4.2. Les marqueurs discursifs d’opposition

4.2.1. Remarques préliminaires

Bien des études ont été faites, dans le domaine pragmatique, sur les morphèmes qui établissent un lien entre deux propositions, soit en terme de ’connecteurs’133 en France, soit en terme de ’marqueurs discursifs’ aux Etats-Unis. Schiffrin (1987 : 31 et 41) définit les marqueurs discursifs comme «sequentially dependent elements which bracket units of talk», et «verbal devices which provide contextual coordinates for ongoing talk». Pour elle, ces marqueurs se caractérisent par le détachement syntaxique d’une phrase, leur position initiale dans l’énoncé, le contournement prosodique, et le fonctionnement au niveau du discours local et global134.

Roulet et l’équipe de Genève (1985) distinguent les connecteurs interactifs par leurs propriétés syntaxiques et par leurs propriétés pragmatiques. D’abord, à la suite des propriétés syntaxiques, ils divisent les connecteurs en trois catégories syntaxiques : (a) conjonction de coordination (mais, or, car, etc.), (b) conjonction de subordination (parce que, puisque, quoique, bien que, etc.), (c) adverbes (effectivement, finalement, en effet, au fond, etc.). Pour les connecteurs interactifs, ils les distinguent en quatre catégories de propriétés pragmatiques : connecteurs argumentatifs, connecteurs consécutifs, connecteurs contre-argumentatifs, et connecteurs réévaluatifs.

Parmi ces catégories générales, une retient tout spécialement notre attention : ce sont les connecteurs qui signalent une relation de contradiction sémantique ou/et pragmatique existant entre les propositions. Il s’agit de «marqueurs adversatifs» ou «marqueurs d’opposition» qui indiquent que l’énoncé à venir est une opinion discordante et oppositionnelle par rapport à ce que le précédent locuteur a dit. Il convient d’examiner, dans le corpus coréen, les catégories de ces marqueurs qui surgissent aux tours de parole de désaccord : en début de tours et dans le format «accord + désaccord».

Les marqueurs discursifs d’opposition
Connecteurs Au début du tour Dans l’accord+désaccord
Ani 19 tours (43%)
kûlônde ou kûnde 16 tours (36%) 6 tours (27%)
Ani kûlônde ou kûnde 4 tours (9%)
Kûlôhjiman ou hajiman 2 tours (5%) 4 tours (18%)
Kûlôna 6 tours (27%)
ye kûlôna 2 tours (5%)
- daman 3 tours (14%)
- nûnde 2 tours (9%)
- jiman 1 tour (5%)
kûlsseyo (marque d’hésitation) 1 tour (2%)
Total 44 tours (100%) 22 tours (100%)

En ce qui concerne les marqueurs d’opposition, ceux qui sont le plus souvent utilisés au début des tours de désaccord sont ani (’non’), kûlônde (ou kûnde) (’mais’), et kûlohjiman (ou hajiman) (’mais’). Les marqueurs le plus souvent observés dans le format d’«accord + désaccord» sont aussi kûlônde (ou kûnde), kûlôna (’mais’), et kûlôhjiman (ou hajiman). Dans notre corpus, ces trois types de connecteurs sont présents dans 53 tours de parole (80%) sur le nombre total de 66 tours dans lesquels les interlocuteurs marquent leur opposition à l’opinion de leur partenaire en utilisant des connecteurs, dont kûlônde (ou kûnde) est trouvé dans 22 tours (42%) ; ani, dans 19 tours (36%) ; kûlôna, dans 6 tours (11%) ; kûlôhjiman (ou hajiman), dans 6 (11%).

Notes
133.

Sur les connecteurs pragmatiques, voir les travaux de l’école de Genève : Roulet (1985), Moeschler, Auchlin, etc.

134.

D. Schiffrin, Discourse markers, Cambridge, C.U.P., 1987, p. 328.