REPLIQUES 4 (22/11/97) : ’Malaise dans l’art contemporain’

• F : Alain Finkielkraut, Animateur

• C : Jean Clair

• D : Philippe Dagen

• 001 F : le 22 janvier de cette année, le Figaro publiait un entretien entre Marc Fumaroli et Jean Clair sur l’art contemporain. L’enfermement de l’art contemporain, son auto-suffisance et son auto-complaisance sont une catastrophe intellectuelle disait notamment Jean Clair et Marc Fumaroli : ’si l’art est éducation du sensible il faut l’encourager à emprunter d’autres chemins que ceux dont le médiatiquement correct contrôle actuellement l’accès’. Quelques semaines plus tard, Philippe Dagen le critique d’art du Monde répondait dans ce journal aux attaques du directeur du musée Picasso et du titulaire de la chaire Rhétorique et société au Collège de France par un article intitulé : ’l’art contemporain sous le regard de ses maîtres censeurs’. Dagen dit dénoncer, je cite : ’une campagne qui ne s’embarrasse ni de précisions, ni de nuances’. En cet automne finissant, la polémique se poursuit s’approfondit et s’intensifie sous forme de livres. Paraissent en effet, simultanément chez Gallimard ’La responsabilité de l’artiste’ de Jean Clair et chez Grasset ’la haine de l’art’ de Philippe Dagen. Rien n’étant pire pour la survie même de l’art que le nihilisme joyeux du tout est égal, ou que la tolérance molle du ’à chacun ses goûts’ pour l’éducation du goût. On devrait se réjouir de cette grande querelle esthétique. Des goûts et des couleurs on discute et c’est tant mieux, l’humanité est encore vivante. Ce qui surprend cependant et tempère l’enthousiasme c’est la véhémence du temps, véhémence et même fureur perceptible Philippe Dagen dans le titre de votre ouvrage, ’La haine de l’art’ écrivez-vous. Faut-il en conclure que toute critique de l’art contemporain, c’est-à-dire des oeuvres et des installations coiffées par ce label, procède d’une aversion, d’une hostilité ou d’un dégoût envers l’art lui-même ou pour le dire autrement, l’amour de l’art consisterait-il à s’incliner les yeux fermés devant tout ce qui émerge, Philippe Dagen

• 002 D : Je vois que je n’avais pas tort de penser que ce débat ne s’embarrassait ni de nuances, ni de subtilités. Euh //à

• 003 F : //vous commencez fort

• 004 D : à l’évidence il ne s’agit d’aucune de ces interprétations, euh. La haine de l’art dont je parle en la circonstance est celle qui se manifeste dans le comportement culturel d’un certain nombre, voire de la grande majorité de nos concitoyens et qui trouve à s’exprimer ou à se légitimer dans un certain nombre d’écrits, parmi lesquels ceux que vous avez cités et d’autres, car vous avez fait remonter votre historique à l’article du Figaro. On aurait pu le faire remonter plus avant, sur d’autres supports

• 005 F : oui donc euh, vous dites que ce débat ne s’embarrasse ni de nuances

• 006 D : non parce que, je veux //dire il n’est, il est évidemment exclu que ce soit l’une des deux

• 007 F : //ni de

• 008 D : hypothèses que vous //présentez

• 009 F : //ben, sauf que vous dites qu’il y a, sauf que vous dites, ce que vous venez de dire donc je parle de votre livre, vous venez de me dire que euh, euh. Il y a une haine de l’art dans le public, une haine de l’art relayée par un certain nombres de gens et on, à ces gens on pourrait ajouter, Jean-Philippe Domecq qui est à la revue Esprit. En effet, ce qui voudrait dire donc que, euh que ceux qui critiquent aujourd’hui l’art contemporain témoignent d’une haine de l’art. Est-ce que c’est est-ce

• que //cette hypothèse est juste

• 010 D : //ce qui veut dire, ce qui veut dire que l’art contemporain a infiniment de mal à être compris en France, particulièrement. Ce qui ne signifie pas que l’on puisse parler de l’art contemporain comme un ensemble, un seul bloc qui n’aurait je ne sais quelle définition. Ce qui signifie simplement de depuis plusieurs siècles il y a en France un rapport à la création qui me paraît un rapport pour le moins douloureux.

