2. Le tours de parole dans le débat radiophonique

2.1. Le schéma d’interlocution

L’émission «Répliques» de notre corpus, est un type de débat radiophonique dont le cadre participatif est plus complexe que celui de la conversation dyadique dans la mesure où il est constitué de trois acteurs (l’animateur et deux invités). Ces trois participants n’ont pas, comme nous l’avons mentionné dans le deuxième chapitre, le même statut dans le déroulement de l’interaction, au niveau du schéma interlocutif et interactionnel. Il s’agit à la fois d’une sélection de l’allocutaire et d’une dissymétrie de rôle entre participants. Le rôle interactionnel des trois participants est plus stable que leur rôle interlocutif, dans la mesure où celui-ci se modifie sans cesse au cours du développement de l’interaction. Ainsi, l’animateur est dominant dans la mesure où il dirige le débat à travers le contrôle de l’alternance des tours et l’orientation du contenu du débat, et ce sont par contre les deux invités qui sont dominants au niveau du contenu de la discussion, puisque ces deux débatteurs présentent à titre d’expert leur opinion sur le problème débattu et qu’ils occupent donc, à cet égard, le terrain.

En ce qui concerne l’alternance des tours de parole dans l’interaction triadique, leur configuration se caractérise par le format de réception qui est, dit Kerbrat-Orecchioni (1990 : 90), tout à la fois flou dans la distinction entre destinataires directs et indirects, et fluctuant dans le rôle interlocutif, modifiable au cours du déroulement de l’interaction. Il s’agit ici du statut des destinataires indirects qui sont considérés comme ’tiers’ ou ’témoin’, ou comme destinataire direct en cas de «trope communicationnel». Les tours du débat radiophonique ont une configuration moins imprévisible que ceux de la conversation ordinaire, dans la mesure où ils sont largement fonction du rôle interactionnel asymétrique entre participants. D’où les schémas d’interlocution propres à ce type d’interaction avec rôle préétabli de l’animateur. Toutefois, malgré la présence de ce dernier, la configuration des tours n’est pas toujours clairement identifiable.

Le débat à la radio se présente comme «une succession de modules» au sens de Vion (1992). Il se caractérise par le cadre participatif double qui consiste en module d’interview et module de discussion. On passe d’un module à l’autre tout au long de déroulement de l’intervention. On peut admettre avec Kerbrat-Orecchioni (1990 : 118) que «le débat tient donc à la fois de la discussion et de l’interview». Ainsi, la configuration de l’alternance des tours de parole dans ce type d’interaction correspond aux systèmes propres à l’interview et à la discussion qui est, toujours selon Kerbrat-Orecchioni, considérée «comme un cas particulier de conversation, dans la mesure où elle observe fondamentalement les mêmes règles que la conversation ordinaire». La configuration des tours de parole est donc étroitement liée au phénomène de la sélection de l’allocutaire dans chaque module.