3. Accord

3.1. L’expression de l’accord

Le débat radiophonique se caractérise par la confrontation entre les participants d’opinions opposées sur son principal sujet. Mais cela ne signifie pas qu’il est impossible d’observer des échanges verbaux qui comportent des accords au cours de l’interaction. Il s’agit ici d’accords ponctuels qui surgissent dans l’argumentation des participants au débat. Ils peuvent s’exprimer soit à travers un ensemble de régulateurs ou de commentaires marqués par l’approbation, soit à travers une mimique gestuelle. Le fait qu’on soit d’accord avec quelqu’un dans une conversation implique qu’on partage l’opinion du partenaire. La mise au point de l’accord avec le précédent tour (assertion ou évaluation) est souvent établie en coréen par l’expression explicite ou directe de l’accord (ex. dongkam ipnida (’je suis du même avis’), dongûi hapnida (’je suis d’accord’), massûpnida (’vous avez raison’), olûshin malssûm ijyo (’vous avez raison’), etc.). Dans ce cas, l’accord se présente comme une réaction qui valorise la face positive. Ces expressions d’accord sont aussi renforcées par certains intensifs adverbiaux :

(1) (Tolon 1 : 158)

  • 158 Hwang : ye jô-do jikûm Kim kyosu-nim jijok-e maliyo,

  • oui moi aussi maintenant Kim professeur-SD remarque-à

  • jônjôk-ûlo dongûi-lûl hap-nida.

  • tout à fait accord-SA faire-TD

  • (TD : terminaison conclusive déclarative ; SA : suffixe de cas accusatif ; SD : suffixe déférentiel)

  • Traduction

  • 158 Hwang : oui moi je suis tout à fait d’accord avec la remarque du professeur Kim. (...)

Dans l’exemple ci-dessus, le locuteur (Hwang) exprime en 158 son accord renforcé non seulement par l’adverbial (’jônjôkûlo’), mais aussi par l’enchaînement immédiat de son tour à la place transitionnelle, en se plaçant lui-même comme locuteur suivant. Il s’agit donc d’une forme d’accord très forte. Ce type d’accord qui acquiesce totalement à l’argument posé dans le tour du débatteur, tend à la fermeture des échanges concernant le sujet en question. Il permet donc à l’animateur de lancer un nouveau thème. En outre, lorsque l’accord se compose d’un acquiescement accompagné d’une forme marquée d’approbation, tant au locuteur qu’au contenu de l’argument, celui-ci peut également être renforcé par l’adverbial, comme le montre l’exemple (2), extrait de l’émission «Tolon Madang». L’animateur (Park) pose au député Yu une question sur le fait que certains politiciens coréens pensent le poste de maire de Séoul comme une tête de pont pour poser leur candidature à l’élection présidentielle. M. Yu manifeste son accord explicite :

(2) (Tolon 4 : 094)

  • 094 Yu : ah jôdo mwô dongkam-ipnida. Kûkôs-ûn jôldê kûlêsôûn

  • ah moi aussi mwô même avis-être TD cela-SN absolument comme cela

  • an doenda-ko sêngkakhap-nida.

  • ne pas devoir-TS penser-TD

  • (TD : terminaison conclusive déclarative ; TS : terminaison de subordination ; SN : suffixe de cas nominatif)

  • Traduction

  • 094 Yu : ah moi je suis euh du même avis. Je pense qu’il ne faut absolument pas faire cela (ou ainsi).

L’approbation de M. Yu s’exprime par dongkamipnida (’être du même avis’). Il conforte son accord et l’aspect personnel de cette opinion en ayant recours à l’adverbe jôldê (’absolument’).

L’accord se produit d’une façon générale par la référence à l’argument de l’interlocuteur, c’est-à-dire qu’il est exprimé par certaines expressions qui comportent une particule anaphorique, telles que kûlôhjiyo, kûlôhssûpnida, kûlôhkessjyo, qui correspondent au terme français ’c’est ça’. C’est le cas notamment de l’exemple (3), extrait de l’émission «Jipjung Tolon», où les participants débattent sur la privatisation de l’entreprise Hankuk Jônlyôk (’Electricité de Corée’). L’animateur (Sông) remarque d’abord que lorsqu’on tient compte du sens de la réforme des jêbôl (’un groupe d’entreprises’), aucun de ces groupes ne pourra prendre une des parties d’Electricité de Corée, même s’il a beaucoup d’argent. Shin donne immédiatement son accord, en utilisant le terme anaphorique ’kûlôhjiyo’ qui exprime l’approbation avec l’animateur.

(3) (Jipjug 10 : 211-212)

  • 211 Sông : ô jikûm jêbôl kêhyôk-ûi banghyang-ûlo bol-ttê, uli jêbôl-dûl-i

  • euh maintenant jêbôl réforme-de direction-SF voir-quand notre jêbôl-MP-SN

  • amuli don-i manta hadûlêdo hankukjônlyôk-ûl ilôhke

  • si argent-SN beaucoup même si Electricité de Corée-SA comme cela

  • nanun kôk sal su ôpnûn kûlôn //kû [andûlim]

  • divisé chose acheter pouvoir ne pas tel kû [inaudible]

  • → 212 Shin : //kûlôhjiyo jôngbu

  • c’est ça gouvernement

  • jôngtchêk-kwa-do banghyang-do jôm mosundoe-ko, (...)

  • politique-avec-aussi direction-aussi un peu contradictoire-et

  • (SA : suffixe de cas accusatif ; SF : suffixe fonctionnel spécial ; SN : suffixe de cas nominatif ; MP : marque du pluriel des noms)

  • Traduction

  • 211 Sông : euh maintenant au moment de rendre compte de la direction de la réforme du groupe des entreprises, bien qu’il ait beaucoup d’argent, ce serait difficile qu’il puisse acheter une partie de l’Electricité de Corée divisée comme cela //euh [inaudible]

  • → 212 Shin : //c’est ça, c’est contradictoire avec la politique du gouvernement et sa direction,

Dans l’exemple ci-dessus, le débatteur (Shin) commence son tour en 212 avant que le tour de l’animateur (Sông) arrive à la place transitionnelle, en effectuant un chevauchement. M. Shin prend la parole à l’animateur au moment où celui-ci hésite un peu au milieu de son énoncé. Il s’agit d’un type d’interruption qui ne repose pas sur l’anticipation erronée d’une place transitionnelle possible, mais il apparaît plutôt qu’elle est délibérée. Cette intention est orientée vers la coopération avec l’animateur (Sông), dans la mesure où elle est liée à l’expression suivante de l’accord kûlôhjiyo (’c’est ça’) qui est une forme polie ayant le suffixe terminal honorifique (-ji- et -yo-), dérivé du neutre «kûlohta» (’c’est ça’). Enfin, Shin exprime l’accord avec l’animateur, mais il paraphrase également, d’une façon réitérative, sa propre opinion proposée dans le tour précédent.