REPLIQUES 3 (15/11/97) : ’Internet a-t-il sa place à l’école’

• F : Alain Finkielkraut, animateur

• G : Bernard Gardeye

• R : Robert Rideker

• 001F : j’ai découvert le Gers grâce au film d’Etienne Chatillez ’le bonheur est dans le pré’, séduit comme beaucoup de spectateurs, j’ai rêvé passagèrement d’une autre vie possible dans cette petite Arcadie oubliée par la laideur planétaire et qui semblait miraculeusement préservée de l’affairement comme du culte contemporain de la performance. En regardant il y a quelques semaines Envoyé spécial, j’ai eu la surprise de constater que l’ordinateur aussi était dans le pré, et que ce département bucolique pouvait prétendre en fait à la qualité de département d’avant-garde. A l’abri d’un art de vivre apparemment séculaire, une révolution avait lieu dans le Gers, révolution informatique et cette révolution avant même de bouleverser notre environnement et notre économie avait là bas déjà touché l’école grâce à la fougue et à la détermination de Monsieur Bernard Gardeye, principal du collège Sadi-Carnot à Auch. Celui-ci, en effet, avait vaincu la frilosité de certains parents d’élèves et les réticences archaïques du système éducatif français. Archaïque vraiment, et si le changement n’était pas toujours et nécessairement un progrès et si les concepts de bien et mal ne pouvaient plus aussi aisément que naguère être remplacés par ceux de progressisme et d’archaïsme. Ces questions que le reportage très enthousiaste d’Envoyé spécial n’envisageait même pas de poser, je les ai trouvées quelques semaines plus tard dans une libre tribune du Monde signé de Robert Rideker, membre du comité de rédaction des Temps Modernes et professeur de philosophie au lycée Pierre Paul Riquet à Toulouse. Toulouse, Auch c’est la même région, la discussion est dans le pré tant mieux car elle touche à l’essentiel, voici donc réunis le proviseur convaincu et le professeur incrédule, et je demanderai pour commencer au premier quel bilan il tire de son expérience pionnière et pourquoi il pense comme il l’a dit à la fin du sujet d’Envoyé spécial que les nouvelles technologies doivent désormais imprégner toutes les disciplines, Bernard Gardeye

• 002 G : alors je pense que, effectivement toutes les techno, les nouvelles technologies et toutes les nouvelles technologies doivent imprégner toutes les disciplines parce que, euh, si vous voulez, ces nouvelles technologies, ces, rentrent dans notre vie, rentrent dans la société indépendamment de la position que peut avoir l’école par rapport à cela. Ces technologies sont présentes, alors nous pouvons faire deux choses ou les ignorer euh, ne pas faire nous sommes à l’école, pas faire attention les laisser de côté ou au contraire nous pouvons les regarder arriver, essayer de les appréhender et former les jeunes à la maîtrise de ces nouvelles technologies, à leur domination, en sachant bien que effectivement ces nouvelles technologies vont modifier la culture de ces enfants, vont les faire évoluer dans leur façon d’apprendre, dans leur façon de raisonner, dans leur logique même, puisque ils auront à disposition une énorme prothèse qui est l’ordinateur en général et qui est un outil fantastique de compilation qui peut euh disons euh, entrer dans une multitude d’hypothèses, les éliminer, choisir dans des des des quantités fantastiques d’hypothèses

• 003 F : mais mais vous pensez que enfin vous dites cela en voyant les modifications que notre environnement est amené à connaître, mais vous avez aussi une certaine expérience, vous y avez fait référence tout à l’heure, est-ce que vous avez le sentiment que grâce à vos efforts et à ceux de l’équipe pédagogique qui vous a suivi l’enseignement se passe mieux, dans de meilleurs conditions est plus efficace aujourd’hui où ces technologies sont entrées dans le collège dont vous vous occupez

• 004 G : alors ces technologies n’ont pas eu un effet miraculeux, le collège n’a pas été transformé de fond en comble, mais effectivement ça a été un apport considérable notamment les logiciels de type pédagogique utilisés en français, en lecture, en mathématique sont un apport considérable en particulier pour les élèves en difficultés, par exemple, nous avons des logiciels qui permettent, vous savez que beaucoup d’échecs scolaires sont construits autour de la difficulté de la lecture et euh la lecture, le problème de la lecture c’est souvent la lenteur, l’élève évidemment déchiffrant perd le fil de longs développements et ne peut pas si vous voulez garder la mémoire du texte suffisamment pour avoir une vision globale du texte donc, il faut accélérer la lecture, il faut élargir l’empan, il faut apprendre à anticiper et là il y a des techniques très pointues en matière de logiciels informatiques qui permettent euh, d’accéder, d’améliorer ces inconvénients et en particulier d’accélérer la lecture, ça c’est mesurable, c’est quantifiable, c’est observable et il n’y a pas de problèmes là dessus

• 005 F : alors Robert Rideker comment /est-ce que votre incré incrédulité est un peu affectée

• 006 R : /ce que dit me

• 007 F : par ce que vous venez d’entendre

• 008 R : absolument pas

• 009 F : pourquoi non

• 010 R : ce qui dit Monsieur paraît très rassurant mais je crois que c’est l’une des, en fait il y a deux types de discours tenus euh, par les mêmes sur les nouvelles technologies à l’école il y a un discours comme ça héroïque, heroïsant qui est fait pour exalter euh, les énergies de, des participants à cela. Bon et euh, il y a un discours rassurant où on nous dit mais voilà ça n’est pas vraiment, parce que là vous avez employé les deux c’est une révolution, non ça n’est pas une révolution ça aide à la lecture. Donc discours héroïque et discours rassurant pour ne pas me faire peur. Alors pourquoi suis-je intervenu euh en fin de compte, parce que, euh, j’ai trouvé que euh, le double discours des nouvelles technologies était dans l’école un discours sans ennemis d’ailleurs, soit on était partisan ou soit, on n’est pas partisan, mais on ne dit rien, on ne fait rien on prend ça comme une fatalité, c’est un fatalisme, ça va nous tomber dessus euh des professeurs disent ben attendons le retraite on va travailler, travailloter comme ça, jusqu’à la retraite. Or je crois que il faut répondre par une affirmation forte euh, en face de ce discours qui est fort et rusé puisqu’il est double il faut répondre par une affirmation forte de ce qu’est l’école, de la mission de l’école euh, des fins et des finalités parce que les finalités finalement disparaissent

• 011 F : alors cette affirmation forte résumez là en quelques, en quelques phrases justement puisqu’elle doit être forte, elle peut être /au départ concise