• 011 F : Rapport pour le moins douloureux, donc, Jean Clair que, que, comment ressentez-vous cette critique, c’est-à-dire vous et l’art vous et la haine de l’art.

• 012 C : Ça fait 30ans à peu près que je m’occupe d’art contemporain, quels que soient les artistes que l’on mette, que l’on range sous cette rubrique, d’art contemporain il y a des gens qui sont contemporains, il y a des gens qui travaillent en même temps que nous euh, faudrait donc que je fusse vraiment si maso, si masochiste pour détester l’objet même dont depuis 30ans je m’occupe. Moi j’aimerais d’emblée poser une question à Philippe Dagen parce que j’ai d’autant cru que c’était une girouette en matière de critique, changeant d’idée comme de chemise à peu près selon d’un article à l’autre et d’une semaine à l’autre, en fait j’ai été, en relisant son livre j’ai été ramené à réviser ma position. C’est pas une girouette c’est quelqu’un qui a une méthode, c’est quelqu’un qui relève plutôt du caméléonisme, c’est-à-dire qu’il prend la couleur du milieu dans lequel il s’exprime, voici ce que Monsieur Dagen écrivait il y a très peu de temps, il y a pas 30ans c’est pas comme les archives que vous êtes allé piocher pour me ressortir Picasso, il y a un an ou deux vous écriviez, ’dans une ou deux décennies il conviendra d’écrire l’histoire de l’académisme moderniste dont les années 80 ont été les 10 glorieuses, elle dressera l’annuaire des champions de ce pompiérisme municipal qui n’a rien à envier au pompiérisme du radical socialisme d’il y a 100 ans. De Buren à Venet ajoutez-vous l’ordre alphabétique sera respecté, pour les artistes majeurs de la première moitié du siècle pour Picasso, Matisse, Braque, ou Bonnard aucune ville aucun musée n’a consenti le moindre effort, ni le moindre achat’, c’est totalement faux nous y viendrons à peu près jusqu’à la libération. Mais pour Leccia et le Gac ajoutez-vous Morelet et Lavier il n’en aura pas été de même, il est aisé de tirer les conclusions d’un tel parallèle. Donc j’aimerais bien savoir de quel côté vous vous placez, c’est-à-dire que quand vous écrivez dans un livre en compagnie d’universitaires parmi lesquels, Marc Lebot, Yves Michaux, Raymonde Moulin, et Michel Schneider vous vous engagez dans une croisade anti-avant-garde, quand vous écrivez dans le Monde et quand vous écrivez dans Art-Press, vous devenez brusquement le supporter de Leccia, de Boltanski, de le Gac et de Moref, alors j’aimerais bien savoir où est-ce que vous vous placez ?

• 013 F : Philippe Dagen

• 014 D : bien un premier point si vous placez le débat dans le registre de l’insulte nous

• n’avons rien à y gagner /et le débat prendra une fin très courte

• 015 C : /pas du tout

• 016 D : donc //le

• 017 F : //non ça je ne le souhaite pas hein

• 018 D : moi non plus, mais à chacun de garder ses nerfs et de garder sa langue donc le giroéttisme et le caméléonisme je veux croire que c’est un seul dérapage et qu’il n’y en aura pas d’autres, sinon le débat s’arrêtera net

• 019 C : vous vous en êtes accordé bien d’autres dans //votre livre, ne racontez pas que je

• 020 D : //deuxièmement si vous m’avez si vous m’aviez lu, mais apparemment vous n’avez pas le temps de lire. Oui, mais oui ce que je dis de Buren ou de Jean-Pierre Reynaud dans le texte que vous venez de citer je le dis dans les mêmes termes dans ’La haine de l’art’, à tel point d’ailleurs que ces Messieurs manifestent à mon égard, je le comprends parfaitement un parfait ressentiment, donc euh, vous vous vous targuez de contradictions qui ne sont qu’un défaut d’information de votre part

