CHAPITRE 9
Les formes de désaccords

1. Remarques préliminaires

Ce chapitre a pour but d’examiner les formes de désaccords à partir des corpus enregistrés dans des émissions de radio, et de classer selon une typologie celles qui se produisent dans les tours de parole. Les typologies de désaccords revêtent des configurations variables selon les critères retenus. Dans le modèle de Brown et Levinson (1987), lorsque le locuteur accomplit un acte de langage qui comprend des FTAs, il peut produire cet acte ouvertement (’on record’) ou non ouvertement (’off record’). Si l’acte en question se produit ouvertement, il peut se réaliser avec ou sans action réparatrice. Cette dernière catégorie (ouvertement + sans action réparatrice) peut se diviser encore une fois, dans notre corpus, en deux formes d’expression des désaccords : l’une qui est simplement directe, et l’autre, non seulement directe, mais aussi durcie par les marqueurs verbaux. Ce travail vise donc à dégager une typologie des désaccords d’un point de vue ternaire. Nous établirons trois catégories générales basées sur l’absence ou la présence de marqueurs langagiers identifiables qui adoucissent ou durcissent la force menaçante du désaccord : désaccord adouci, désaccord durci, et désaccord ni adouci ni durci. Quand nous parlerons des procédés d’atténuation ou de renforcement des FTAs, nous prendrons en compte essentiellement les marqueurs verbaux, bien qu’il faille admettre que le marqueur para-verbal est plus efficace dans une situation orale telle que le débat.

En ce qui concerne le rapport entre ces trois types de désaccords et les trois types de politesse (’polie’, ’apolie’, et ’impolie’) au sens de R. Lakoff (1989), il nous semble que le désaccord adouci peut être considéré comme poli, dans la mesure où il est accompagné de divers procédés d’atténuation, et de certains types de marqueurs verbaux qui permettent d’atténuer la force de désaccord menaçante pour la face positive du partenaire. En ce sens, il est conforme à la règle de politesse.

Le désaccord ni adouci ni durci n’est pas poli, dans la mesure où son caractère menaçant n’est pas atténué, mais il reste encore explicite et direct. Pour autant, il ne serait pas non plus impoli, car bien que non conforme à la règle de politesse, il est attendu dans le contexte de débat. Il est donc considéré comme apoli.

Le désaccord durci, quant à lui, ne nous semble pas correspondre toujours au type impoli. En effet, un acte renforcé par des durcisseurs et qui ne respecte pas la règle de politesse, peut souvent être lié au comportement impoli mais il peut aussi prendre en considération une variable contextuelle attendue dans un type d’interaction particulier. En effet, à la suite du système d’attente, certains désaccords durcis peuvent être impolis ou apolis, bien que leur force illocutoire soit renforcée. Ainsi, dans le contexte du débat, étant donné que l’attente sur le désaccord est plus élevée que dans la conversation ordinaire, nombreux sont les désaccords durcis qui peuvent être considérés comme apolis, ce qui revient à dire qu’en contrepartie, la catégorie impolie s’en trouve diminuée.