REPLIQUES 2 (08/11/97) : ’les femmes les hommes et la représentation politique’

  • F : Alain Finkielkraut, Animateur

  • P : Evelyne Pisier

  • D : Francine Demichel

  • 001 F : Le bilan du 20e siècle est lourd et même terrible si l’on peut mettre une chose cependant à son actif c’est la spectaculaire émancipation des femmes. Certes cette émancipation ne part pas de rien en Europe en général et en France en particulier le métissage des sexes ou des genres, comme on dit aujourd’hui est une tradition. Young, Taine, hier, et aujourd’hui Marc Fumaroli et Mona Osouf en ont admirablement parlé. Mais cette tradition plus amène qu’on ne le dit comportait nombre de citadelles masculines et celles-ci ont survécu à toutes les révolutions, comme le rappellent F. Baret-Ducrot et Evelyne Pisier dans leur livre ’Femmes en tête’. Avant 1965, les femmes n’avaient pas le droit d’exercer une activité professionnelle, ni d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari. Depuis la dynamique de l’égalité a fait son oeuvre, mais pas tout à fait cependant, il reste des bastions difficiles à prendre comme le monde de la représentation politique. La faible proportion des femmes dans les assemblées est une bizarrerie de nos temps égalitaires. Nous nous interrogeons avec Evelyne Pisier et Francine Demichel qui sont toutes deux professeurs de droit public, sur les moyens de remédier à cet anachronisme et de faire en sorte que les femmes se retrouvent un jour aussi nombreuses que les hommes dans les instances des partis politiques, sur les listes électorales, sur les bancs des assemblées nationale et européenne, dans les mairies, dans les conseils régionaux et au gouvernement. Mais un mot d’abord sur les causes du phénomène, le machisme, le sexisme, la persistance des stéréotypes misogynes suffisent-ils à expliquer le fait qu’il y ait si peu de femmes maires, sénateurs, ou députés Evelyne Pisier

  • 002 P : euh, les les causes que vous venez d’énoncer m’apparaissent déjà de toute façon d’une importance telle qu’on ne peut pas les contourner. Je crois qu’on ne peut pas ne pas rappeler que depuis le fond des âges, la différence entre les sexes euh, fonctionne comme une hiérarchie et que euh, au fond, euh, depuis toujours, euh quand on dit que les hommes et les femmes ne sont pas semblables immédiatement on dit que les femmes sont inférieures. Françoise Héritier a admirablement rendu compte de ce phénomène et a montré comment ça fonctionne depuis le fond des âges encore une fois, comme un invariant. Alors le problème c’est que, normalement la modernité ce qu’on appelle la modernité politique qui crée l’idée démocratique aurait pu changer les choses. Or, non seulement elle ne change rien, mais elle apporte, elle apporte une contradiction épouvantable à son propre système puisqu’au fond tous les philosophes de la modernité décident que pour les femmes il n’y a pas d’arraché d’arrachement à la nature, et donc qu’il n’y a pas d’accès à la citoyenneté puisqu’il n’y a pas de possibilité notamment d’acquérir les lumières pour Kant et Rousseau, s’arracher à la nature c’est acquérir les lumières //ben pas

  • 003 F : //pas tous les philosophes parce

  • que Condorcet,/ //c’est une brillante exception quand même

  • 004 P : /oui oui //pas tous les philosophes

  • 005 P : et voilà et comme vous le dites [rire] c’est une exception, malheureusement chaque fois dans ce cas-là c’est une exception, mais enfin ça fonctionne bien comme un invariant et il me semble que l’invariant est reproduit dans la modernité politique. Le résultat c’est que les femmes sont exclues de la sphère publique, exclues de la cité, puisque on leur refuse immédiatement le droit de vote mais que ça ne suffit pas et que contrairement à ce que, à ce que l’on dit parfois, dans le privé, elles ne règnent pas à l’intérieur de ce que l’on appelle le privé, elles sont assignées elles ont un chef, qui est le chef de famille et auquel elles doivent obéissance, et on aurait pu penser que le fait qu’elles procréent ce qui apparut si important au 19e siècle puisque tout au long du 19e siècle on chante les vertus de la mère et de la maternité, on aurait pu penser que ça allait changer quelque chose. Pas du tout, pas du tout pendant très longtemps le stéréotype continue à fonctionner dans l’imaginaire, la procréation est une fonction passive, la femme n’a pas de semence active et n’ayant pas de semence active elle est absolument incapable de créer, d’avoir une idée créative et vous retrouvez les conséquences de cette, de cette idiotie si je puis dire [rire] aussi bien dans le fonctionnement du système méritocratique, dans l’accès au savoir certifié qui a fait quand même le bonheur de la République, que, au fond dans la création culturelle ou même on en reparlera tout à l’heure, dans l’art politique car il s’agit bien d’un art et donc d’un artifice, Alors aujourd’hui, aujourd’hui tout va mieux parce que après une longue lutte les femmes ont arraché le droit de vote, ça on le sait en 45 mais que surtout à mon sens c’est, c’est, c’est ce qu’apporte notre livre ’Femmes en tête’ elles ont fini d’arracher le droit au savoir, et le droit à accéder à cette espèce de méritocratie mise en place par la République

  • 006 F : autrement dit elles ont arraché le droit à l’arrachement, //on pourrait dire...

  • 007 P : //elles ont arraché exactement, elles ont arraché le droit à l’arrachement. Le problème c’est qu’elles l’ont arraché en principe mais d’abord, vous l’avez rappelé, les dates sont absolument indécentes tellement elles sont récentes, quand vous avez cité les les dates les plus importantes qui sont en effet les dates de ce statut privé hein, que la femme encore [rire] euh, en 19 //65 est obligée de demander

  • 008 F : //65

  • 009 P : l’autorisation, la femme mariée de demander l’autorisation mais n’oubliez pas que dans l’ordre du savoir, la mixité ne se généralise qu’à partir des années, des années 63-64 dans les établissements scolaires, moi je fais partie d’une génération qui a connu les lycées de jeunes filles, je vous assure si je disais, ce qu’il y a de formidable d’ailleurs c’est un bon espoir c’est qu’aujourd’hui les, la génération actuelle ne se souvient absolument pas que c’est aussi récent, et vous leur diriez, moi je sais j’ai des filles, je leur dirais tu vas dans un collège de fille et pas dans un collège mixte elles se demanderaient si ce qui m’est tombé ce qui me tombe sur la tête. Idem pour la contraception, le droit à l’avortement etc., etc. euh, d’où ce sont des libertés extrêmement récentes, conquises très récemment ce qui peut quand même expliquer il faut bien le dire les poches de résistances. Mais c’est pas ce ne sont pas les seules raisons, oui la misogynie est encore très forte et elle se manifeste notamment dans les failles du système méritocratique républicain, pourquoi ? Parce qu’on dit que la méritocratie c’est l’accès par des concours anonymes, mais en réalité vous savez très bien qu’après le concours anonyme intervient la cooptation qui vient modifier, corriger sournoisement le système méritocratique. Dès que vous avez ce phénomène de cooptation et bien vous vous apercevez que les femmes sont écartées elles sont donc encore écartées donc par ce système de cooptation c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’imagine on y reviendra qu’elles sont massivement écartées encore du pouvoir économique /parce que c’est là

  • 010 F : /oui

  • 011 P : où véritablement la cooptation s’exerce, s’exerce en en direct. Mais elles le sont encore même dans le système universitaire ou le système de recherche en France. On croit que certaines disciplines sont entièrement féminisées c’est vrai [rire] au niveau des étudiantes qui sont parfois plus nombreuses et bien ces étudiantes plus nombreuses elles ont en face des professeurs qui sont des hommes, et ça en reste encore comme ça les chiffres sont absolument aberrants. /En lettres vous n’avez pas plus de 25% de

  • 012 F : /hm hm

  • 013 P : professeurs femmes

  • 014 F : mais ça c’est en train de changer non

  • 015 P : oui, mais bien sûr que ça change simplement c’est tout de même d’abord la cooptation intervient et puis à mon avis c’est lié à ces stéréotypes sur la procréation, la création, la transmission du savoir etc. Donc je crois que il y a un certain nombre de facteurs sur lesquels nous pouvons agir et qui n’empêchent qu’on espère tout de même.

