur prend la parole pour répondre à la question. Mais le meneur occupe dans l’ensemble de ces mouvements une position centrale dans la mesure où il relaye les échanges verbaux entre les deux invités et alimente les thèmes du débat. En revanche, la partie (b) apparaît comme le module de discussion qui gouverne le niveau local du débat. Elle a une structure séquentielle plus complexe que celle de la partie (a), puisqu’elle prend la forme d’une sorte d’échange qui se prolonge dans la situation de discussion, c’est-à-dire que l’échange d’interview glisse vers celui de discussion, et que ces deux types d’échanges se produisent presque alternativement au long de l’interaction. La séquence du corps du débat est donc organisée à la fois par les modules d’interview et de discussion, et par leur modulation à un moment donné. Il convient donc de prolonger ces analyses par l’examen du dosage de ces deux modules dans les émissions françaises et coréennes.

Notes
29.

A : animateur, D1 : premier débatteur, et D2 : second débatteur.