Le désaccord direct se réalise par les marqueurs discursifs d’opposition (’ani’ ou ’kûnde’) sans avoir le morphème de négation dans le tour en question. (1) en est l’exemple, extrait de l’émission, «Jipjung tolon», sur l’intégration des assurances maladie :
(1) (Jipjung 7 : 033-034)
033 Yun : (...),bohôm sôbisû-ka sangdanghi ôngmang-iôssda, ilôhke
assurance service-SN très mauvaise-être, comme cela
bokoissûp-nida. //kajang kibonjôkin tchulbaljôm-ûn
regarder-TD le plus fondamental point de départ-SN
→ 034 Tchoe : //ani kû je jilmun-ûn minjunotchong-eso
non euh ma question syndicat ’minju’-SA
boko kye-shi-nûn kidûkkwôn tchûngilanûn kôs-ûn ôttôn tchûng-ûl
regarder-SD-SN droit acquis classe chose-SN quelle classe-SA
yekil hako kyeship-nikka
parole faire-TQ
(TD : terminaison conclusive déclarative ; TQ : terminaison conclusive interrogative ; SA : suffixe de cas accusatif ; SN : suffixe de cas nominatif)
Traduction
033 Yun : (...), le service de l’assurance maladie n’était pas très bon, c’est ainsi que je le considère comme cela. //le point de départ le plus fondamental
→ 034 Tchoe : //non ma question c’est quelle classe est considérée comme celle qui a des droits acquis selon votre syndicat ?
Dans l’extrait ci-dessus, le débatteur (M. Yun) répond en 033 à la question de l’animateur (M. Tchoe) sur ce à quoi renvoie la classe qui a des droits acquis selon lui. Comme il n’apporte pas l’information souhaitée, l’animateur (Tchoe) tente en 034 d’interrompre le tour de son interlocuteur (Yun), en ayant recours à ce marqueur d’opposition (’ani’)141, et de relancer de nouveau la question : ani je jilmun-ûn (’non ma question’). Cet énoncé en début de tour implique que Tchoe a déjà posé cette question dans le tour précédent, et qu’il la reformule encore une fois dans le tour en cours. C’est la raison pour laquelle cette partie initiale de son tour peut être considérée comme un type de désaccord métadiscursif. Le refus du tour de Yun, introduit par ’ani’ ne porte pas sur le contenu lui-même de la réponse de Yun, mais sur la pertinence de cette réponse. Autrement dit, le débatteur (Yun) ne respecte pas le principe conversationnel de la maxime de «relation» au sens de Grice. L’animateur intervient pour éviter la déviation du sujet de conversation qu’il avait proposé, en employant le marqueur d’opposition (’ani’). Etant donné que ce marqueur nie le précédent tour du partenaire, il indique que le tour de Tchoe repose tout d’abord sur le désaccord avec la réponse de M. Yun. Ce désaccord ne porte pourtant pas sur la vérité ou la fausseté de la réponse, mais sur la non pertinence de la réponse, dans la mesure où la contribution conversationnelle de M. Yun ne contient pas l’information qui correspond à ce qui est demandé par la question de l’animateur.
Examinons le cas de désaccord direct qui peut se caractériser dans la séquence de discussion par l’usage mutuel de marqueurs d’opposition. L’exemple (2) en est une illustration ; il est extrait de l’émission «Jipjung Tolon» où deux débatteurs (Yun et Kim) débattent sur le problème de la gestion des sources d’eau minérale :
(2) (Jipjung 6 : 162-165)
162 Kim : kûlom yaksut’ô-nûn jikûm ôtsêt’ûn munje-ka doenûn yaksut’ô-nûn
alors source-SN présent en tout cas problème-SN être source-SN
hana-do ôpsda ilôhke malssûmha-shinûn kôyeyo, je-ka
un seul-même n’être pas comme cela paroler-SD je-SN
kûlôhke //ihêha-myôn doenûn kôyeyo.
comme cela comprendre-si être juste
163 Yun : //ani munje-ka doel siki-do issko, munje-ka doenûn
non problème-SN devenir période-aussi être problème-SN devenir
sijôm-i issnûn kôjiyo, kûlônikka kômsa-ka sangdandhi jungyohan
moment SN être donc examen-SN énormément important
kôpnida. i yaksut’ô //[andûllim]
être-TD cette source
164 Kim : //kûnde ¼ bunki-e hanbôn ssik kômsa-lûl hajanhayo
mais trimestre-à une fois chaque examen-SA faire
165 Yun : kûlohjiyo bunki byôl-lo 1 hoe hajiyo.
c’est ça trimestre chaque-SF une fois faire
(TD : terminaison conclusive déclarative ; SA : suffixe de cas accusatif ; SD ; suffixe déférentiel ; SF : suffixe fonctionnel spécial ; SN : suffixe de cas nominatif)
Traduction
162 Kim : alors les sources d’eau minérale jusqu’à présent en tout cas vous dites ceci : il n’y a pas une seule source d’eau minérale qui pose problème,
ça vous va bien //si je comprends comme cela
163 Yun : //non il y a une période qui pose problème, et il y a un moment qui pose problème, donc c’est très important, l’examen.
Cette source d’eau minérale //[inaudible]
164 Kim : //mais vous examinez [la qualité de l’eau minérale] une seule fois par trimestre.
165 Yun : c’est ça on le fait une fois par trimestre.
Dans l’exemple (2) ci-dessus, le désaccord est marqué par ’ani’ (’non’) dans le tour de Yun en 163 et par ’kûnde’ (’mais’) dans celui de Kim en 164. Ici, ces marqueurs d’opposition jouent un rôle essentiel : celui de permettre aux interlocuteurs de reconnaître le tour en question comme un désaccord. En 162, le débatteur (Kim) demande la confirmation de ce qu’il a compris en concrétisant l’argument de son partenaire sous forme de reformulation interrogative et en mettant l’accent sur le mot hana-do (’même une seule (source)’). Son tour apparaît donc comme une sorte de confirmation à piège qui a un accent négatif. Le débatteur (Yun) interrompt en 163 le tour de Kim avec le marqueur d’opposition (’ani’) qui indique son désaccord avec la proposition précédente. Il renverse le point essentiel de l’argument que son partenaire a avancé au moyen de ’hana-do’, réduisant le problème à une question de siki (’période’) et de sijôm (’moment’). En revanche, le débatteur (Kim) interrompt en 164 le tour de Yun avec ’kûnde’ qui indique une relation contradictoire entre les mots de Yun : kûlônikka kômsa-ka sangdandhi jungyohan kôpnida (’donc c’est très important, l’examen’), et ses propres mots : ¼ bunki-e hanbôn ssik kômsa-lûl hajanhayo (’vous examinez [la qualité d’eau minérale] une seule fois par trimestre’). Le terme ’kûnde’ qui est introduit au début du tour de Kim permet à Yun d’interpréter l’argument de Kim comme un reproche sur le fait qu’il n’examine la qualité de l’eau minérale qu’une seule fois par trimestre, bien qu’il affirme qu’il est important de l’examiner.
Dans ce cas, ’ani’ se produit une seule fois, mais on voit dans une autre situation de discussion que les interlocuteurs tentent de prendre la parole en répétant ’ani’ à plusieurs reprises (’ani ani ani’).