  • 016 F : Francine Demichel, même question les causes de ce phénomène

  • 017 D : Je partage très largement les analyses d’Evelyne Pisier je, je les compléterai de la façon suivante, je crois qu’il y a un phénomène quand même spécifique français. Il y a un retard qu’on trouve dans tous les pays développés, il y a un phénomène spécifique français, qui euh, à mon avis a une pluralité de causes, qui ne sont pas faciles à déceler mais on peut essayer je crois d’en dégager trois. Nous sommes quand même dans une société où il y a une conjonction de trois phénomènes, le féminisme pour parler de lui au début, le féminisme s’est attaqué essentiellement au problème de la liberté de la procréation et donc s’est battu sur ce terrain-là, sur la liberté du corps, le corps appartient aux femmes, et a négligé, ça c’est un constat, a négligé je dirais, la prise en compte même, la prise des appareils de pouvoir et de l’appareil d’état entre autre et donc de ce côté-là il y a un retard qu’il faut essayer d’expliquer. Le deuxième, deuxième élément qui est plus idéologique mais qui est quand même lié à la situation de la France, à la culture vous parliez de philosophie tout à l’heure, à la culture et à la philosophie françaises, c’est que nous sommes dans une société marquée quand même par la culture méditerranéenne disons en gros judéo-chrétienne où il y a une place qui a été instituée pour la femme hein, vous disiez c’est vrai que la femme n’est pas maîtresse au foyer mais il y a quand même cette image qui subsiste que à l’intérieur c’est le règne de la femme, et à l’extérieur c’est le règne de l’homme et ça ça était très fortement intériorisé et même dans notre droit je ne sais pas si on aura le temps d’en discuter mais / //sur un certain nombre de points, par exemple

  • 018 F : /allez-y //alors commencez

  • 019 D : le problème des, des, des droits de succession hein, des successions, des héritages on constate qu’en France les époux n’héritent pas l’un de l’autre /et si l’on accroche

  • 020 F : /hm hm

  • 021 D : ce problème-là au problème économique, il y a des sociétés notamment les sociétés anglo-saxonnes dans lesquelles comme la femme hérite et que la femme vit plus vieille que l’homme et bien elle possède à un moment de sa vie un pouvoir économique que la femme française n’a pas, parce que, sauf marginalité elle n’hérite pas du mari. Donc il y a tout une, il y a une structure je dirais une structure juridico-politique qui, héritée de cette tradition judéo-chrétienne très très marquée en France qui fait que là, il y a un retard historique particulier de la France. Le troisième problème c’est que, les femmes ont eu accès au savoir, elles ont accès au savoir mais qu’en France il y a une imbrication spécifique du savoir et du pouvoir c’est pour ça que à un certain moment euh les femmes sont dans des professions mais dès qu’il s’agit d’accéder à des fonctions de direction que ce soient des professions privées ou publiques là il y a un blocage parce que à ce moment-là le savoir devient un pouvoir. Je vais vous donner deux exemples parce que euh, actuellement, avant que la gauche n’arrive au pouvoir en juin il y avait 17 directeurs

  • d’administration centrale à l’Education Nationale, pas une

  • femme. /C’est un exemple //parmi d’autres

  • 022 F : /hm hm

  • 023 P : //à l’Education Nationale...

  • 024 D : à L’Education Nationale, c’est-à-dire dans dans un service public qui est majoritairement féminin. Donc il y a là un phénomène qui touche à l’appareil d’Etat je crois que cette, est-ce que c’est cette réserve des femmes par rapport à l’Etat ou est-ce que c’est peut-être les deux, est-ce que c’est cette réticence des hommes à laisser les femmes participer aux appareils de direction, disons aux appareils de pouvoir au sens large que les marxistes appelaient l’appareil d’Etat, je pense qu’il y a ces deux phénomènes qui font que qu’actuellement on est dans une situation où il faut changer à mon avis les données juridiques et, et que on ne peut pas se contenter d’attendre que le temps se passe et que les femmes montent progressivement à l’assaut de //l’appareil

  • 025 F : //bien alors là, alors là, là nous en reviendrons très vite un remède changer les données juridiques, introduire ou non la parité je crois qu’il y a matière à discussion entre vous euh, une, je voudrais m’arrêter une seconde encore sur cette question des causes et je vais essayer de ne pas faire, de ne pas me faire seul seul homme ici l’avocat de la misogynie mais il y a cette opposition dont Evelyne Pisier a parlé tout à l’heure entre la femme privée et l’homme publique. Alors cette opposition elle a longtemps été vécue sur le monde hiérarchique parce que vous l’avez dit Evelyne Pisier la femme était recluse dans le foyer et en plus elle n’était pas maîtresse chez elle. Aujourd’hui les choses changent, on le voit bien, disons que, mais mais on assiste aussi à un réinvestissement de la sphère privée par les femmes autrement dit ou en tout cas au refus d’un certain nombre de femme d’abandonner complètement l’éducation de leur enfant par exemple. D’où peut-être la difficulté aussi à entrer en politique parce que le métier d’homme politique comme on disait, on dira le métier d’homme ou de femme politique, est extrêmement exigeant il demande vraiment le sacrifice de toute vie familiale on le voit aujourd’hui je ne sais pas si les hommes politiques travaillent 16 heures par jour ou 17 heures par jour, je ne suis pas pas sûr que ce soit du travail mais il y a en tout cas, ils voyagent, ils sont en représentation, ils n’ont pas de samedi, ils n’ont pas de dimanche dès lors effectivement qu’ils accèdent à des responsabilités importantes, voilà quand même une difficulté que je n’oserais pas appeler naturelle mais une difficulté réelle et qui peut expliquer le refus de certaines femmes de, de d’entrer dans ce genre de compétition parce que cette, cette compétition demande le sacrifice de quelque chose qu’elles n’ont pas nécessairement envie de sacrifier Evelyne Pisier

  • 026 P : oui bien sûr, vous avez vous avez parfaitement raison c’est une difficulté réelle mais vous rendez-vous compte de ce que vous dites. / //Quand un homme politique,

  • 027 F : /[soupir] //mais non

  • 028 P : quand un homme politique euh, admirable, travaille, voyage à l’étranger etc., personne ne lui fait le reproche de sacrifier la vie familiale //alors

  • 029 F : //mais moi je ne reproche

  • rien //là j’analyse les choses de l’intérieur je ne dis pas qu’il

  • 030 P : //non non non ce qui est tout à fait étonnant

  • 031 F : travaille je voulais dire

  • 032 P : non non non je ne vous en veux pas //à vous Alain Finkielkraut, je dis simplement