• 021 F : cela, alors, cela étant c’est, c’est vrai disons une des surprises que réserve la lecture de vos de vos deux livres, c’est qu’en effet que vous vous opposez très vivement mais que quelque fois vous vous rejoignez sur un certain nombre de noms propres, euh, donc je ne pense pas que toute cette querelle soit un malentendu il se trouve pourtant Philippe Dagen que vous citez parmi disons les grands artistes modernes, Hélion, Musich que vous citez Musich, également Bacon l’un et l’autre, donc d’une certaine manière si l’on vous demandait aujourd’hui, à l’un ou à l’autre, de dresser c’est toujours risqué mais disons un panthéon des grands artistes modernes on verra tout à l’heure s’il y a une différence à faire entre moderne et art contemporain, il n’est pas sûr que vous soyez si éloignés que cela, donc ce ce alors c’est c’est

• 022 D : encore //faudrait-il, encore faudrait-il que nous les défendions pour les mêmes raisons

• 023 F : //qu’est-ce que ça veut dire

• 024 D : citer citer des noms faire une sorte d’annuaire c’est au fond très facile et ça ne prouve pas grand chose

• 025 F : et vous pensez que les les raisons sont //très différentes

• 026 D : //je ne sais pas, il se peut oui

• 027 F : essayons de voir si derrière les noms propres il y a des raisons fondamentales à la dispute l’un euh, euh, disons que..

• 028 D : c’est amusant comme question

• 029 F : ben oui, oui puisque vous, vous, vous, vous, vous reconnaissez sur des noms vous vous reconnaissez des admirations communes et ces admirations vous dites Philippe Dagen que c’est pas forcément à partir des mêmes raisons, des mêmes principes que vous les concevez, il y a un point de, votre querelle Philippe Dagen elle s’adresse pas simplement dans votre livre à Jean Clair, il y a Fumaroli etc. Mais disons euh, le le point le point névralgique de la polémique avec Jean Clair porte sur euh, ce que dans son livre Jean Clair appelle euh, le rôle, de de la nation, l’idée d’une école nationale de peinture. La peinture en Occident dites vous Jean Clair comme ailleurs naît de son lien à une terre natale vous vous interrogez sur la possibilité ou non, l’existence ou non d’un art national et vous mettez en cause le néo-cosmopolitisme contemporain, le sabir international disons, de l’art contemporain alors peut-être pourriez-vous expliciter ce point pour que nous progressions si vous voulez, dans la, ne fusse que dans la la description même de la querelle

• 030 C : très volontiers je suis évidemment très conscient qu’à partir du moment où l’on prononce le mot nation dans la situation actuelle on risque les pires avanies et les pires injures et les pires amalgames. Bon, il se trouve que cet été j’ai été à Prague et je suis allé voir une exposition qui était, qui s’appelait le siècle de Rudolf II c’est la plus grande exposition que que Prague n’ait jamais montée, qui se déroulait dans cinq les cinq grands musées praguois, ça a coûté une fortune à l’Etat tchèque c’était la première fois que les Tchèques pouvaient faire revenir à Prague les trésors Wunderkamer de Rudolf II emportés par les Autrichiens au moment de la défaite de Prague, c’est la première fois aussi qu’on consacrait une telle exposition à ce phénomène extraordinaire qu’a été la culture de Rudolf II et ce que l’on a appelé beaucoup plus tard le ’maniérisme praguois’. Bon, euh on est là exactement, personne d’ailleurs en France, Le Monde en tout cas certainement pas n’a rendu compte de cette exposition qui est une des plus grandes qu’on ait faite en Europe depuis des années. Si vous allez demander à des Praguois pour quelles raisons ils ont consacré tant d’agent à monter cette exposition sur Rudolf II, ils vous riront au nez parce que bien évidemment pour eux après 40 ans de soviétisme la revendication de l’identité nationale tchèque est une chose qui va de soi, et en même temps c’est très intéressant de voir comment un phénomène culturel très local et très global qui a été cette petite cour de Rudolf II, a été en même temps à l’origine d’un phénomène devenu universel qui est le maniérisme. Ce que je veux dire à propos de Prague, je pourrais le répéter à propos du Québec où je, où j’ai travaillé où je travaille encore si vous allez demander aux Québécois pourquoi ils sont tellement nationalistes vous risquez de vous faire flanquer un coup de poing dans la figure parce que ils savent pourquoi ils sont nationalistes alors moi je trouve un petit peu agaçant pour dire, pour dire le moins de me faire traiter de pétainiste ou de crypto-pétainiste ou de crypto-fasciste parce que j’ose dire qu’effectivement l’identité française ça existe, et je ne suis pas du côté du Front National quand je dis ça. Par contre lorsque j’entends Monsieur Dagen parler de la peinture française moderne citer Picasso, Matisse, Braque et Bonnard à tour de bras je suis très étonné de voir qu’il ne cite jamais ni Soutine, ni Modigliani,