• 012 R : /bon

• d’abord je crois Monsieur ne sera pas content, je j’ai trouvé que les propos tenus étaient très conformistes et suivistes par rapport à l’évolution technologique de la société hein, bon alors, une affirmation forte ce serait de dire que la mission de l’école c’est finalement de verser euh les élèves qui sont des futurs citoyens, de les verser dans la dimension politique c’est ça la mission de l’école c’est une mission avant tout politique et comme ça de générer, de régénérer la République et ça ça disparaît

• 013 F : hm hm ça disparaît au profit d’un souci d’adaptation, c’est ça (↑)

• 014 R : au profit d’un souci d’adaptation c’est ce que Monsieur Allègre dira très

• bientôt, /adaptation

• 015 F : /hm hm

• 016 F : voilà donc alors Bernard Gardeye

• 017 G : alors là, je ne suis pas du tout d’accord. Parce que on va venir à Internet par exemple à titre d’exemple, en quoi Internet peut être utilisé dans un établissement tel qu’un collège, par exemple, pour le niveau des enfants, dix quinze ans, grosso modo ; deux choses c’est un outil fantastique de communication, donc de culture, de connaissance d’autres sociétés, d’autres civilisations hein ça, c’est un outil, un outil très important de ce point de vue là et les échanges très lointains qui sont des échanges qui se font par texte, par rédaction, par courrier et qui ne sont pas succincts, ce sont de longs dossiers construits, argumentés hein, c’est un outil de communication très important. Deuxième, deuxième point et qui est par rapport à l’école pour le renouvellement donc de l’école de la République, ce qui est très important c’est que dans la, dans la, dans Internet transporte un tas de renseignement, un tas d’informations non validées et toute la culture que nous avons eu jusqu’à présent c’est une culture quand on ouvre une encyclopédie, il y a ce qui est vrai, il y a ce qui est faux, c’est une, c’est une culture, c’est une culture où il y a du juste et il y a du faux. Or Internet on voit des informations dont personne ne sait si elles sont justes ou si elles sont fausses, mais il y en a des justes il y en a des fausses. Donc il faut on ne peut pas laisser les enfants devenir des citoyens qui ne vont pas faire ce distinguo avec une école qui continuera à dire ce problème est juste ce résultat est juste ce résultat est faux, on ne peut pas laisser cette culture là en place face à une information qui véhiculera des données dont il faudra, qu’il faudra valider

• 018 F : mais justement pour valider ces données, pour acquérir le discernement absolument indispensable à une époque ou en effet tout au fond tous les négationnismes sont possibles, est-ce qu’il faut plonger les enfants dans Internet parce que le discernement il peut venir d’ailleurs, il peut venir des livres, il peut venir des maîtres, mais pourquoi faut-il précisément si vous voulez euh, faire entrer Internet à l’école d’autant qu’il y a cette difficulté

• 019 G : alors parce que de toute façon ils iront dans Internet, ils iront en tant qu’adulte et s’ils ont travaillé avec leur professeur à la manière dont un professeur de français a fait étudier les émois de Bérénice où les tourments de Bérénice ou les les ruses d’Arpagon euh, cette cette cette réflexion qui est conduite avec l’enseignant qui doit être conduite avec l’enseignant sur des informations situées dans Internet permet permet de à l’élève de créer un esprit critique de relever des moteurs qui permettent de d’utiliser des moteurs qui permettent de valider des informations et de discerner toujours mieux parce que il n’y aura jamais le vrai et le faux mais d’avoir des doutes par rapport aux informations qui sont là dedans

• 020 F : Robert Rideker

• 021 R : moi j’ai des doutes d’abord sur la notion de validation euh ça n’est pas sûr que quand on étudie Bérénice ou l’Avare il est question de valider, /pas valider, bon j’ai des doutes

• 022 F : /hm hm

• 023 R : aussi sur le concept d’outil voilà, euh

• 024 F : pourquoi justement, pourquoi parce que disons que ceux qui défendent Internet ou que les nouveautés technologiques quelque fois parlent d’une nouvelle culture mais quelque fois plus modestement et ce ne sont pas toujours les mêmes, ce n’est pas toujours un discours rusé disent voilà ce sont des outils assez fantastiques, pourquoi en priver les élèves d’autant que d’autres les utilisent, les professeurs les utilisent alors pourquoi pas les élèves alors que, qu’avez vous à dire face à ce concept d’outil justement quelle //affirmation forte

• 025 R : //voilà euh euh

• 026 F : lui opposez-vous ?

• 027 R : euh le le concept d’outil euh, il est employé en nous laissant croire que c’est l’outil encore sur le versant anthropologique, sur le versant humaniste comme depuis le néolithique, quelque chose Leroy-Gourant, Aristote, euh, l’outil est quelque chose d’extérieur qui prolonge l’humain, qui prolonge les facultés humaines ou bien le mot d’outil a aussi un charme on l’a entendu récemment Jean-Louis Trassard dans cette émission même évoquer les outils de la campagne, bon, ça donne quelque chose de tout à fait rassurant. Or je ne crois pas que l’informatique et Internet ce soit un outil euh, au sens anthropologique que nous avons utilisé jusqu’ici. C’est une révolution dans la machine, d’abord c’est pas un outil c’est un système, il y a pas l’extériorité, l’objectivité de l’outil chez celui qui l’utilise mais celui qui utilise Internet est pris dans le système, voilà euh, il en fait partie il est englouti par le système ingurgité par lui