  • 033 D : //oui oui

  • 034 P : que cela dénote quelque chose de très important cela signifie qu’il y a encore en effet dans la tête des femmes elles-mêmes et pour cause une culpabilité immense puisqu’on leur a assigné la tâche d’élever les enfants, donc, si elles abandonnent leurs enfants elles sont de mauvaises mères, //elles sont coupables

  • 035 F : //vous pensez que cette assignation elle est purement culturelle historique qu’elle doit être dépassée quand vous dites on leur a assigné

  • 036 P : elle sera dépassée

  • 037 F : et vous pensez que c’est souhaitable

  • 038 P : elle sera dépassée dans le partage des tâches familiales et petit à petit, lentement, euh d’ailleurs c’est, c’est dans, dans notre livre certaines femmes l’expliquent avec beaucoup d’humour. Elles disent : est-ce qu’on est véritablement obligé de travailler de 8 heures du soir à 10 heures pour donner l’impression qu’on travaille alors que tout le monde sait très bien que la plupart des hommes ont besoin, sinon de faire la sieste en tout cas d’aller déjeuner, ce qu’ils appellent des déjeuners d’affaire et de ne rien faire entre midi et 3heures. Midi et 3 heures ce n’est pas gênant pour la vie familiale mais quand une femme annonce qu’elle doit partir à 7 heures 30 parce qu’elle a des enfants elle est immédiatement repérée comme absolument incapable. Pourquoi parce qu’il y a un stéréotype qui marche comme ça

  • il faut avoir //l’air de travailler...

  • 039 F : //pour vous c’est de l’air du stéréotype, /parce que c’est les enfants aussi

  • 040 P : /nous

  • 041 F : qui, /qui lui font le reproche enfin vous voyez ce que je [rire]

  • 042 P : /mais

  • 043 P : mais mais les enfants ont eux-mêmes, ont eux-mêmes tout ce qu’il faut

  • pour //intérioriser ne serait-ce que par les manuels scolaires l’heure des

  • 044 F : //intérioriser ces stéréotypes

  • 045 P : mamans /et autres...

  • 046 F : /hm hm

  • 047 F : c’est, c’est, vous //aussi serez d’accord c’est, c’est, c’est de l’ordre du stéréotype

  • 048 P : //stéréotypes

  • 049 F : cette, //cette polarité d’une femme

  • 050 D : //oui, oui, je crois que c’est incontestablement de l’ordre du stéréotype et je pense qu’il y a aussi un, un, une analyse des femmes qui se demandent en définitive si elles ont envie d’exercer le pouvoir de cette façon là. Parce que je pense que,

  • la condition /féminine était ce qu’elle est aujourd’hui, c’est-à-dire qu’elles ont double,

  • 051 F : /oui

  • 052 D : double journée de travail, elles ont la charge de la charge morale je dirais de la famille quand même. Elles n’ont peut-être pas envie massivement de laisser tout ça pour s’investir totalement, ce que font les hommes en général, parce que, quand les hommes revendiquent le pouvoir, ils l’exercent totalement c’est-à-dire c’est une fin en soi leur carrière est axée sur la conquête du pouvoir et je crois qu’il y a un aspect polymorphe je dirais de la, que vous révélez d’ailleurs dans notre ouvrage, plusieurs des femmes interrogées le disent de la, de la situation des femmes. Les femme veulent vivre une vie plurielle et il n’est pas évident que la façon dont le pouvoir est exercé //aujourd’hui et leur convienne leur permettre

  • 053 F : //ah oui quand même leur permettre

  • 054 D : leur convienne /et moi ce qui m’a beaucoup frappée dans le livre de Françoise

  • 055 F : /ah oui hm

  • 056 D : Barret-Ducrot et d’Evelyne Pisier c’est cette, cette attitude des femmes qui disent bon c’est vrai que je suis arrivée à ce que je voulais dans l’existence, mais elles parlent de hasard par exemple elles ont une vision assez //modeste //de chance, elles disent :

  • 057 P : //de chance //de chance, de chance

  • 058 D : ’j’ai eu de la chance à un moment de ma vie j’ai eu de la chance’

  • elles l’ont //[inaudible]

  • 059 F : //pensez que les hommes ne parleraient pas comme ça

  • 060 D : non je suis sûre que non, je pense que les hommes diraient euh, j’ai voulu aussi cette carrière, il y a une //une volonté

  • 061 P : //elles nous apprennent qu’elles l’ont mérité [rire]

  • 062 D : voilà je crois que /elles sont plus modestes dans leur réussite parce que elles ont,

  • 063 F : /vous croyez

  • 064 D : elles ne surinvestissent pas dans le politique je crois, /ou dans l’Etat, si vous voulez

  • 065 F : /hm hm

  • 066 D : actuellement compte tenu de ce que représente cet investissement et donc je crois qu’il y a les deux, il y a à la fois une certaine réserve des femmes en se disant peut-être que ce n’est pas fait pour moi parce que je suis pas au niveau il y a ça aussi hein, mais en même temps elles se disent après tout est-ce que le jeu en vaut la chandelle

  • 067 F : oui ça quand même on peut se poser la question.

  • 068 P : mais pourquoi ne pas rêver //que les hommes plus tard bientôt vont eux-

  • 069 F : //Evelyne Pisier

  • 070 P : mêmes être tentés par les joies de la vie plurielle (↑)

  • 071 F : oui non, mais non, mais moi j’aurais deux réponses à faire avant que nous en venions à la question de la parité d’abord il y a peut être une crise générale de la politique qui se prépare, elle a lieu aux Etats-Unis par exemple. Le métier d’homme politique est un métier de plus en plus difficile, parce que ce pouvoir si vous voulez il est très surveillé euh, il est surveillé par les juges, il est surveillé par l’opinion donc pouvoir arbitral des juges, pouvoir informel de l’opinion et de ceux qui la font. C’est un pouvoir qu’on paye très cher et il y a un certain nombre de, de gens qui de plus en plus se disent qu’il n’en vaut pas la chandelle on se souvient qu’aux Etats-Unis par exemple Mario Courmo qui était le candidat démocrate le mieux à même de justement représenter cette idéologie a refusé d’être candidat pour pas qu’on fouille dans sa vie. Donc il n’est pas sûr que nous nous n’assistions pas en France à une sorte de désinvestissement, de désertion de la politique par les élites qui préfèrent un pouvoir plus sûr et puis deuxième petite objection sur cette question de la, de la famille alors on va peut-être vers le partage des tâches mais là, je vois, je vois des acquis mais aussi des pertes c’est-à-dire que la fonction paternelle et la fonction maternelle il n’est pas mal qu’elles soient différenciées et des enfants qui auront et qui ont déjà deux mères est-ce que c’est absolument souhaitable et puis d’autre part ce qui nous vivons aujourd’hui aussi quand même, est-ce que c’est pas le prix à payer prix nécessaire pour l’émancipation des femmes, c’est une crise gigantesque de la famille et une difficulté de transmission à l’intérieur de la famille qui fait qu’on demande à l’école de remplir le rôle éducatif que la famille ne, ne disons n’investit plus, n’endosse plus n’est-ce pas si vous voulez le revers en quelque sorte de cette émancipation souhaitable, Evelyne Pisier

  • 072 P : pas du tout //pas du tout je je [rire] pas du tout d’accord avec vous et je pense