• ni Chagall, ni Pascin //comme si à force de lire si à force de lire Camille

• 031 D : //hum ça c’est bien bravo [applaudissement] d’avoir trouvé ça

• 032 C : Mauclair vous étiez, vous aviez fini par vous laisser influencer

• 033 D : c’est très fort [peuh]

• 034 C : par Camille //Mauclair

• 035 D : //mes compliments

• 036 F : alors Philippe //Dagen Philippe Dagen

• 037 D : //mes compliments, je crois qu’il faut quand même pour que les auditeurs de France Culture apprécient le caractère scabreux pour le moins de votre imputation, préciser puisque c’est naturellement ce que vous avez à l’esprit que Soutine, Modigliani, Pascin et je ne sais pas euh Marc Chagall

• je crois, //étaient juifs

• 038 C : //[applaudissement] à moi d’applaudir à mon tour

• 039 D : mais bien sûr /donc j’imagine que vous allez probablement m’accuser prochainement

• 040 C : /bravo

• 041 D : d’être antisémite

• 042 F : non mais //Philippe Dagen

• 043 D : //non mais allez-y, non mais //allez-y allez-y

• 044 F : //attendez je voudrais intervenir, je voudrais intervenir, je voudrais intervenir Philippe Dagen. Dans votre livre dans votre livre il y a disons tout de même un leitmotiv euh, c’était déjà dans dans dans l’article à cause, à cause disons de la revue ’Crisis’ cette revue d’Alain Devenoix où Jean Clair a donné un un un entretien. Nous y reviendrons, peut-être mais dans votre livre il y a les références à Mauclair, il y a cette idée voilà Vichy, Vichy est là, Vichy revient le traditionalisme vichyssois qui menace

• 045 D (ou C) : vichyste [chuchotement]

• 046 F : vichyste, vichyste merci de cette correction qui menace à nouveau. Alors là je voudrais que vous vous expliquiez sur cette imputation puisqu’elle est présente dans votre livre et moi je voudrais si vous voulez lui opposer quelque chose qui n’a rien à voir avec l’art car je ne veux pas intervenir directement dans la querelle artistique mais qui a à voir avec l’histoire. On a le sentiment aujourd’hui même avec le procès Papon d’une équation de fait Patrie égale Vichy. Or c’est très étrange parce que tout de même les vichystes comme vous le dites, ils n’ont pas défendu la nation ils l’ont livrée. L’Action française qu’est-ce qu’elle disait pas de guerre à l’ennemi de l’extérieur, guerre à l’ennemi de l’intérieur, et Vichy a mis en acte cette politique. Donc euh, récuser l’idée de nation parce que Vichy c’est faire bon marché de l’appel du 18 juin, c’est faire bon marché de Bernanos c’est faire bon marché d’Edmond Michelet, de Simone Weil, de Marc Bloch. Bref de tout un esprit de la résistance, si ce n’est de toute la résistance donc vous voyez c’est ça qui peut apparaître un peu gênant, à partir du moment où il y a une référence nationale où l’idée de nation intervient on est a accusé de vichysme alors que l’équation Vichy - Patrie elle est tout de même extrêmement problématique, Philippe Dagen