• 028 F : oui alors justement à cet égard je voudrais lire deux petites phases de Paul Vérillot et ensuite me référer à un passage important je crois du reportage d’Envoyé spécial. Alors Paul Vérillot dans le sens de ce que vous dites dans son livre ’cybermonde la politique du pire’ il écrit ceci : ’savoir que le monde autour de nous est vaste en avoir conscience même si on ne pratique pas ce monde est un élément de la liberté et de la grandeur de l’homme’. Howard Hugues qui a vécu le tour du monde en quelques heures est arrivé à un état d’inertie mentale et de perte du rapport du monde et il est très inquiet justement de voir émerger à travers ce qui n’est plus un outil mais un système une sorte d’homme, d’homme planète hein, euh, quand nous, quand nous aurons toutes les interactivités que nous voulons, quand nous irons à Tokyo en deux heures grâce aux avions hypersoniques il est évident que le sentiment de l’étroitesse du monde deviendra rapidement insupportable, nous aurons perdu la grandeur de la nature, c’est un événement insupportable et il dit ceci qui est une réponse disons, au progressisme ambiant, le 21ème siècle sera probablement le siècle de cette découverte les pertes domineront les acquis. Alors enfin, il n’est pas sûr que cela soit vrai il est normal de se poser la question mais moi j’ai une question plus précise à vous poser Monsieur Bernard Gardeye justement à propos d’Internet au lycée, au collège d’Auch. On on donnait l’exemple dans le reportage d’Envoyé spécial d’une classe de 4ème E une classe particulièrement difficile, particulièrement démotivée et donc qui avait bénéficiée à travers Internet d’une relation suivie avec un collège équivalent à euh, San Francisco, hein et il y avait les dossiers traités c’était avoir 15ans à Auch ou bien ’l’immigration le brassage ethnique dans le monde’ bien alors ce ce qui est intéressant c’est de voir que le professeur en a tiré devant les élèves une conclusion les élèves de San Francisco et bien témoignent d’un certain racisme puisqu’ils parlent de vrais citoyens, et alors là moi je me demande quelle information réelle est tirée de ce dialogue parce que l’anti-racisme c’est le prêchi-prêcha généralisé aujourd’hui c’est la valeur morale par excellence, c’est ce qui nous tient lieu d’éducation civique et c’est surtout une sorte de paresse mentale, c’est-à-dire que il y a des problèmes diversifiés suivant les situation, on leur colle dessus l’anti-racisme pour ne pas s’en occuper et on voit la jeunesse se démobiliser complètement du monde grâce et au travers de l’anti-racisme, je m’explique sur la Californie euh, il est clair que ce pays là, cette région du monde connaît une situation très différente de la nôtre avec une très forte immigration venue des pays d’Asie, avec, il y a le problème noir qui est la grande tragédie américaine mais il y a aussi en Californie le fait que la discrimination positive a été abandonnée très récemment et la question qui est intéressante c’est un, qu’est-ce que la discrimination positive, deux pourquoi a-t-elle abandonnée pourquoi a-t-elle était abandonnée mais évidemment le prêchi-prêcha anti-raciste empêche de se la poser, donc une communication, une communication pour si vous voulez conforter l’air du temps ça c’est ma ma première remarque euh, et ma 2ème c’est le professeur qui dit oui c’est des élèves ils font pas des progrès extraordinaires une fois qu’ils ont fait ça, quand ils reviennent au exercices traditionnels il n’y a pas de progrès simplement, eux, qui maniaient mal la langue se sentent revalorisés bien plus à l’aise avec ces nouveaux moyens d’expression remis en selle, il se passe, il n’y a pas de progrès, mais il se passe quelque chose parce que on donne, on leur donne du plaisir et est-ce que l’école n’est pas là pour donner du plaisir quand on vient au cours. Mais là on a sur l’école une espèce de perspective, compassionnelle une espèce de perspective caritative, l’école c’est un calmant l’école c’est un lieu pour être bien, ces prothèses machiniques elles font que les élèves, que les élèves se sentent mieux, mais si vous voulez est-ce que ce n’est pas en rabattre au nom justement d’une révolution sur les exigences révolutionnaires de l’école qui vont très au delà simplement d’une, d’une espèce comme ça d’un bien fait humanitaire, Bernard Gardeye, excusez-moi ma question était un peu longue.

• 029 G : d’abord par rapport il faut parler de machinisme, d’outil, les élèves précisément lorsque on les habitue à être au contact de ces machines ne sont pas eux, disons du tout émerveillés par les machines ; les machines sont un acquis elles existent, et comme l’expression donnée des journalistes dans Envoyé spécial nous nous étions émerveillés on voulait leur parler des machines ils répondent par rapport au contenu. Premier point donc si vous voulez la machine c’est pas c’est pas le problème des élèves s’ils ont été familiarisés jeune avec ce dispositif, en ce qui concerne, en ce qui concerne le le rôle de l’école et le le résultat de cette expérience en particulier et de l’interprétation que les enfants ont eu et l’idée que, on pouvait expliquer ça par une attitude raciste donc des blancs américains il s’agissait d’une école d’élite américaine hein, une école de de société élevée, alors que nous, c’était une classe de milieu beaucoup plus modeste donc ils ont ressenti cela comme ça. C’est ce qu’ils ont ressenti dans tous les échanges qu’ils ont eu avec leurs leurs camarades américains et c’est ce que le professeur a traduit ce n’était pas l’avis du professeur c’est ce qu’il a traduit euh, comme impression et euh //[inaudible]

• 030 F : //non mais, c’est une impression évidemment importante et je ne dis pas du tout que l’anti-racisme est une morale condamnable je je m’explique simplement simplement si vous voulez il y a une tendance aujourd’hui à juger avant de comprendre et à juger pour se dispenser de comprendre donc je vois émerger dans la jeunesse une paresse anti-raciste que je trouve politiquement et intellectuellement très très inquiétante

• 031 G : //justement

• 032 R : //ouic’est //traduit, trente secondes, c’est traduit qui m’inquiète beaucoup

• 033 F : //Robert Rideker

• 034 R : euh vous avez traduit, le professeur n’apporte pas euh une relation aux oeuvres sa connaissance des oeuvres euh, la littérature tout ça il traduit une sensibilité c’est-à-dire il aide les adolescents à exprimer une sensibilité qui est planétaire, pour le coup qui est mondiale et euh ça m’effraie, ça c’est

• 035 F : Bernard Gardeye

• 036 G : ça c’est, ça c’est simplificateur, c’est simplificateur le professeur il fait aussi du français normal il faut d’abord restituer ce que le temps de l’échange le temps de communication par Internet, si vous voulez pour l’échange de 40 35 dossiers je crois dans l’année ça représente une ½ heure hein, c’est-à-dire un à peu près le travail sur machine. Enfin, par contre la préparation des dossiers, apprendre à rédiger c’est important, apprendre à argumenter c’est important c’est c’est ce sont des choses qui sont importantes ensuite euh pour ce qui est, pour ce qui est de là, disons de là, le de disons, de cette culture ambiante et facile par exemple de retomber sur l’idée que il s’agit là bon on dit ils sont racistes. Non les enfant que moi j’ai rencontré après et qui serait intéressant de rencontrer il y a des enfants qui avaient des tendances racistes avant le, avant de rentrer dans cette émission et qui ont conservé leurs tendances racistes. Ce n’était pas, ce n’était pas euh euh et sincèrement je vous le dis et c’est, c’est tout à fait vérifiable il y a des enfants qui approuvaient l’attitude des des blancs américains hein, c’est-à-dire ils ils disaient après tout eux ils sont là depuis longtemps donc si vous avez un un petit morceau du débat c’est un extrait très simple, mais en réalité, en réalité moi j’ai assisté à d’autres débats sur avec cette classe et sur d’autres pays aussi où il y a non non non il y a des enfants qui justifiaient l’attitude des jeunes américains et qui disaient ben c’est pas du racisme d’ailleurs, c’est-à-dire ils étaient chez eux on vient les embêter enfin il y avait tout un