  • 073 F : //pas du tout très bien

  • 074 P : qu’une fois de plus on risque de faire payer aux femmes ou de leur mettre sur le dos ce qui se passe et qui n’a rien à voir bien sûr, bien entendu, tout est lié hein, mais dire que la crise de la famille qui est un problème très sérieux aujourd’hui est due au fait que les femmes travaillent et elles veulent veulent avoir aussi accès à une vie publique je pense que cela serait catastrophique

  • 075 F : je ne plaide pas pour le retour au foyer là, //vous le voyez bien, j’analyse je ne suis pas

  • 076 P : //non non non non non

  • 077 F : marié moi même avec une femme qui vit, qui vit à la maison, donc il s’agit

  • seulement de se poser la question, il n’y a pas //d’acquis sans pertes quoi c’est

  • 078 P : //posez vous

  • 079 F : peut-être cela qu’on peut se dire

  • 080 P : posez-vous la question euh, mais je vous assure que du côté des enfants quand vous interrogez les enfants de ces 100 femmes que nous avons interrogés aucun de ces enfants ne ne souhaiterait que leur mère rest à la maison tous sont fiers de ce modèle

  • maternel //et même et même si de temps en temps ils peuvent se plaindre parce que

  • 081 F : //ce sont des femmes en tête aussi

  • 082 P : un petit copain a vu sa maman venir à 4 heures et demis à l’école, je crois qu’ils comprennent tout de même

  • 083 D : oui moi //je ne suis pas sûre je partage tout à fait cet avis, je suis pas sûre que

  • 084 F : //Francine Demichel

  • 085 D : l’image de la femme qui travaille soit, soit une image de mauvaise mère, je crois que

  • c’est exactement le contraire //euh, hm

  • 086 F : //enfin je crois que ce n’est pas au niveau de

  • l’image //je vous dirais [inaudible]

  • 087 D : //euh non mais l’image auprès des enfants si vous voulez, je crois que

  • c’est //tout, tout

  • 088 F : //c’est une question de présence, pas une question d’image

  • 089 D : oui mais je ne crois pas que ce soit un problème quantitatif /la présence je crois que

  • 090 F : /hm hm

  • 091 D : c’est un //aspect qualitatif on peut être avec ses enfants une demi-heure par jour

  • 092 F : //c’est vrai

  • 093 D : mais y être intensément et pour eux c’est une éducation aussi forte que les femmes qui peuvent rester à la maison et après tout ne pas s’en occuper plus

  • 094 P : est-ce que...

  • 095 D : euh oui

  • 096 P : non

  • 097 F : oui Evelyne Pisier

  • 098 P : oui je voulais ajouter une chose supplémentaire qui m’a beaucoup frappée en en écrivant ce livre c’est que les filles de cette nouvelle génération celles qui ont 20 ans aujourd’hui, leurs alliés, leurs vrais alliés ce ne sont pas seulement leurs mères qui travaillent ce sont leurs pères. Il s’est passé quelque chose alors vous pouvez dire que c’est du fait de la crise de la famille justement, mais il s’est passé quelque chose dans les moeurs qui fait que les pères aujourd’hui, ne font plus de différence entre les garçons et les filles et les pères ne disent pas à leur fille /’écoute ne travaille pas //ne passe pas des concours et

  • 099 F : /ah c’est clair //ah oui bien sûr

  • 100 D : surtout fait un beau mariage’

  • 101 F : non plus personne ne //dit ça, fort heureusement, fort heureusement, bien sûr

  • 102 P : //d’abord //[inaudible]

  • 103 D : //non [inaudible]

  • 104 P : d’abord les très beaux mariages de toute façon ne durent pas, la précarité s’est installée et plus personne n’a envie de dire ça à sa fille c’est quand même quelque chose de très nouveau

  • 105 F : et oui et c’est ça c’est en effet un acquis fondamental donc peut-être maintenant peut-on aborder la question donc des remèdes à cette situation, sous-représentation des femmes, absence dans la sphère politique vous avez dit que il faut une politique assez volontariste parce que ces, ces bastions pour le moment ont quelque chose d’inexprimable alors quelle est cette politique volontariste selon vous Francine Demichel

  • 106 D : bon si vous voulez moi je je partirai d’une analyse un peu schématique mais de la représentation en France nous avons, nous fonctionnons, la démocratie fonctionne autour de la notion d’Etat-nation, un Etat-nation unitaire et le représentant participe au fonctionnement de cet Etat-nation et c’est l’histoire constitutionnelle et politique de la France a fait que on a mis l’accent beaucoup plus sur les modes de fonctionnement de cet Etat que sur les mécanismes de la représentation réelle et donc on aboutit à un système dans lequel euh il y a une représentation abstraite d’ailleurs pendant très longtemps on change un peu les termes juridiques, mais pendant très longtemps on parlait des hommes hein, pour parler du genre humain, pour parler de l’humanité. En droit quand on disait l’homme c’était l’homme et la femme donc on a, on a, on s’est construit un système juridique de façon directe ou indirecte, explicite ou implicite autour de l’idée de l’identification à l’homme mâle (..) à l’homme donc au sens sexuel du terme et cette, la masculinisation par exemple de tous les termes du droit, l’idée que la la représentation, le représentant participe à la vie démocratique sans qu’on prenne en considération s’il s’agit d’un représentant ou d’une représentante, a fait que avec le système étatique tel qu’il fonctionne, on aboutit à une représentation masculine très forte et qui ne régresse pas. Parce que ça c’est un constat qu’on est bien obligé de faire la démocratie progresse, le niveau économique progresse, le niveau culturel progresse et la représentation égale entre les hommes et les femmes ne progresse pas. Donc on est bien obligé de partir de ce constat, si les choses n’étaient pas aussi bonnes peut-être qu’il faudrait se contenter de constater qu’il y a un progrès historique. Mais je crois que on est dans un contexte qui est un contexte normatif un peu particulier de ce côté-là. En France le droit a fonctionné avec une identification au modèle masculin et je crois que si on ne rompt pas, par le concept de parité, moi personnellement

  • je suis contre les quotas et pour la parité

  • je suis //contre les quotas

  • 107 F : //parce qu’on assimile //souvent les les deux dispositifs

  • 108 D : //oui mais moi je ne les assimile pas parce que les quotas sont un problème quantitatif de proportions quantitatives et moi je considère que la parité c’est une notion fondatrice de la démocratie. Donc je n’assimile pas les deux, je considère qu’il y a alors, j’ai employé effectivement un terme que l’on m’a beaucoup reproché souvent reproché ’la photographie du corps social’ je dirais que, la représentation française a été axée trop sur les mécanismes étatiques et qu’il faut qu’elle s’axe sur les mécanismes populaires le peuple, la population, le peuple est composé de deux sexes

  • 109 F : mais vous avez dit effectivement, vous avez //écrit ’au niveau collectif une

  • 110 D : //une photographie du corps social

  • 111 F : représentation démocratique doit être une photographie //du corps social’ mais c’est

  • 112 D : //voilà

  • 113 F : là qu’on réintroduit les corps parce que /vous dites deux sexes, //mais il y a aussi des

  • 114 D : /voilà //non mais

  • 115 F : classes, //il y a aussi des

  • 116 D : //non non par corps social, j’entends le noyau du corps social c’est-à-dire les deux sexes, le fait que, dans toute population, dans toute société vous avez des hommes, des hommes et des femmes vieux ou jeunes, vous avez des gens qui sont chômeurs vous avez des gens qui travaillent, vous avez des gens qui bon, les conditions sociales sont différentes mais ce corps social

  • 117 F : c’est les hommes et les femmes

  • 118 D : voilà, il est partout composé /d’hommes et de femmes et quand vous avez, je dirais