• 047 D : il me semble bien que la politique de Vichy était sous l’enseigne de la révolution

• nationale, //[inaudible]

• 048 F : //oui mais la politique, oui mais la politique de De Gaulle

• était sous l’enseigne //de la nation

• 049 D : //certes absolument, mais puisque vous me donnez pour une fois l’occasion de m’expliquer, euh je ne prétends pas qu’il y ait un retour au vichysme je pense d’ailleurs qu’il n’a pas besoin de revenir, dans la mesure où il n’a pas à proprement parler disparu. Pour dire les choses de manière très grossière, très simpliste, cette fameuse haine de l’art je crois que en réalité c’est plutôt une sorte de haine de la modernité et cette haine de la modernité pour faire de l’histoire et non pas de l’histoire de l’art, c’est une haine de l’industrialisation, c’est une haine de la civilisation contemporaine. En France elle s’est cristallisée, autour, pendant et après, la première guerre mondiale, pour des raisons qui sont d’ailleurs probablement très explicables. La première guerre mondiale c’est une certaine vision cataclysmique de la modernité, c’est une vision de la modernité qui ravage, qui détruit, qui produit des hécatombes et qui met un terme à ce qu’était la France, rurale, prospère, heureuse, de la première partie de la 3ème République. Bon, que par la suite il y ait eu une sorte de nostalgie permanente de cet état qui avait été rompu me semble une chose assez facile à constater, que cette nostalgie, cette nostalgie d’une sorte de France au fond d’Arcadie euh, se soit exprimée en particulier sous Vichy, pendant l’occupation sous la forme d’un retour à un certain nombre de rituels que l’on entendait réactiver, à un certain nombre de traditions, d’une France campagnarde familiale chrétienne me semble aussi une chose que n’importe quel historien constate, il suffit d’avoir lu dix pages de Paxton et vous en avez lu beaucoup plus que cela pour le savoir. Donc il ne s’agit pas tant de Vichy en soi, que ce que Vichy caricature c’est-à-dire cette sorte de refus du 20ème siècle qui me semble être en effet et pas seulement dans le domaine artistique une constante de la vie historique française

• 050 F : oui, permettez-moi une une une nouvelle intervention avant de donner la parole à Jean Clair, parce que ce rapport ce rapport conflictuel avec la modernité il est aussi présent chez les artistes modernes eux-mêmes, c’est-à-dire que, et notamment

• chez Cézanne /Cézanne le le dit le dit ’on devrait se hâter si on tentait encore

• 051 D : /absolument

• 052 F : de voir quelque chose tout disparaît et il constate les dégâts que l’industrie et la technique ont fait //dans l’estaque

• 053 D : //je vous remercie de m’apporter cette phrase //supplémentaire, le cubisme

• 054 F : //oui mais mais

• 055 D : n’est que //le au fond une manière de donner acte plastiquement de ce changement de

• 056 F : //oui donc

• 057 D : mode d’un monde à un autre et bien des créations contemporaines qui font rire de-ci de-là me semble-t-il n’ont d’autres au fond raison d’être que de prendre acte de ce genre de métamorphoses. Alors on peut les refuser, on peut essayer de les comprendre mais il ne sert pas à mon sens à grand chose d’essayer de de de les anathémiser pour faire en sorte qu’elles disparaissent car elles ne disparaîtront pas