• 037 R : //non non

• 038 F : //ce que, allez-y Robert Rideker pardon

• 039 R : connaissant la population occitane euh, il est très facile d’être anti-raciste ou d’être raciste dans ce coin parce que euh il n’y a pas //d’étranger, oui c’est un pur jeu

• 040 F : //oui c’est vrai que oui oui non si vous voulez la question dans le sens de Robert Rideker la question que j’aurais voulu poser c’est par delà ces catégories extrêmement massives, racistes, anti-racistes il y a la nécessité à partir du moment où l’on décide de communiquer, c’est-à-dire de communiquer pour un lycée d’Auch non pas, avec les les camarades qui sont là à côté de soi en chair et en os, mais avec un lycée de San Francisco bien insisté justement de s’invertir dans des situations singulières, dans des situation différentes. La France a une tradition par exemple une grande tradition intégratrice, grande et certaines disent peut-être justement une tradition en peu trop assimilatrice trop dure. L’Amérique a choisi quand même le multiculturalisme, ils sont allés extrêmement loin surtout en Californie, moi j’ai, j’ai passé deux ans à Berkeley je puis vous dire que c’est pas le racisme qui frappait, à au contraire un effort énorme pour pallier les les déficiences du passé et puis tout d’un coup le multiculturalisme est remis en question donc il me semble que ces problèmes là sont intéressant à partir du moment ou on les développe comme tels mais si le jugement vient avant la compréhension alors là c’est, c’est une immense machinerie abstraite, immatérielle qui a été qui a été mise en forme pour rien, c’est-à-dire pour encore une fois nous balancer ces deux catégories avec lesquels les enfants, les jeunes et les plus vieux ne cessent de jouer tout le temps et au nom desquels précisément ils perdent de vue la la disparité des situations historiques et des des passés enfin que le passé de l’Amérique et le passé de la France ne sont pas, ne sont pas identiques c’est pour ça que je me demande si effectivement il n’y a pas une certaine occasion manquée dans ce genre de grande séance communicationnelle

• 041 G : moi je //ne suis pas, je ne suis pas d’accord les enfants là je trouve ont vraiment abordé

• 042 F : //Bernard Gardeye

• 043 G : cette question là, /vraiment vraiment parce que évidemment vous avez

• 044 F : /hm hm

• 045 G : trente //secondes de discussion et c’est tombé là et les journalistes ont retenu

• 046 F : //oui c’est vrai

• 047 G : ce qu’ils ont voulu sur un débat qui faisait une heure et demi mais je pense que les enfants il y avait des arguments, il y avait des discussions je ne dis pas que à ce niveau là à 14 ans ils aient compris tout ce que vous dites, hein, en particulier cette société multiraciale mais ils ont, ils ont ils ont quand même vu que ça ils ont abordé quelque chose dont ils ignoraient jusque à l’existence

• 048 F : oui alors une autre question ça je vous la pose //à tous les deux

• 049 G : //on pourrait pas dire qu’ils ne sachent pas

• 050 F : bien sûr, mais justement est-ce que pour euh en savoir plus sur l’Amérique par exemple sur l’Amérique et sur l’Amérique actuelle, il faut en passer par une communication entre élèves des deux classes ou est-ce que l’école classique je vous le demande aussi Robert Rideker n’a pas déjà ou n’a pas toujours déjà eu les moyens de mettre les élèves d’un quartier euh, d’un lieu bien précis, en contact avec le reste du monde, Robert Rideker

• 051 R : euh, ce que vous venez de dire met le doigt sur un des grands défauts de l’école actuellement, enfin défaut qui simplifie puisque je crois, je suis persuadé que l’école perd son sens, et perd ses finalités que ça fuit de partout. Bref qu’elle se vide de l’intérieur euh, c’est le travail des élèves porte de plus en plus sur des des faits de société des des articles de magazine et on est de plus en plus amené à faire une sociologie à très bon marché que ce soit par Internet ou par, on rencontre dans les examens euh des professeurs qui ont donné comme liste de texte à étudier des articles de journaux, là aussi une sociologie très très très superficielle non je crois que l’école au sens classique pouvait beaucoup mieux mettre en rapport euh avec l’universel euh, que cette, comment dire ce cette écume que ce travail sur l’écume de ceux qui se dit à San Francisco, à Pékin, à Moscou, ou à Milan

• 052 F : oui alors Bernard Gardeye

• 053 G : oui mais ce //que vous dites Monsieur Rideker est professeur en classe de philosophie

• 054 F : //cette objection

• 055 G : il enseigne à quelques élèves, hein, c’est-à-dire là nous sommes sur une classe, sur une école //de collège

• 056 R : //oui mais j’ai des enfants au collège, moi j’ai /trois enfants dont deux sont au

• 057 G : /oui

• 058 R : collège

• 059 G : oui mais vos propres enfants, mais vous êtes donc, là nous sommes dans une classe, dans une classe qui est complètement hétérogène où il y a toutes les catégories sociales et c’est vrai, c’est vrai que il n’a pas besoin d’Internet pour avoir le travers que vous décrivez hein, c’est-à-dire ce que je suis tout à fait d’accord avec //ce que me dit

• 060 F : //et vous considérez même vous considérez vous-même que c’est un travers vous considérez que //l’école n’a pas

• 061 G : //ce qui

• 062 F : à se laisser emporter par la sociologie oui ce qui l’a décrit

• 063 G : ce qui l’a décrit ce qui l’a décrit, ce qui la décrit,

• ce qui l’a décrit comme un travers et je dis que là, si vous voulez, pour ces élèves là euh la réponse est souvent extrêmement étriquée. Si on en reste pour les intéresser, pour les motiver, pour les mettre en route, la réponse elle est elles très étroite elle est au tour du clocher hein, tandis que même si cela est un travers, hein, c’est possible, je suis tout prêt mais attention avec une école, avec des élèves cultivés, des élèves d’élites des élèves et je dirais quelques chose quand même parce que des enseignants moi la plupart des enseignants je connais les enseignants de mon établissement ce n’est pas un énorme établissement il y a 50 ou 60 enseignants, je les connais souvent je suis invité chez eux il y en a qui sont contre les nouvelles technologies mais quand le gamin a 14 ans je voudrais pas poser la question à Monsieur Rideker parce que ce n’est pas dans un débat de ce type mais euh, quand je vais dans les familles qu’est-ce que je vois on me montre le dernier ordinateur même quand le prof le parent prof est contre l’informatique à l’école. Il a les derniers logiciels qu’on emploie dans la classe et ces ces ces les enfants y travaillent dessus donc ces gens perçoivent bien que peut-être il y a des dangers que peut-être il y a un risque mais qui est quand même utile pour leur enfant qu’il soit averti, qu’il soit au courant et moi je dis que vous les enfants doivent être au courant et l’école doit jouer ce rôle, école de la république