  • 119 F : /hm hm

  • 120 D : c’est un approfondissement de la démocratie pour moi la parité parce que ça touche au corps, /à l’attribut corporel de l’individu on est sexué,/ on est sexué. Donc à partir

  • 121 F : /hm hm /voilà c’est ça

  • 122 D : du moment où on est sexué, c’est pour ça que moi je ne situe pas le problème au niveau de la différence des sexes à mon avis que les femmes fassent la politique différemment des hommes ou pas c’est pas mon problème, et je ne suis pas sûr d’ailleurs que les femmes feraient de la politique différemment des hommes. Ce qui m’importe c’est que, à partir, dans une population, dans une structure démocratique il faut représenter le peuple dans sa réalité en tant que corps social profonde qui est là,

  • le fait //qu’il y a des hommes et des femmes

  • 123 F : //mais la parité ça veut dire quoi ça veut dire autant de femmes candidates aux postes électifs, autant de femmes que d’hommes à l’Assemblée

  • Nationale //comment l’obtenir

  • 124 D : //moi moi personnellement mais là je n’engage que moi je dirais je me bats pour qui on inscrive le principe de parité dans le droit français. Ensuite les mécanismes d’application qu’on ne puisse pas immédiatement introduire la parité dans tous les types d’élection je suis complètement d’accord mais je crois qu’il y a une bataille qui est une bataille de nature euh, théorique autour de la parité et qu’ensuite les modalités d’applications peuvent être différenciées

  • 125 F : alors bataille théorique, réponses théoriques donc d’Evelyne Pisier

  • 126 P : moi je suis très, je suis très perplexe et très effrayée par cette proposition de parité. Non pas que les gens qui défendent la parité euh euh me soient soient, pour moi des ennemis, je vois très très bien en réalité pour la plupart d’entre nous qu’on soit paritaire ou anti-paritaire, on partage la même, le même but. Donc bon et qu’il y a plus de différence entre un misogyne et un un et et un un féministe que entre les féministes paritaires et anti-paritaires. Le débat vaut la peine, par ailleurs on est d’accord sur le constat c’est une, c’est vrai que c’est une catastrophe que de voir les femmes tellement à la traîne de la représentation politique. Une catastrophe pour les femmes mais une catastrophe pour la démocratie aussi on est d’accord sur le constat on est d’accord sur l’histoire mais une fois qu’on a dit ça moi l’idée de d’inscrire la parité dans la constitution me fait terriblement peur. D’abord vous dites que, jusqu’à maintenant on a tout construit et notamment le principe de représentation sur l’abstraction et c’est ça qui est bien, il faut le maintenir, il faut absolument maintenir et idéal d’abstraction parce que c’est cet idéal cet idéal qui va nous permettre et qui a permis tant de fois dans l’histoire de lutter contre l’inégalité, de lutter contre les discriminations euh, c’est parce que dans l’urne les voix sont interchangeables qu’on ne fait pas de différence entre la voix de l’ouvrier, la voix du patron qui pèserait trois fois, la voix de l’homme et la voix de la femme, la voix de que que sais-je, du juif, du noir et de tout ce qu’on peut inventer comme discrimination c’est pour ça que c’est bien. Alors que la démocratie ne soit jamais réellement satisfaisante bien sûr, mais précisément là il y a une bataille politique à mener mais elle est, elle est, elle à mon avis elle est à mener en gardant le drapeau de l’universalisme abstrait sinon on est complètement fichu. D’autres part je dirais que, il faut pas oublier que le droit euh, lorsqu’il affiche un principe de domination ou d’inégalité c’est toujours un artifice, c’est toujours une construction, c’est pas parce que les hommes et les femmes sont différents c’est-à-dire qu’anatomiquement ils sont différents, c’est pas pour ça, qu’on exclut les femmes en 1789, c’est parce que on décide de les exclure c’est-à-dire qu’en fait ce qui est intéressant dans la différence c’est le statut qu’on lui prête, c’est pas la différence réelle, c’est pas le fait que les juifs, les homosexuels, les beurs, tout ce que vous voulez seraient différent les uns des autres qui importe. C’est à un moment donné de l’histoire ce statut qu’on prête à cette différence et qui fait que on décide, on décide de les exclure. Or le statut qu’on a prêté à la différence des sexes encore une fois c’est le statut le plus discriminant depuis le fond des âges et qui fonctionne maintenant comme un invariant culturel qu’on a dans notre tête et dont on n’arrive pas à se débarrasser tellement on lui a donné un statut d’inégalité et de hiérarchie. Bon on s’est bagarré, on a lutté et quand je prends un exemple on obtient le droit de vote après la 2e guerre mondiale c’est pas en tant que femme Dieu merci, c’est en tant que femme qu’on a été exclue de la citoyenneté mais enfin enfin c’est en tant qu’individu c’est-à-dire comme n’importe qui et nos voix deviennent interchangeables dans l’urne qu’enfin après une si longue bagarre on obtient le droit de voter comme les autres et j’ajoute n’importe comment, c’est-à-dire que personne vous oblige à voter dans un sens ou dans l’autre

  • 127 F : oui oui alors justement pour suivre ce qui vient d’être dit sous forme de question Francine Demichel, vous avez dit euh, l’humanité il y a deux sexes hein, et ça il faut que le droit en tienne compte mais vous avez dit aussi que ce n’est pas pour autant que je crois en une spécificité féminine. Mais la question c’est précisément est-ce que euh, un certain naturalisme ne revient pas nécessairement au galop avec l’objectif paritaire ou l’objectif d’égalité par la parité, je me souviens du grand manifeste pour la parité qui avait été publié dans le journal l’Express il y a quelques mois où il y était dit : ’il est grand temps [face B] en effet que l’humanité est universellement sexuée, qu’elle est universellement

  • mixte, on veut en faire rentrer du féminin dans la politique et dans le

  • droit /et du masculin aussi, et à ce moment-là c’est effectivement, ce n’est pas

  • 128 P : /et du masculin

  • 129 F : simplement le mécanisme de la représentation qui change, mais peut-être aussi le concept de représentation comme si effectivement l’idée politique, l’idéologie politique, la pratique politique découlaient de l’identité. On dit aujourd’hui exclusivement l’identité sexuelle mais est-ce que là y a pas un très grand danger sinon de régression, du moins de mutation par rapport à une autre idée et de la représentation et de la pratique politique.

  • 130 D : Moi je pense //personnellement qu’elle découle de l’identité sexuée, c’est pour cela

  • 131 F : //Francine Demichel

  • 132 D : que je crois qu’il n’y a pas de commune mesure quand on dit ’on introduit des catégories sociales’ non il n’y a pas de commune mesure parce que l’individu ne nait pas de façon abstraite, l’individu on est au niveau de l’individu et pas des différences entre les sexes. Parce que parler de différence entre les sexes, c’est la femme est différente par rapport à quoi, elle est pas différente, elle est différente par rapport à l’homme donc ça veut dire qu’on identifie un modèle masculin, qu’on identifie la femme à un modèle masculin et qu’on constate que par rapport à ce modèle masculin, elle a des différences alors c’est pas un problème de différence, c’est un problème d’identité et je suis tout à fait d’accord avec vous je pense qu’il faut repartir de l’identité réelle de

  • l’individu //je suis...

