4.3.3. L’interruption conflictuelle

Les interruptions produites, surtout entre les invités, ont un caractère plus ou moins conflictuel ou compétitif par rapport au contenu du tour précédent. Parmi ceux-ci, l’acte de désaccord, sur lequel nous nous pencherons dans le chapitre suivant, est très fréquent dans notre corpus. Ainsi il entraîne souvent l’interruption conflictuelle dont le spectre s’étend des rectifications ou commentaires jusqu’aux désaccords radicaux.

Il arrive souvent que les participants au débat entament l’interruption en émettant des régulateurs et qu’ils commencent à un moment donné l’intervention chargée de l’évaluation négative. A la différence de l’interruption confirmative de l’animateur ou du cas de chevauchement produit à la fin du tour, l’interruption conflictuelle est suivie souvent par le ’milieu-chevauchement’ délibéré ou concurrentiel. D’autre part, le locuteur interrompu ne cède pas le tour à son partenaire et il essaye de le garder jusqu’au dernier moment. On assiste donc à une petite ’guerre du crachoir’ qui donne lieu à une négociation entre eux. La situation conflictuelle finit par l’intervention de l’animateur :

(1) (Répliques 7 : 043-047)

Dans l’extrait ci-dessus, le débatteur (Debré) en 044 se sélectionne comme le locuteur suivant en interrompant le tour de l’autre débatteur (Chrétien) qui n’est pas encore arrivé à la place transitionnelle. Mais M. Chrétien refuse de se laisser faire et effectue la négociation sur le mode explicite (’je termine je termine Monsieur’) en demandant à son partenaire (Debré) d’attendre qu’il termine, mais en vain. Il s’agit d’un échec de négociation sur les tours de parole entre ces deux débatteurs, mais c’est un cas où l’interruption réussit, puisque le débatteur (Debré) prend la parole grâce à l’intercession de l’animateur. Il existe pourtant des cas où l’interruption conflictuelle finit par échouer et ne donne pas lieu à la prise de parole. Ainsi, dans l’exemple (2), le débatteur (Debré) essaie en 226 de prendre la parole en interrompant le tour de son partenaire avec un chevauchement concurrentiel. Et cette tentative d’occupation du terrain échoue complètement du fait de la résistance de son partenaire (Chrétien).

(2) (Répliques 7 : 225-231)

Avant de terminer avec les interruptions, nous voudrions faire une remarque sur leur fonctionnement. Bien qu’il soit vrai que les interruptions sont plus ou moins menaçantes dans la conversation ordinaire, et qu’elles soient considérées comme une violation du système des tours de parole, il est difficile de dire qu’elles sont un produit inutile. Il est incontestable qu’elles jouent un rôle dans l’alternance de tours et des locuteurs, même dans le cas où les deux débatteurs sont en compétition pour occuper la parole. En ce sens, il nous semble qu’elles sont un moyen essentiel pour réguler la répartition de la parole, surtout dans le cas de l’auto-sélection.