• 064 R : et ne pensez-vous pas //comme Alain, comme Alain que l’école doit être

• 065 F : //Robert Rideker

• 066 R : retardataire et il précise ce qui ne veut pas dire rétrograde alors pour ce qui est aussi des milieux sociaux euh, bon très, très rapidement je crois que les milieux sociaux les plus démunis ont droit à la plus haute culture bon et moi-même je suis fils d’ouvrier agricole étranger /bon euh, je n’ai pas eu, je n’ai pas suivi une école sociolo,

• 067 F : /hm hm

• 068 R : enfin de sociologie superficielle

• 069 F : et oui vous en avez, vous avez bénéficié d’une école ambitieuse oui d’ailleurs retardataire ça m’évoque Bernard Gardeye une émission récente, à la télévision sur Antenne 2 encore, entre c’était un débat euh entre Madelin et Claude Allègre et c’était un débat donc sur l’école et il était intéressant d’abord que leur désaccord était assez était assez minime mais surtout que dans les définitions les finalités des missions de l’essence de l’école qu’ils proposaient l’un et l’autre à aucun moment il n’a été fait référence au passé bien sûr le 21ème siècle laissons le titre de notre rendez-vous alors il faut bon il y avait le 21ème siècle il y avait la nécessité de développer les capacités de chacun, de diversifier l’école selon les trajets personnels de d’encourager les professeurs ambitieux etc. jamais à aucun moment le passé ne s’en s’en semblait avoir une existence et ça c’est très étrange c’est vrai que c’est un changement considérable parce que l’idée c’était une idée banale il y a encore quelques années que l’école était là pour transmettre les trésors du passé et alors est-ce qu’il n’y a pas un lien selon vous justement entre l’apparition de ces nouvelles technologies, leur absorption dans l’école et cet oubli du passé, donc cet oubli tout court, euh, dont dont l’école est aujourd’hui le théâtre

• 070 G : si vous avez regardé //attentivement l’émission d’Envoyé spécial vous avez

• 071 F : //Bernard Gardeye

• 072 G : remarqué que c’est un établissement où qui est où il y a une forte proportion bien au delà de la moyenne nationale d’élèves qui font du Grec et du Latin dans mon établissement, dont le passé n’est pas oublié, il n’y a pas de contradiction on ne veut personne ne veut éliminer quoi que ce soit, je crois qu’il y a une nouvelle culture qui est à l’extérieur de l’école qu’on pourrait tenter de laisser à l’extérieur mais je pense que sur les mêmes valeurs qui a toujours été celle de l’école dans le passé, on peut intégrer maîtriser et faire dominer cette culture, l’objectif c’est que les enfants dominent cette affaire là ne soient pas soumis à cette culture qui rentrera par la fenêtre

• 073 F : alors nouvelle culture, j’ai une petite question à vous poser aussi

• Robert Rideker /dessus une question qui m’est soufflé par un article qui a répondu

• 074 R : /oui

• 075 F : au votre. Dans le Monde vous avez donc publié un article intitulé ’l’école doit-elle fabriquer des Internautes ou instituer des citoyens’ et Monsieur Bernard Maitre qui est directeur général de CDC innovations il donne son adresse, son adresse électronique mais c’est des choses que j’arrive jamais à lire et donc je peux pas la donner euh, il vous dit ceci, alors c’est le mot de culture qui qui m’évoque cette lettre il dit bon vous ne voulez pas d’Internet c’est, c’est vôtre pensée réactionnaire mais alors pourquoi vous arrêtez-vous en si bon chemin puisque cette nouvelle culture vous n’en voulez pas, pourquoi ne pas renoncer aux mathématiques, à la biologie, à la loi de l’apesanteur et surtout pour les filles aux sciences naturelles. C’est l’obscénité de la pensée réactionnaire, elle est l’école du renoncement, le refuge des vaincus sans combat, de ceux qui collaborent à la raison du plus fort ou à la ligne de la plus grande pente, alors qu’est-ce que vous répondez à cela puisqu’une nouvelle culture arrive si vous, si vous la refusez et bien est-ce qu’il n’y a pas d’autres cultures qu’il faut refuser avec elle ?

• 076 R : euh la pensée entre guillemets de Monsieur Bernard Maître euh, est très conformiste hein, on me reproche d’être réactionnaire peut-être faut-il l’être dans certains domaines, dire c’est un jugement de valeur et le jugement de valeur ici signifie, en fin de compte l’avenir est déjà écrit moi je ne sais pas si l’avenir est écrit et si le 21ème siècle sera celui de l’Internet ou de l’informatique je ne fais pas comme ces euh, thuriféraires de d’Internet dire nous on connaît l’avenir, on va vous dire l’avenir euh, il faut absolument s’y adapter euh, vous savez c’est un discours aussi qui ressemble au discours de la mondialisation hein, c’est-à-dire, adaptez-vous euh, c’est comme ça, nous on a lu dans l’avenir. Alors moi je répond que l’avenir au fond je n’ai pas de, pas de vue aussi certaine que ces

• personnes là sur //l’avenir

• 077 F : //et sur la biologie qu’est-ce que vous répondez sur les, sur les autres cultures dont on vous dit..[face B]

• 078 R : en Chine, imaginez du temps de Faltenberg on ait dit voilà au discipline scolastique traditionnel il faut rajouter librairie et alors là ce monsieur nous dit euh à biologie etc. Il faut rajouter Internet

• 079 F : alors justement Bernard Gardeye là j’ai une question pour vous parce que vous avez dit en tout début d’émission que ces nouvelles technologies allaient modifier notre mode de vie on ne connaît peut-être pas l’avenir Robert Rideker, mais enfin on voit que ça engendre des mutations énormes. Mais après tout j’ai pensé et peut être aussi à cause d’une émission que j’ai faite récemment sur le paysage, il y a une révolution qui a vraiment transformée l’humanité, c’est la révolution automobile c’est-à-dire les paysages ne sont plus les mêmes, le rapport au chose n’est plus le même les villes ont changé, elles se sont, elles se sont elles sont aujourd’hui presque construite en fonction du transport enfin c’est c’est c’est il y a vraiment deux humanités avant et après l’automobile. Pour autant on n’a pas décidé, il fallait bien apprendre à conduire mais c’est pas à l’école qu’on a appris à conduire c’est-à-dire on n’a pas des écoles du code de la route, Or là, on se demande si si si c’est-à-dire dans l’école telle qu’elle est pensée aujourd’hui, je me demande si l’école hier avait été pensée avec les critères d’aujourd’hui on aurait sans doute introduit le code de la route à l’école, alors quand vous dites que ces outils sont très importants mais moi on me dit j’ai toujours pas fait le saut, mais on me dit pour Internet bon et pour pour les ordinateurs trois jours quatre jours et puis voilà tu sauras t’en servir et puis une fois tu t’en serviras. Alors pourquoi justement ne pas accepter cela c’est-à-dire voilà ben on leur apprend mais comme on leur apprend à conduire, pourquoi d’avantage, Bernard Gardeye

