3.4.3. Le sujet conversationnel

L’impact sur la production du désaccord serait différent selon la nature controversable ou non du sujet de la conversation sur lequel les interlocuteurs discutent, et selon le degré de leur engagement et de leur intérêt personnel. Ainsi, Schiffrin (1984) montre qu’une assertion sur la météo ou la qualité du plat ne provoque pas autant d’arguments qu’une assertion sur la position que les politiciens américains prennent à propos de l’avortement. Le débat sur la chasse en France est aussi conflictuel et ’saignant’, proche de la ’corrida’, comme le dit Rémond (1999 : 100) :

‘«Pour la chasse mais contre la chasse. Pour les fusils mais pour les oiseaux. Pour les contre mais contre les pour. Dès qu’il arrivait à rendre la parole, il y avait un moment d’accalmie. Forcément : chacun se reconnaissait dans son discours. Mais aussitôt après, un franc-tireur balançait une grenade, et hop, fusillade générale! La chasse est l’avenir du débat. Pour faire mieux, je ne vois guère que la corrida.»’

En effet, les thèmes conflictuels sont un peu partout dans la vie quotidienne. Lorsqu’ils sont associés à l’intérêt personnel, ils font du débat une ’corrida’. En ce sens, les thèmes qui touchent dans une certaine mesure à l’intérêt des participants à la discussion peuvent permettre d’attendre des formes de désaccords plus fortes que quand il s’agit d’un sujet impersonnel ou public qui ne touche pas directement les interlocuteurs. Enfin, les facteurs mentionnés ci-dessus ne sont pas exhaustifs, mais il nous semble qu’ils sont interdépendants plutôt qu’indépendants, et qu’ils sont essentiels pour saisir la force générale que reflètent les différentes formes et fonctions du désaccord surgi dans le contexte de discussion.