  • 133 F : //alors vous êtes[rire], vous êtes, vous êtes d’accord avec la représentation que j’ai //faite de votre position

  • 134 D : //voilà non non avec l’idée qu’il faut repartir de l’identité /vous en tirez pas les

  • 135 F : /oui

  • 136 D : mêmes conclusions que moi. Mais il faut partir de l’identité et je pense que le le le le problème de la discrimination ne se pose pas, il ne s’agit pas d’un problème de discrimination parce que, on discrimine par rapport aux minorité alors ensuite on prend le statut discriminatoire par rapport à telle ou telle minorité ici, il s’agit de revenir à une identité réelle, je je suis universaliste je pense que l’universalisme a été une conquête considérable de la démocratie. Mais je crois que cet universalisme doit être approfondi même s’il reste abstrait dans toutes les autres dimensions et il n’est pas question de faire des collèges séparés, il est pas question de dire les femmes vont voter d’un côté, les hommes vont voter de l’autre, il n’est pas question de rentrer dans des catégorisations plus précises, il est question de dire l’identité réelle d’un individu elle est d’être sexuée, il n’y a aucune raison de dire les femmes sont aussi des hommes moi je ne

  • dis pas / //les hommes sont comme les femmes on a dit souvent les femmes

  • 137 F : /non mais //personne dit cela, mais attendez quelles sont, quelles sont les

  • 138 D : sont comme les hommes non elles ne sont pas comme les hommes elles sont des

  • 139 F : conséquences de cette différence

  • 140 D : femmes //les hommes sont des hommes

  • 141 F : //quelles sont les conséquences les hommes y a y à une différence des sexes quels sont les effets de cette différence des sexes dans la vie politique dans les choix politiques

  • 142 D : les effets de la différence des sexes ce n’est pas à partir du moment ou vous avez une, non pas une différence des sexes mais une dualité de sexe, vous avez une dualité de sexe il n’y a aucune raison qu’il y ait une dualité incontournable biologiquement, historiquement, socialement incontournable il n’y a aucune raison qu’on gomme le sexe dit faible qui est nécessairement, à partir du moment où cette dualité n’est pas reconnue, qui va nécessairement se situer par rapport au sexe dominant. Or nous sommes dans des sociétés où le sexe dominant est le sexe masculin et j’ai trouvé très intéressant dans l’analyse de de l’ouvrage ’Femmes en tête’ l’étude de la magistrature. J’ai constaté que la magistrature se féminise et qu’est-ce qu’on fait aussitôt on introduit on introduit des quotas, on dit, elles disent d’ailleurs, les magistrats qui sont interrogés disent ’vous savez on a en fait, dans les concours on introduit des quotas sans le dire des quotas de fait parce qu’on constate qu’il y a trop de femmes par rapport à trop d’hommes, pourquoi ? Parce qu’en réalité à partir du moment ou les femmes arrivent par rapport à un sexe qui est considéré comme dominant et qui est dominant alors à ce moment là les règles du jeu changent, voyez et c’est ça qui fait que, si juridiquement on introduit pas euh cette identité sexuée, on aura toujours une référence au sexe dominant politiquement en tout cas

  • 143 F : Evelyne Pisier

  • 144 P : je je je n’ai pas très bien compris votre votre reproche sur les quotas dans la magistrature puisque vous êtes plutôt pour, euh, dans les autres ordres mais je je là, je suis obligée de faire une parenthèse étant en ce moment au jury de l’école nationale de la magistrature je ne peux pas laisser dire qu’il y a des quotas, alors que dans la tête de certains membres du jury il y ait

  • 145 D : ils le disent hein

  • 146 P : oui ils le disent bien sûr, il y a une véritable peur de la part des femmes que, on pratique une sorte de quotas de fait dès que le //contrôle

  • 147 F : //pour pas qu’elles soient trop nombreuses, c’est ça (↑)

  • 148 P : oui pour pas qu’elles //soient trop nombreuses d’autant d’autant plus que la

  • 149 F : //pour pas qu’il y ait un monopole féminin sur la magistrature

  • 150 P : magistrature depuis quelques années pour des raisons tout à fait circonstancielles s’est réhabilitée, qu’il y a une espèce de réevalution de ce métier et que les hommes s’aperçoivent sont en train de s’apercevoir avec terreur que, que tous les magistrats sont pas des juges pour enfant et que certaines d’entre elles ont un réel pouvoir bon, mais parenthèse fermée sur la, sur //la...

  • 151 F : //mais ça ça pourrait vouloir dire qu’on a pas besoin de de la parité pour arriver à l’égalité puisque maintenant on arrive même dans des sphères de pouvoir à une espèce de sur-égalité non (↑)

  • 152 P : j’espère bien qu’on moi //personnellement

  • 153 F : //Evelyne Pisier

  • 154 P : j’espère bien que on ne pratiquera pas enfin, j’espère bien, hélas je vois bien que le mouvement va dans le sens inverse mais /je je ne souhaite pas du tout, je ne souhaite

  • 155 F : /ah oui

  • 156 P : pas du tout qu’on me dise que mon identité est ramenée à un premier élément, un facteur surdéterminant qui est mon anatomie. Parce que le sexe c’est quoi c’est une anatomie et je ne comprend pas comment on pourrait du droit du fait, je ne vois pas pourquoi il faudrait que le fait de de de l’accouplement entre les mâles et les femelles pour faire survivre l’humanité, ce fait qui est un fait brut, parmi d’autres, devrait tout d’un coup être érigé en principe. Parce que euh, euh pourquoi enfin mais pourquoi, moi j’ai l’impression Francine Demichel que nous notre, notre personne humaine est fonction de tellement de facteurs et que elle est pas fonction seulement de notre sexe, nous sommes des femmes, mais nous sommes tellement d’autres choses nous avons des appartenances multiples. Moi ma conception de la politique euh n’est pas cette conception quantitative, je vois pas pourquoi j’enverrais la moitié de l’humanité sous prétexte qu’elle est la moitié sexuée euh, systématiquement au parlement et pour faire quoi, pour représenter quoi, je vais la brimer. Je vais lui demander de représenter qui et de faire quoi alors vous allez me dire ce qui est juste euh, il faut que les femmes soient plus nombreuses au parlement. Oui, je suis d’accord, il faut qu’elles soient plus visibles oui je suis d’accord, mais après pourquoi, pour qu’elles représentent parce qu’elles ont des qualités supérieures à celles des hommes. Beaucoup de gens le disent et beaucoup de femmes interrogées disent avec humour qu’elles gouvernent plutôt beaucoup mieux. Mais la plupart d’entre elles disent que euh, si elles le font c’est parce que les qualités qu’elles ont acquises, sont des qualités qu’elles ont acquises dans la difficulté dans la bagarre, dans le privé, là aussi on va pas se mettre à ériger ces qualités, on va essayer au contraire de faire tout ce qu’il faut pour que le lieu qui a produit ces qualités se détruise et que l’inégalité se détruise donc on ne peut pas tout d’un coup ériger ça et en faire une loi. Donc moi je n’ai pas envie qu’on dise à ces femmes quelles qu’elles soient vous devez être plus gentilles que les hommes, vous devez être plus douces plus pacifiques sous cette espèce de comportementalisme sournois qu’on leur inflige au nom de leur modestie, de leur, je je n’aime pas ça j’ai envie de dire qu’on leur foute la paix. Elles viennent d’acquérir, il y a très peu de temps très très peu de temps et encore sur une toute petite partie de la planète et encore un certain nombre d’entre elles, en très petit nombre le droit de faire ce qu’elles veulent //pourquoi