• 080 G : parce que si vous voulez c’est plus, c’est plus profond que la révolution automobile, c’est quand même, c’est quand même là là c’est quand même une révolution de la vitesse de déplacement

• 081 R : donc c’est c’est pas un tout petit outil, c’est une //révolution

• 082 G : //non non c’est-à-dire, c’est un outil mais c’est un outil qui qui est fantastique parce que par exemple à côté de notre cerveau il y a une énorme prothèse qui a une capacité de compilation jamais imaginée. Par exemple avec votre petit PC vous pouvez euh calculer en se, Léonard de Vinci et toute son équipe aurait peut-être imaginé envoyer une fusée sur la lune mais ils auraient calculés pendant 20 siècle à 30 ou 40 hein le le le calcul, la conduite du calcul sans aboutir, sans aboutir un gamin avec actuellement avec un PC peut très bien avec un logiciel de calcul refaire les calculs très rapidement en quelques minutes qui ont permis de mettre Spoutnik en orbite. Donc il y a, il y a des, il y a un changement d’échelle extraordinaire je sais pas comment l’expliquer mais c’est extraordinaire le changement d’échelle. Cette capacité de compilation, de calcul, d’investigation et à ce moment moi si, on si, vous parlez souvent Internet parce que Internet c’est un petit peu la la partie visible de l’iceberg, mais en réalité c’est une révolution beaucoup plus, beaucoup plus profonde on a des, on a des des changements, des changements plus fondamentaux euh à travers l’ordinateur, l’ordinateur au quotidien les, la possibilité si vous voulez de discuter en direct en visio-direct, d’échanger avec quelqu’un dans le monde entier c’est-à-dire, on est en face à face, on a l’impression d’être à un mètre d’une personne avec qui on échange dans le monde entier

• 083 R : donc ça annule /oui donc ça annule euh les distances et le temps euh, du point

• 084 F : /Robert Rideker

• 085 R : de vue de l’éducation de la, de la construction des cadres spatio-temporels chez l’enfant, du point du vue aussi du développement de son intériorité euh, c’est pas sans conséquences cette annulation du temps et de l’espace euh cet imaginaire selon lequel on peut euh voyager en annulant le temps et l’espace c’est-à-dire instantanément se trouver en communication avec un groupe qui est à San Francisco et New York euh, je suis persuadé que euh, ça a un impact très très fort sur la construction des schèmes euh, euh spatio-temporels chez l’enfant or, or, euh, ce dont il a besoin c’est probablement de, sans doute l’enfant a-t-il besoin aussi de s’ennuyer c’est très important l’ennui. Sur les ordinateurs on ne s’ennuie pas bon parce que l’ennui construit le temps hein, euh, l’ennui construit chez l’enfant une appréhension du temps très très spéciale dans sa dilatation, dans sa durée

• 086 F : oui mais pas l’ennui à l’école, c’est ça peut-être [rire] il y a peut-être quand même c’est vrai que l’ennui est très constructeur moi je suis, souvent affolé de voir tous ces gens qui veulent saturer l’emploi du temps des enfants mais c’est l’ennui à la maison, c’est l’ennui qui dirige la lecture, c’est de lever les yeux au ciel /plutôt que de regarder la télévision,

• 087 R : /oui

• 088 F : mais à l’école l’ennui elle est votre ennemi //en tant que professeur

• 089 R : //et qui sait, j’aime bien parfois que mes élèves s’ennuient euh je fais exprès pour qu’ils s’ennuient aussi parce que ils imaginent, il réfléchissent, ils pensent, ils divaguent, ils sortent mais quand on est scotché à un écran euh ces dimensions là de, euh, parce que vous avez parlé d’information, de compilation le but de l’école c’est pas, ça c’est pas d’apporter des informations c’est c’est c’est pas une accumulation encyclopédique, c’est la construction de la pensée chez chez l’adolescent bon, scotché à un écran c’est impossible je suis désolé

• 090 F : Bernard Gardeye

• 091 G : l’ennui me séduit beaucoup et là je suis tout à fait d’accord avec la nécessité de l’ennui et je pense que les ordinateurs ne ne suppriment pas l’ennui. Ils suppriment l’ennui à quelqu’un qui a 35ans ou 40ans rentre en contact avec l’informatique et ne la maîtrise pas, ne la domine pas et sera dominé par cette affaire là, les enfants en prendront très vite la distance ils le prennent déjà donc je crois qu’ils garderont leur plage d’ennui et de distance, ils ne seront pas dominés par, mais cette je crois que c’est nécessaire qu’il le connaisse et quand vous parlez d’une compilation ce n’est pas pour faire, ce n’est pas moi j’ai dit effectivement que c’est un outil fantastique de compilation mais c’est de la compilation qui sert à construire un raisonnement c’est-à-dire on peut éliminer des tas d’hypothèses et donc avancer dans le raisonnement, et ça c’est c’est là que ça va changer la culture parce qu’il y a, il y a un éventail de compilation alors qu’on, qu’on restait forcément dans des hypothèses moi je pense moi je pense surtout je suis ancien ingénieur de formation et mathématicien donc il y avait des capacités il y avait, il y a, il y a le raisonnement scientifique, je parlais là du raisonnement scientifique vous qui est complètement modifié par ça

• hein //c’est sur que la poésie ne sera pas touchée par

• 092 F : //mais alors

• 093 F : mais alors le raisonnement scientifique et modifié par cela mais euh, d’ailleurs on le constate dans votre reportage et c’est un point que je voudrais soumettre à la discussion, il y a un certain nombre d’élèves qui sont en retard en mathématique parce qu’il ont des problèmes de compréhension des énoncés, /donc c’est vraiment

