3.3. Le système d’attente et le style formel

Le débat à la radio qui constitue notre corpus se caractérise par sa nature triadique, non réciproque (au niveau du contrôle du tour de parole par l’animateur), finalisée, et formelle. Les participants n’ont pas le même rôle interactionnel : l’animateur occupe une position dominante en distribuant les tours de parole et en lançant les thèmes du débat, alors que les deux débatteurs sont dominants, comme experts, au cours de la discussion, en donnant des opinions intellectuelles, des informations, et des perspectives à propos du sujet donné. Dans ce type d’interaction, l’animateur doit accueillir comme l’hôte ses deux invités et il a également le droit de leur poser des questions et de participer à la discussion. En revanche, les deux invités doivent répondre aux questions de l’animateur, et coopérer au bon déroulement du débat, au niveau de son organisation (tours de parole) et de son contenu. Ils ont également le droit dans leurs réponses de manifester leur désaccord ou leur opposition à l’énoncé précédent, et de poser un problème ou une contestation. En ce sens, le débat présuppose un ensemble d’échanges verbaux qui comportent des actes de désaccord et la confrontation entre participants. Ce caractère latent émerge ou s’apaise au cours du déroulement de l’interaction selon la nature polémique du thème.

D’autre part, les deux débatteurs qui se mettent en scène dans une émission à la radio sont dans un type de relation ’officielle’ qui se caractérise par la politesse de formalité. Etant donné que cette formalité est établie par la distance sociale entre les participants et par la présence de l’audience, elle leur permet d’accélérer ou de refréner la confrontation, et d’exprimer le contenu sans exposer l’émotion, et d’établir enfin l’équilibrage rituel à travers l’interruption et le chevauchement, comme le note Lakoff (1989 110) :

‘«Formal mechanisms are those that create or reflect the existence of boundaries, to preclude one side’s insulting or humiliating the other by more spontaneous forms of address or reference.»’

Ce style de formalité fonctionne également comme un moyen de préserver de l’image publique, dans la mesure où il permet aux interlocuteurs de concilier la clarté de l’opinion ou de l’argument, et la politesse de distance qui se manifeste par un discours non émotionnel et impersonnel, dans la confrontation des perspectives entre eux. En ce sens, il n’est pas rare de trouver un acte de désaccord qui se produit dans l’adhésion aux règles de politesse, même s’il y a une différence de fréquence et de degré.

Enfin, en ce qui concerne le système d’attente dans le contexte de débat, il est évident que étant donné que l’expression du désaccord ou de l’opposition est attendue par rapport au sujet de la discussion au cours de l’interaction, son attente est plus élevée que dans la conversation ordinaire. Mais il est difficile de dire que ce type d’interaction attend la confrontation au niveau de l’attaque personnelle ou du sarcasme entre les interlocuteurs, hors de sujet, ou la menace ouverte de l’image publique des interlocuteurs.