  • 157 F : //et avec des régression effrayantes dans d’autres parties du monde //de l’Afghanistan //et de l’Algérie, //où l’on voit les effets terribles

  • 158 P : //exactement // exactement //exactement exactement

  • 159 P : donc ce qui me fait peur dans la parité c’est cette nouvelle injonction, nouvelle sommation à l’altérité, vous êtes femme et vous devez vous proclamer d’abord femme et puis il faudra dire aux hommes, vous êtes homme et vous devez vous-même vous dire

  • homme //et pourquoi pourquoi

  • 160 F : //alors quel est //[inaudible]

  • 161 D : //oui moi je ne vois pas //pourquoi il y a une altérité, y a pas

  • 162 F : //Francine Demichel

  • 163 D : d’altérité, il y a une réalité moi je crois qu’une identité, moi je suis une femme, c’est vrai que je suis une femme et et qui a fait un certain nombre de choses dans sa vie. Mais je me sens comme femme, là je crois que c’est un problème je dirais philosophique, métaphysique moi je crois qu’on se sent sexué qu’on vit dans un corps sexué, et qu’on ne sort pas de là et que par conséquent il ne faut pas refuser cette cette réalité qui n’est pas que biologique et qui est la vie d’un individu qui se passe comme ça. Donc je crois que c’est une identité forte et que cette identité forte doit être prise en compte par le politique, d’autant que si les femmes pouvaient prendre en main, avaient pu prendre en main leur destin et le destin de l’ensemble de la société ben, c’est très bien mais on constate pas ça, on constate que dans un certain nombre de cas elles n’ont elles n’ont pas le droit à la parole et que on statue, vous avez des assemblées d’hommes qui statuent par exemple sur la procréation, les conditions de la procréation artificielle et que, alors que, ce sont des problèmes qui les concernent bien entendu en tant que membres de l’humanité mais simplement en tant que membres de l’humanité. Ça les concerne pas pour parler au nom des hommes et des femmes donc moi je crois qu’il y a là une donnée fondamentale de l’existence individuelle et collective et qui doit être prise en compte par les sociétés //politiques

  • 164 F : //alors euh, une dernière petite intervention d’ordre philosophique après quoi je vous interrogerai toutes deux sur l’avenir justement de cette parité et sur les alternatives qu’on peut éventuellement lui opposer. Il y a un un un article peu connu d’Anna Arendt que je voudrais citer ici, ’droit public et intérêt privé’ (public rights and private interest) je ne crois pas qu’il soit traduit en français, elle dit ceci : ’tout au long de sa vie l’homme évolue dans deux ordres d’existence, d’un côté ce qui ce qui lui appartient et d’autre part la sphère qui lui est commune à ses concitoyens, ou à ses à lui ou à ses semblables. Il dit et ’le le le bien public qui est le souci du citoyen c’est en effet le bien qu’il a en commun avec les autres parce que dit-il, parce que dit-elle, il est localisé dans le monde ce que nous avons en commun sans le posséder hein, et elle dit donc le citoyen et l’individu privé ce sont deux choses différentes et elle donne l’exemple du jury par exemple elle elle, Anna Arendt donnait une grande importance à ce que c’est d’être juré parce que le juré il est intéressé dans ce qui ne devrait pas l’intéresser, dans ce qu’il ne le regardait pas et ce qu’il partage avec d’autres jurés c’est précisément un intérêt pour un cas pour un dossier qui est totalement situé hors de lui et donc euh euh elle dit ceci c’est que le le donc elle insiste sur la différence entre le privée et le public. Elle dit être citoyen c’est passer du privé au public et pour le public il faut avoir un idéal d’impartialité autrement dit, lorsque je vais du privé au public d’une certaine manière je je me transcende moi-même. Or il me semble aujourd’hui que de plus en plus la sphère publique c’est la sphère où le privé se déverse et donc effectivement à ce moment-là chacun arrive avec son identité, ses intérêts, ce qu’il est, ceci ou cela comme si, une grande menace posée sur nous, la menace de ne plus comprendre, la différence du privé et du public, la menace de ne plus être capable de passer de l’un à l’autre, de ce qui est nous, de ce qui nous appartient à ce que nous avons en commun avec nos semblables à savoir le monde, ce que nous nous partageons sans précisément le posséder je crois que c’est une une analyse intéressante parce que peut-être fixe-t-elle, un des enjeux du problème dont la parité est un des symptômes Evelyne Pisier

  • 165 P : oui moi je je j’ai beaucoup d’admiration pour Anna Arendt et pour, pas pour tout mais en tout cas pour cette analyse qui conduit à à nous donner le sens de la politique, à nous donner une conception de la politique que je partage totalement. Moi j’aime la politique avec cette idée que en effet nous sommes dans une nous partageons une commune humanité, que la sphère publique est une sphère de discussion, de délibération et et je je bon, j’adhère tout à fait à ça et c’est parce que j’ai cette conception de la politique que jusqu’au bout encore une fois malgré malgré la mode actuelle, jusqu’au bout je défendrai l’idée que je préfère voter pour un homme euh, parce que son programme, ses idées me paraissent importantes plutôt que pour une femme sous prétexte qu’elle est une femme /et j’espère bien que les

  • 166 F : /hm hm

  • 167 P : hommes ne voteront pas pour des hommes sous prétexte que ce sont des hommes. Donc il y a une commune humanité que nous partageons dans la sphère publique mais cette commune humanité en aucun cas n’interdit, au contraire les appartenances multiples, /culturelles

  • 168 F : /hm hm

  • 169 P : et de tout ordre. Mais je ne vois pas pourquoi euh alors qu’elle a été tellement brimée la pluralité si chère à Anna Arendt, la multiplicité et le désordre que cela a introduit, je ne vois pas pourquoi tout d’un coup grâce à la parité on ramènerait le multiple

  • à deux /j’ai pas envie de ça

  • 170 F : /mais vous disiez tout à l’heure

  • 171 F : mais vous disiez tout à l’heure que, vous dites même de façon un peu récurrente dans l’émission que vous vous inscrivez contre le mouvement de l’époque, la tendance générale est-ce à dire que nous allons aujourd’hui vers la parité et que elle se situe sur notre agenda politique et qu’un jour ou l’autre on on assistera à un changement constitutionnel temporaire ou pour l’éternité (↑)

  • 172 P : ben écoutez je je j’ai beaucoup, j’ai beaucoup d’admiration pour Lionel Jospin et je crains que ce ne soit un homme tout à fait fidèle à ses promesses et je crains que il se soit tout de même beaucoup engagé de ce côté là. /Donc d’une manière ou d’une autre il me semble

  • 173 F : /hm hm

  • 174 P : que le débat va être posé sur la scène publique et que là il va falloir choisir ou on révise la constitution, cela veut dire qu’on accepte le changement de principe, véritablement et l’on prend tout de même une sérieuse responsabilité. C’est très ludique le combat politique aujourd’hui, mais derrière ce ludisme il y a tout de même une responsabilité qu’on prend hein, on est en train de dire il y a des hommes et des femmes. Bon alors on révise la constitution ou on ne la révise pas et on fait une loi à ce moment là, on craint le conseil constitutionnel jurisprudence de 82. Alors il y a sans doute une position euh qui euh permet de sortir de cette alternative et je pense les socialistes assez malins pour la trouver