• 094 G : /oui

• 095 F : la crise de la langue qui affecte alors là toutes les disciplines, et à cet égard j’ai reçu il y a quelques mois la lettre d’un professeur qui est aussi de cette région, un professeur du lycée Michelet de l’Almesan Patrick Dupoeye professeur de philosophie et il disait qu’il y avait une très grande bonne volonté des élèves vis à vis de la philosophie, il y avait, ce qu’il leur manque écrivait-il c’est d’être chez eux dans le langue française. Alors on parle d’ingérence, c’est un exemple qu’il donne mais en creusant un peu on s’aperçoit que pour les trois quarts cela signifie le fait de ne pas être géré, d’être laissé à l’abandon, inestimable qualifié ce qui n’est pas digne d’estime, un critère est une accusation, profané c’est prononcer des injures, irresponsable veut dire innocent euh et puis il donne un autre exemple, il veut vérifier qu’on a bien compris le mot lésé silence prudent vient une réponse, lésé ça veut dire favorisé. Pardon mais oui par exemple un milieu lésé sans commentaire dit-il. Bon c’est un problème j’imagine d’ailleurs que vous vous vous auriez d’autres exemples Robert Rideker mais bon et ça tout le monde le reconnaît Jacques Chirac, Claude Allègre, il y a la question de l’illettrisme et puis plus généralement encore il y a cet effondrement de l’apprentissage de la langue. Ma question en quoi les les nouvelles technologies peuvent-elles résoudre ce problème, est-ce qu’elles l’aggravent, est-ce qu’elles le résorbent, est-ce qu’elles le contournent Bernard Gardeye

• 096 G : alors l’apprentissage de la lecture c’est un problème sur lequel je travaille depuis dix ou quinze ans avec mon équipe dans l’établissement et bien avant donc l’arrivée des nouvelles technologies. Donc apprendre à lire, apprendre à lire c’est faire du sens avec des signes. On nous livre en 6ème des élèves puisque je ramène moi au collège pour on nous livre des élèves qui savent faire du son avec des signes mais pas de sens, hein ou très peu de sens alors là tous les moyens sont bons pour arriver nous avons travaillé longtemps sans utiliser les nouvelles technologies et vous avons découvert en introduisant parcimonieusement les nouvelles technologies il y a des exercices, des logiciels qui ont été conçu à propos de donc de l’apprentissage à la lecture qui permettent pour une élève qui sait faire du son avec avec de l’image, avec des signes de passer au sens tout simplement parce que la la perte de sens elle se fait ,elle se fait dans la lecture lente. Le problème de la lecture c’est d’obtenir une lecture rapide, hein, pour ne pas pour éviter la perte de sens et ça les les la machine bêtement bêtement alors je dis tout à fait bêtement elle a des trucs qui permettent d’accélérer de plus en plus la lecture et de piéger l’élève et de le conduire à anticiper à élargir son empan et bien ça et ça c’est un exercice qui est très difficile à faire avec une plume et un crayon et nous avons remarqué que mais ce n’est pas le seul exercice pour la lecture ça c’est, c’est 10% du travail que nous faisons sur la lecture mais nous ne voulons pas négliger cet outil qui a été assez performant avec certains élèves et pas encore la totalité mais je pense qu’on a pas le droit de le rejeter, l’informatique pour apprendre la lecture ça sert, ça sert en autre ça sert à travers

• 097 F : alors Robert Rideker sur ce point

• 098 R : pour ma part je crois que c’est l’effondrement de la lecture dans les classes de troisième, seconde, première qui font qu’on en arrive à la situation décrite par Monsieur Du Poeye bon, effondrement de la lecture euh,

• 099 F : vous confirmez

• 100 R : euh oui je confirme, c’est beaucoup plus grave que ce qu’il dit

• 101 F : encore plus grave

• 102 R : encore plus grave oui, effondrement de la lecture, il est très difficile aujourd’hui de demander aux élèves de lire hein, de lire chez eux. Bon euh, vous proposez un livre à lire euh euh, on va vous dire mais c’est trop gros euh, il y a trop de pages, on ne peut pas. Dans des classes littéraire vous demandez de lire à haute voix une page et bien il y a des élèves qui vous disent c’est trop long et je ne vais pas y arriver et vous leur faites lire à haute voix ils déchiffrent /en classe de terminale littéraire,

• 103 F : /hm hm

• 104 R : ils déchiffrent bon, mais l’enseignement du français euh, est lui aussi victime de ça. En première quand les élèves vont passer le bac de français et bien on étudie plus ’le rouge et le noir’ en entier on ne lit plus une oeuvre de Balzac en entier hein, ou de Victor Hugo bon, on préfère la nouvelle parce que on craint de défrayer les élèves, or lire le rouge et le noir c’est une aventure intellectuelle à quinze ans très formatrice, voilà

• 105 F : oui mais alors justement ce que dit Bernard Gardeye /c’est vrai on a une situation

• 106 G : /oui

• 107 F : disons dramatique euh, est-ce que justement ces machines modestement ne peuvent pas être plus efficace que que l’on était certains instituteurs et permettre précisément de résoudre partiellement cette crise est-ce que vous ne croyez pas au moins à cette possibilité, Robert Rideker

• 108 R : euh des machines plus efficaces que des instituteurs euh,

• 109 F : ou des instituteurs aidés par des //machines, c’est ça que je voulais dire

• 110 R : //voilà voilà alors d’accord, est-ce que c’est l’enseignement assisté par ordinateur ou est-ce qu’on va pas plutôt vers l’ordinateur assisté par un enseignant. Dans ce cas on retrouverait finalement le pédagogue de l’antiquité qui était un esclave et qui montrait aux enfants des classes aisées ce qu’était la société, comment ça fonctionnait la société, mais qui était un esclave

• 111 F : oui Bernard Gardeye

• 112 G : moi ce qui m’a intéressé là c’est de dire vous constatez, vous êtes prof en philo, vous constatez les élèves ils ne lisent pas. Bon ils ne lisent pas, pourquoi ils ne lisent pas c’est comme un élève ne nage pas pourquoi il ne nage pas parce que s’il nage trop lentement, s’il nage avec trop de difficultés /il va, il va pas aller nager donc il faut d’abord que

• 113 F : /ça l’embête

• 114 G : l’acte de lire devienne un acte agréable et facile. Si un outil permet d’acquérir cette aisance cette facilité dès les classes de sixième et ça c’est notre pari, nos enfants lorsqu’ils ont travaillé un an et que évidemment peut-être on les attiré avec l’ordinateur à un moment, il y a un stage qui est présenté on a tout fait pour les attirer dans le reportage, ils sont dans un château hein on les a déplacé, on a fait tout ce qu’il faut pour qu’ils aient un cadre très particulier. Ces enfants là s’ils acquièrent la vitesse de lecture peuvent prendre du plaisir à lire parce que on ne lit pas comme ça parce que ça fait plaisir au prof, c’est parce qu’on prend son propre plaisir à la lecture et ça c’est un outil qui nous permet de gagner en vitesse, c’est gagner en plaisir, essayer de lire lentement vous verrez