• 058 F : Jean Clair

• 059 C : Ben c’est là évidemment que notre analyse pour autant qu’il y ait une analyse d’ailleurs se sépare parce que qu’est-ce qui se passe en France dans les années 60, passons quand même au déluge c’est-à-dire dans les années 60-70. La France s’ouvre largement à l’internationalisme c’est-à-dire à l’américanisme, fait du pop à la française, du minimalisme à la française, euh, du conceptualisme à la française avec le résultat que l’art français contemporain est royalement ignoré sur le plan international à la même époque dans les années 70 et ce que je dis dans mon livre et c’était le point de départ de ce livre et de cette réflexion l’école italienne devient trans-avantgardia et fait référence au passé italien des années 20 et des années 30. L’école allemande avec Bagelits élève de Beuys fait référence au passé allemand le plus lourd le plus expressionnisme et le plus pesant et parfois le plus teinté et quand je dis teinté c’est un euphémisme de germanisme et d’antisémitisme, et je le démontre dans mon livre. Et quant à l’école anglaise elle heureusement démocratique et ses représentants sont des gens comme Freud ou Neuer Bach excusez-moi à nouveau, elle s’intitule ’école de Londres’ au moment même où l’école de Paris refuse de s’intituler ’école de Paris’ or qui sont les peintres qui s’imposent sur le marché international c’est-à-dire à New York, c’est les Italiens, c’est les Anglais et c’est les Allemands, au moment même où les Français disparaissent, je me pose la question on ne peut pas ne pas se la poser...

• 060 F : C’est-à-dire c’est quoi, la disparition des Français due au fait effectivement qu’ils ont voulu faire, imiter un art international au lieu de s’inspirer de leur propre tradition ↑

• 061 C : Exactement de leurs propres traditions, de leurs propres sources, de leurs propres cultures

• 062 D : D’une part //je ne crois pas que le comparatisme d’un pays à l’autre soit nécessairement

• 063 F : //Philippe Dagen

• 064 D : probant, d’autre part euh ce mimétisme qui d’ailleurs a été probablement beaucoup moins grossier que vous ne le dites, s’inscrirait absolument dans la logique de ce que je viens de dire. En effet on ne sait plus à partir d’un certain moment à quelles références se raccrocher, les références traditionnelles auxquelles vous, vous faites systématiquement appel sont des références qui sont historiquement pour partie obsolètes on en cherche d’autres, on en trouve pas probablement

• 065 F : mais on peut alors, je voudrais maintenant qu’on essaye peut-être euh de qu’on tente une définition de ce qu’on appelle l’art contemporain. Est-ce qu’il y a entre l’art contemporain et l’art moderne une différence, alors je vais vous proposer moi, euh euh, une définition mais je la propose à la discussion, elle est là sans doute pour être contestée et en plus je je je j’ai été la chercher chez des bons auteurs alors deux bons auteurs l’un défavorable à l’art contemporain l’autre très favorable à l’art contemporain qui se rejoignent sur ce point et qui ont déjà discuté et qui ont discuté d’ailleurs ici même, euh, Jean Baudrillard pour l’auteur critique qui c’est, c’est l’une, de vos cibles, Philippe Dagen il dit ceci, euh, parlant de la Bad painting, des installations, des performances ou de la new-painting, il dit : ’par bien des côtés la peinture contemporaine se parodie, se renie elle-même’. Il définit donc l’art contemporain précisément par là, le questionnement de l’art, la critique de l’art. Un art qui ne veut pas tant produire des oeuvres, qu’une critique de l’art, et ce qui est intéressant c’est que Anne Coquelin dans son traité de l’art contemporain, donc, très favorable à cette nouvelle forme artistique, dit que, que toutes ces formes l’art minimal, l’art conceptuel le land-art etc. peuvent être compris au moyen d’une même notion, le décepte. Il s’agit de décevoir une attente, de dissiper une illusion. On va à l’art dit Anne Coquelin avec une doxa la croyance qu’il y a de l’art, et l’art cette forme de l’art elle est là pour décevoir cette croyance, la provocation dit-elle ne vise plus le public mais l’art lui-même dans ses aspects établis. Alors est-ce la première question que je voudrais poser, est-ce que cette définition vous satisfait, est-ce qu’elle est juste, est-ce qu’elle est pertinente et puis euh, la question que je me pose à moi-même, c’est au fond trouver cette critique de l’art par l’art un peu répétitive, un peu ennuyeuse, un peu monotone un peu démissionnaire et un peu académique, ce n’est pas nécessairement sombrer dans la haine de l’art et il y a peut être quelque chose de paradoxal à euh, demander pour ce ce qui est un refus en acte de l’art, l’admiration que l’on doit aux oeuvres elles-mêmes à des oeuvres comme des oeuvres, donc ça, c’était pour votre haine de l’art