  • 175 F : ah oui d’accord, mais alors justement Francine //Demichel

  • 176 D : //je voudrais revenir sur le débat intérêt privé intérêt public, je crois que je suis tout à fait d’accord sur l’idée que quand on fait de la politique et quand on gère les les la vie d’une société il faut être impartial et il faut faire euh, raisonner en terme d’intérêt public. Je ne vois pas pourquoi à partir du moment ou les femmes entreraient dans la politique tout d’un coup l’intérêt privé deviendrait

  • majoritaire dans l’intérêt public cela ne change rien

  • //les hommes

  • 177 F : //non c’est la philosophie /si vous voulez elle est sous-//jacente à la parité

  • 178 D : /oui //oui moi je suis

  • 179 F : dont je vous parle mois je suis pour la //la présence des femmes dans la politique

  • 180 D : absolument //moi je suis absolument absolument

  • 181 F : //[inaudible]

  • 182 P : //on est pour tous les trois //[rire]

  • 183 D : //la parité non non mais la parité ce n’est pas l’intérêt privé la parité c’est la représentation la justesse de la représentation publique justement donc là dessus je ne suis pas //d’accord

  • 184 F : //alors vous avez dit : ’inscrire dans le droit’ mais sous quelle forme //comment à quel texte qu’est-ce que ça //veut dire introduire

  • 185 D : //alorseuh bon //en plus

  • 186 F : la parité dans le droit

  • 187 D : je je voudrais dire attendez pour répondre à Evelyne Pisier je ne crois pas qu’il s’agisse de voter pour un homme parce que c’est un homme ou pour une femme parce que c’est une femme. Il s’agit de permettre euh, un choix qui, qui permettra aux électeurs d’avoir une représentation photographique réelle, de de la vie c’est-à-dire, des deux sexes et puis ils voteront pour qui il voudront. On ne fera pas voter parce que les gens ne voteront pas les femmes ne voteront pas pour les femmes nécessairement, mais les

  • femmes seront présentes sur la scène politique

  • parce que

  • 188 F : à l’égalité avec les hommes/

  • 189 D : à égalité avec les hommes parce que elles font partie de l’humanité comme les hommes, au même titre que les hommes et il n’y a aucune raison qu’il y ait un monopole de fait qui se soit instauré depuis des siècles, si c’était récent ben depuis des siècles pour les hommes. Alors sur le plan juridique moi je pense personnellement que c’est une bataille qui est une bataille politique démocratique, de l’approfondissement de la démocratie et que comme toutes les batailles politiques elle doit se traduire au niveau juridique. Alors est-ce qu’il

  • faut changer la constitution, ajouter le principe de parité dans la constitution,

  • //faire une loi

  • 190 F : //ça veut dire quoi d’ailleurs le principe de parité dans la constitution, //ça produirait

  • 191 D : //ben faire une

  • 192 F : quoi, par exemple un article //[inaudible]

  • 193 D : //oui un article dire que dans le respect du principe de la parité, au moment de, dans les premiers articles de la constitution, dans le respect du principe de parité moi je je //j’ai vu

  • 194 P : //il faudrait une révision

  • 195 D : ah oui, il faudrait une révision /constitutionnelle bon ça, c’est une première hypothèse

  • 196 P : /voilà

  • 197 D : il y a l’hypothèse de la loi ordinaire dont on sait que le conseil constitutionnel très traditionaliste n’en veut pas. Troisièmement à mon avis, il y a l’hypothèse de la loi organique qu’on peut très bien ne pas exclure, qui évite une réforme de la constitution et qui permet la mise en oeuvre au niveau //des textes constitutionnels

  • 198 F : //elle dirait quoi cette loi organique

  • 199 D : elle permettrait dans dans les différentes élections, d’introduire la notion de parité, de pratiquer la parité //c’est-à-dire

  • 200 F : //autant de candidats hommes que de candidats femmes

  • 201 D : voilà dans les élections dans un premier temps où c’est possible //évidemment

  • 202 F : //mais ce que disait le manifeste de la parité il demandait de modifier la constitution éventuellement pour introduire des discriminations positives, est-ce que vous vous reprendriez

  • cette //formule à votre compte ?

  • 203 D : //euh

  • 204 D : non le concept de //discrimination positive ne me plaît pas beaucoup parce que euh,

  • 205 F : //le traitement constitutionnel

  • 206 D : la notion de discrimination positive renvoie à des phénomènes de minorités. Je crois qu’on est pas dans la logique d’un rapport de majorité à minorité donc je suis pas enfin, je suis pas tellement favorable au concept de //discrimination positive

  • 207 F : //alors bon, pour finir Evelyne Pisier votre alternative en un peu de temps mais simplement /quelle est l’alternative

  • 208 P : /[inaudible]

  • 209 F : que vous voyez //à cette éventualité, comment faire pour remédier à la situation actuelle ?

  • 210 P : //hélas

  • 211 P : hélas ce n’est pas ce n’est pas la mienne, mais euh, mais en terme de stratégie /politique,

  • 212 F : /oui

  • 213 P : il est clair ou bien on prend la responsabilité de changer la constitution, /de la réviser,

  • 214 F : /hm hm

  • 215 P : donc de tourner le dos à un certain nombre de principes et je crois que beaucoup de gens qui sont en faveur de la parité sont tout de même assez responsables et n’ont pas envie de s’engager sur un terrain pareil. Ils savent bien et j’ai, j’ai beaucoup d’amis paritaires qui ont peur tout de même, qui ont peur de de de sombrer dans ce encore une fois dans cette sommation à l’altérité. On ne peut pas à cause du conseil constitutionnel ou il y a peu de chance de refaire la même chose avec une loi ordinaire. Alors y a un bonhomme assez malin qui s’appelle Olivier Duhamel et qui a joué l’idée des circonstances exceptionnelles alors ça c’est évidemment très malin. L’idée de circonstances exceptionnelles, c’est une manière de dire bon, on va rattraper on va faire du rattrapage pour un certains temps un petit temps et on dit que oui on avoue, on avoue qu’on tourne le dos à l’universalisme mais seulement pour un petit moment et pour faire du rattrapage, donc on introduit au fond l’affirmative-action dans le domaine politique, /je suis //tout à fait horrifiée horrifiée

  • 216 F : /oui //totalement

  • 217 P : mais je trouve que c’est très malin.

  • 218 F : oui alors cela étant donc les les partisans de l’égalité de la représentation des hommes et des femmes qui sont opposés à la parité insistent je crois surtout sur le non cumul des mandats qui ouvrirait un certain nombre de carrières aux femmes voilà un peu où on en est le débat aujourd’hui. Il faut dire aussi que disons la situation a changé, l’opinion est très, juge de plus en plus inacceptable la non représentation des femmes et c’est l’une des raisons de l’impopularité on s’en souvient d’Alain Juppé qui avait fait organiser son gouvernement dit de Juppettes et puis qui a chassé les femmes du gouvernement et cela lui a été assez durement reproché donc c’est indicatif de volonté de l’opinion que les choses changent sur les modalités du changement, nous verrons bien en tout cas merci beaucoup Francine Demichel et Evelyne Pisier, je voudrais rappeler le titre de votre livre Evelyne Pisier que vous avez écrit en collaboration avec Françoise Baret-Ducrot, le livre s’intitule ’Femmes en tête’ et il est publié aux éditions Flammarion. La semaine prochaine un sujet qui vous intéressera toutes, deux parce que vous êtes professeurs, ’Internet a-t-il sa place à l’école ?’ Je crois que l’on a quand même le droit de poser la question avec Robert Rideker, professeur de philosophie et Bernard Gardey qui est principal du collège Sadi-Carnot à Auch.