• 115 F : alors Bernard Gardeye quand même, un reportage euh, de ce sujet d’Envoyé spécial on a montré disons le rôle que pouvait jouer ces nouvelles technologies dans l’apprentissage et le rattrapage des matières scientifiques, des mathématiques, hein et on a constaté donc que que d’abord les élèves qui ne marchent pas bien hein, les élèves qui ont des difficultés ne se font pas absolument prier pour venir dans ces cours de rattrapage et puis c’est même les bons élèves qui frappent à la porte en se disant je voudrais y aller aussi. Premièrement, mais alors justement pourquoi pourquoi parce que l’ordinateur présente les exercices autrement que disons la manière traditionnelle. Traditionnellement les énoncés sont longs, voilà ce qu’on, mais là, grâce à l’ordinateur ils sont brefs c’est une question claire stylisée, attractive et pour le reste le problème nous dit-on est posé de façon visuel d’où la conclusion, gain de temps. Les carences en lecture sont éliminées on va à la substance de la question posée et seule devant la machine l’enfant reprend confiance en soi puisque c’est c’est un thème effectivement qui est assez récurrent un leitmotiv l’enfant reprend confiance en soi mais à quel prix en lui, mais à quel prix c’est-à-dire que là le problème de la lecture est contourné. On a pas des énoncés très longs très austères on a pas de livres parce que ça embête et d’ailleurs un des professeurs à un autre moment le dit le livre ça ne fonctionne plus on a sur écran une question lisible et de l’image donc là, on ne résout rien, on dit il y a un problème visiblement on constate un divorce les enfants et la lecture et on fait faire des maths autrement, ça je trouve qu’il y a beaucoup plus d’une abdication qu’une résolution

• 116 G : je je j’avais peur //que ça soit compris comme ça //alors vous avez voulu, enfin

• 117 F : //Bernard Gardeye //bon alors justement non levez le malentendu, /je l’ai compris comme ça sans mauvais esprit

• 118 G : /ce

• 119 G : ce n’est pas du tout ça c’est-à-dire que c’est un élève qui est en échec du fait qu’il est en échec en lecture les choses sont simples il est en échec partout. C’est-à-dire il est en échec en biologie il est est en échec en histoire-géographie on va pas faire le tour, il est en échec partout. Alors cet élève étant en échec partout si par un système qui élimine son échec en lecture nous arrivons à lui faire comprendre qu’il vaut quelque chose, qu’il a une capacité de réussite en mathématique par exemple dès l’instant qu’on a éliminé la lecture, il s’aperçoit qu’il est bon en mathématique et il fait un score peut-être égale ou des meilleurs de la classe alors qu’il a toujours quand on lui donne un devoir de math une mauvaise note. A ce moment là //le dialogue c’est tombé là et les journalistes un des ces

• 120 F : //il est remotivé

• 121 G : enfants en question l’a dit, c’est parce que je ne sais pas lire et donc et cet enfant là vous l’avez retrouvé en stage de lecture, c’est-à-dire donc pour éliminer ce problème là puisque de toute façon les problèmes lui seront toujours posés par la lecture et que c’est un élément beaucoup plus fondamental de la culture, je voudrais dire que même encore que l’informatique que la lecture vous voyez hein, //c’est-à-dire [rire]

• 122 F : //il vient sur votre terrain Robert Rideker non mais là je trouve que le proviseur convaincu est assez convaincant donc est-ce que vous êtes vous-même un peu ébranlé, Robert Rideker

• 123 R : euh, ébranlé euh, ben, c’est un pari, il y a pas de résultats extraordinaires pour l’instant vous faites un pari sur l’avenir j’espère que dans ce cas là il va réussir mais je préférerais qu’il y ait d’autres méthodes parce qu’il y a, il y a tout un contexte tout un arrière fond enfin, Internet, l’informatique c’est pas seulement une technique c’est aussi une idéologie une vision de l’homme, c’est aussi un projet politique qui avait été celui de Vienner au début dans ’cybernétique et société’. Bon, tout ça ça n’est jamais pris en compte dans les débats et dans les discussions et j’aimerais que l’on parvienne s’il y a de bons résultats, qu’on y parvienne d’une autre manière que comme ça

• 124 F : et Bernard Gardeye vous aimeriez aussi mais vous pensez que //ce n’est pas possible

• 125 G : //ah oui si si on nous en voit si on nous en voit tous les élèves en sixième qui savent lire moi je j’aime bien revenir ur le terrain parce que c’est plus concret /moi je c’est tombé là et les

• 126 F : /oui

• 127 G : journalistes les élèves de sixième c’est évident moi je préférerais qu’ils sachent lire d’emblée. Maintenant vous dites plus il y aura de gens qui qui maîtrisent l’informatique plus le problème que vous évoquez cet espèce de secte de l’informatique on va dire les choses comme cela, hein, seront éliminés si l’informatique est partagée par tous maîtrisée par tous hein, elle changera ça change complètement les données politiques que vous évoquez

• 128 F : mais quand vous disiez on terminera là dessus toute les disciplines au début de l’émission Bernard Gardeye, est-ce que vous pensiez aussi à la, à au français à la philosophie et aux humanités //un mot simplement

• 129 G : //alors la la la philosophie non parce que je ne pensais pas le philosophie mais quand je voulais dire toutes les disciplines je pense par exemple à l’histoire et à la géographie qui s’accommodent très bien à des, il y a des logiciels très performants par exemple les les il y a des exercices de formation en français on l’a vu pour la lecture mais même à des niveaux plus élevés de quatrième ou troisième souvent d’ailleurs pour les élèves en difficultés qui sont importants mais ensuite je crois qu’elles vont imprégner quand même, je répète toujours qu’on le veuille ou non parce que même les grands-mères auront un ordinateur à la maison, toute la culture

• 130 F : alors Robert Rideker votre //conclusion

• 131 R : //euh pour le français ou la philosophie tout dépend de ce que l’on appelle français si on appelle exercice de grammaire je veux bien mais en fait moi j’entends littérature euh, c’est-à-dire rapport au livre qui constitue une expérience singulière euh, chez chaque individu. Je lisais hier le, Viviane Forrester ’Ce soir après la guerre’ ou il y a des passages magnifiques ou elle raconte lorsque jeune fille il y avait cette expérience vous l’avez lu peut-être, il y avait cette expérience de la lecture alors que le monde s’effondrait autour d’elle et c’est comme ça qu’elle s’est formée

• 132 F : bien, nous terminerons sur cette cette évocation Robert Rideker je suis très heureux que cette discussion ait pu avoir lieu je ne pense pas qu’elle influencera les décisions car elles sont déjà prises mais enfin, une véritable discussion démocratique je crois que ce serait, ce serait là. Enfin nous en avons donné l’exemple alors je vous remercie Robert Rideker et Bernard Gardeye, la semaine prochaine nous parlerons du ’malaise dans l’art contemporain’ avec Jean Clair et Philippe Dagen