• 066 D : vous vous vous prenez trop au pied de la lettre euh, Madame Coquelin dont la définition à ma connaissance n’a pas valeur d’écriture sainte euh //quand quand

• 067 F : //mais les objets les objets déceptifs ça existe quand même non ↑

• 068 D : oui mais enfin elle les considère, elle les considère ainsi, on peut probablement les considérer d’une tout autre manière. Quand à Baudrillard euh d’une part vous donnez une citation, il y en a d’autres dans lesquelles il est beaucoup plus généraliste : ’l’art c’est l’illusion’, hein l’art ne peut produire que des effets d’illusion, il n’y a aucune vérité à demander à l’art, ce qui est une position à laquelle je me trouve un un en opposition radicale. Bon euh, de surcroît dans l’extrait que vous avez donné il parle de la peinture, bon, à ma connaissance la peinture n’est pas tout l’art, euh quand à la notion de de de décept ou de déception euh, elle n’est déception que par rapport encore une fois à un regard qui serait un regard du passé et ça me paraît ça me

• paraît //une définition très pauvre

• 069 F : //il y a il y a quand même la postérité de Duchamp, il y a des ready-made, il y a cette question qu’est-ce qui est de l’art qu’est-ce qui n’est pas de l’art. On va vous montrer on va faire de l’art avec ce qui n’est pas de l’art pour vous demander ce qui est, et puis alors il y a il y a tout ce discours philosophique sur la transfiguration du banal, sur les objets quotidiens et les objets de l’art qui sont indiscernables les uns des autres, tout de même, toute une partie de l’art contemporain procède d’un questionnement sur l’art lui-même plutôt que de la volonté de produire des oeuvres qui seraient elles-mêmes des mises en oeuvre de la vérité, donc je ne crois pas que le discours d’Anne Coquelin soit aussi fantaisiste que cela

• 070 D : je ne dis pas qu’il soit fantaisiste, je dis qu’il est insuffisant euh, l’interprétation que vous faites de Duchamp ça pourrait être amusant de parler de Duchamp, euh, l’interprétation du ready-made qui est d’ailleurs un peu globalement l’interprétation canonique. Duchamp fait de l’art contre l’art euh, est-elle, est-elle même absolument suffisante euh, est-ce que Duchamp ne prend pas acte, si on en croit par exemple un certain nombre de ses entretiens avec Pierre Cabannes on serait quand même tenté de le croire, ne prend-il pas acte tout simplement qu’un certain type de d’économie artistique et d’économie de la production artistique n’est plus, n’est plus pertinente à ce moment là c’est moins l’art comme processus de fabrication qui est en cause, que ce que la société contemporaine peut avoir à faire avec ces objets

• 071 F : alors je vous pose la même question Jean Clair c’est, c’est vraiment peut-on distinguer l’art contemporain de l’art moderne, l’art contemporain a-t-il une unité spécifique

• 072 C : la distinction est purement académique, l’art moderne, c’est l’art moderne classique, l’art contemporain c’est l’art qui nous est contemporain mais je suis extrêmement embarrassé d’avoir à utiliser ces ces ce genre de globalisation, généralisation parce que sous la rubrique d’art contemporain on met des choses tellement diverses //tellement contradictoires

• 073 F : //oui mais vous quand vous faites avec Fumaroli ce dialogue et que vous dites qu’il y a une auto-suffisance

• //de l’art contemporain. Qui visez-vous /quel type d’attitude mettez-vous en cause

• 074 C : //oui bien sûr /ben je vise [rire]

• ben je vise effectivement une certaine production euh, institutionnelle de l’art contemporain encouragée par tout un appareil d’état extrêmement riche et puissant et lourd, Frac et compagnie qui présentent toujours la même chose, qui est effectivement de l’ordre du du décept le mot est une trouvaille, là et en me posant la question

• de savoir à quel point le public qui n’est pas aussi dur que l’on veut bien le croire,

