DEUXIEME PARTIE : Accord et Désaccord en français

CHAPITRE 4
L’organisation du tour de parole

Nous allons examiner dans ce chapitre les aspects des tours de parole qui concernent les actes d’accord et de désaccord. On trouve dans la littérature sur l’analyse des conversations bien des études empiriques sur ce problème, fondées sur des enregistrements et des transcriptions de conversations réelles. Ces études traitent de nombreux aspects verbaux et paraverbaux ou non verbaux à partir de conversations dyadiques, plutôt qu’à partir d’une interaction plus formelle et triadique telle que le débat radiophonique que nous avons choisi dans ce travail.

Les interactions humaines supposent essentiellement le processus dynamique de «l’allocution» et de «l’interlocution». Il s’agit, dans le débat, d’interactions sociales qui se déroulent dans un certain type de rencontre et selon des schémas préétablis variés qui se déclinent sur différents niveaux : le niveau de la relation interpersonnelle entre les participants et celui de l’organisation des conversations dont nous allons envisager les règles dans ce chapitre.

On sait que l’interaction verbale est structurée par l’alternance de tours de parole où chaque interlocuteur se comporte alternativement en locuteur et allocutaire. En ce sens, Kerbrat-Orecchioni (1990 : 159) présente toute interaction comme «une succession de tours de parole», en attribuant à chaque tour «la contribution verbale d’un locuteur déterminé à un moment déterminé du déroulement de l’interaction». On peut donc dire que cette alternance des tours de parole est une procédure par laquelle est ordonnée l’interaction verbale.

L’étude de l’alternance des tours de parole se focalise sur quelques points particuliers : la définition du tour, la sélection du «successeur», et l’emplacement du changement de tour. Le passage d’un tour à un autre se fait sur les «places transitionnelles» qui marquent dans les énoncés la complétude potentielle d’un acte de langage en cours et offrent à l’interlocuteur une occasion de prendre la parole. Plus le nombre de participants à la conversation est élevé, plus complexe sera l’alternance des locuteurs. Il convient donc d’examiner ce qui se passe dans les interactions triadiques qui constituent notre corpus, et notamment les aspects concernant tout d’abord l’organisation du tour de parole, puis la sélection du «successeur» qui peut être effectuée par l’animateur ou par les débatteurs, et enfin, les phénomènes de chevauchement et d’interruption dans le contexte radiophonique. Nous allons toutefois résumer les travaux sur les tours de parole de la conversation ordinaire, afin d’être en mesure de comparer ces tours de parole avec ceux des interactions de notre corpus.