CHAPITRE 6
Les formes de désaccord

1. Remarques préliminaires

Les réactions à un acte de langage initiatif ne sont pas toutes de même nature dans l’interaction verbale. Leurs différents types ont, note Levinson (1983), les propriétés différentes d’un enchaînement préféré ou non préféré. Dans le contexte de débat, les assertions sont monnaie courante et sont suivies de réactions d’accord ou de désaccord. L’observation structurale dans le domaine de l’analyse conversationnelle montre, à partir des conversations ordinaires, que l’acte d’accord possède les propriétés formelles de l’enchaînement préféré, alors que l’acte de désaccord est non préféré et son enchaînement est relativement complexe. Certains auteurs85 font l’observation inverse que l’acte de désaccord est préféré dans le contexte de débat où il se produit souvent avec les propriétés de l’organisation préférée des échanges. Il nous semble difficile de considérer la réaction de désaccord comme une action préférée dans le contexte de débat, même si sa fréquence est remarquablement élevée, notamment par rapport à la conversation ordinaire. La raison en est que l’acte de désaccord produit dans ce contexte est sous le contrôle de la même norme sociale que la conversation ordinaire, et la fréquence des actes de désaccord peut donc être considérée comme un phénomène contextuel et la souplesse de cette norme sociale.

Il convient ainsi d’examiner les formes de désaccord à partir de notre corpus, et de classer certains types qui se produisent dans les tours de parole. Les typologies de désaccords peuvent être établies selon divers critères : dans ce travail nous allons essayer de les classifier dans une perspective ternaire, reposant sur l’absence ou la présence de marqueurs langagiers identifiables qui adoucissent ou durcissent la force menaçante du désaccord : désaccord adouci, désaccord durci, et désaccord ni adouci ni durci. Il convient d’examiner également la corrélation entre ces trois formes de désaccord et les trois types de politesse (’polie’, ’apolie’, et ’impolie’) proposés par R. Lakoff (1989).

Notes
85.

Sur cette perspective de la notion de ’préférence’, voir :

- J. Bilmes, ’The concept of preference in conversation analysis’, in Language in society, 1988, n° 17, pp. 161-181.

- H. Kotthoff, ’Disagreement and concession in disputes : On the context sensitivity of preference structures’, in Language in Society, 1993, n°22-2, pp. 193-216.