• acceptera longtemps d’être déçu alors si vous voulez

• des exemples //je peux vous en donner /prenons un peintre un peintre, qui ose

• 075 D : //oui je veux

• 076 F : /on est à la radio mais

• 077 C : encore peindre, Albert Aula. Mais quand Albert Aula a fait une exposition de peinture évidemment ça n’est pas de la peinture ou ça n’est plus de la peinture, d’où le titre du critique qu’il rencontre : ’Albert Aula peint-il vraiment ?’ Parce que effectivement dit-elle cette critique il existe dans la peinture aujourd’hui une sorte de refus de l’incarnation solidement installée. On peint, mais on peint le rien le manque ou la disparition évidemment, il n’y a pas de quoi se réjouir beaucoup ni les yeux ni reste euh, encore une ou un autre exemple un jeune artiste contemporain encouragé par les Frac, Cathelan consortium à Dijon on est en plein établishment artistique donc Cathelan fait un trou dans une galerie, alors il y a 3 colonnes entières pour célébrer la vertu du trou, alors artiste prometteur il a commencé par installer point de suspension rien. C’est vide partout et comme il jugeait sans doute que ce trou évidemment plein de vide n’était pas encore assez vide comme ça il a creusé un autre grand trou évidemment plein de vide qui rend le vide environnant encore plus vide. Tout cela est très amusant c’est du Blanchot de banlieue, mais ce n’est quand même pas suffisant pour le grand public et ça se termine par dans la béance de la chambre funéraire le manque de décor d’oeuvres et de tout signe de la présence d’un désir sans fin nous sommes en plein dans le décept et alors là ben, notre liste le dernier, le dernier petit génie de cet art institutionnel encouragé par les Frac par la DAP et autres institutions c’est un certain Pierres Yves-Semin dont je ne peux pas m’empêcher de vous lire tout de même les activités au musée Picasso d’Antibes. ’Un artiste qui possède un grand téléviseur et qui passe son temps à le bombarder de pâte molle et gluante’ ce que le le critique ne dit pas c’est que les pâtes molles et gluantes c’est celles qu’il sort de son nez. Bon la scène est visible dans une vitrine plusieurs personnes peuvent assister en même temps au spectacle de temps en temps l’artiste prend une photo de ce mariage forcé, aléatoire de l’électronique et de la gastronomique patati, patata. Il y en a 2 colonnes comme ça, effectivement nous sommes bien dans l’ordre du décept, moi je trouve que le grand public à raison de ne pas accourir à ce genre de manifestation d’art contemporain et encore une fois très propre à la situation française parce que si on va, parce que ne croyez pas Philippe Dagen que je n’aime que la peinture bien faite à la Lucien Freud, je suis allé à Londres voir l’exposition ’Sensations’ la semaine dernière parce que j’étais très curieux de voir ce qu’était cette exposition qui paraît-il fait scandale dans les milieux britanniques. Bon, j’ai découvert une exposition pleine d’humour là où les Français sont d’une pesanteur sociologique philosophico-sémantique absolument insupportable, prétention de cuistrerie et aussi de sottise intellectuelle effectivement, bon là, j’ai trouvé une exposition pleine d’humour et //de

• 078 F : //d’où vient le scandale alors

• 079 C : du fait que la majorité des oeuvres roulaient sur des des comment dire des plaisanteries sexuelles plus ou moins de de bon goût effectivement, à la façon anglaise mais en tout cas c’était très drôle on riait à peu près dans toutes les salles et puis 85% des oeuvres étaient de la peinture et non pas des installations ou des trous alors laissez donc ce n’était pas du tout de l’ordre du décept, c’était l’ordre d’une attente effectivement qui était plus ou moins, qui était assez heureusement remplie

• 080 F : alors Philippe Dagen que répondez-vous //à ce à ce réquisitoire c’est à dire que

• 081 D : //c’est à peine

• 082 F : le décept existe //et ces oeuvres et ces installations

• 083 D : //c’est à peine un réquisitoire,

• euh il est extrêmement facile je m’étonne même que vous avez recours à un tel procédé, de prendre de 2 ou 3 exemples caricaturaux //de de de

• 084 C : //je peux en sortir 20 ou 30 j’en ai un sottisier plein chez moi

• 085 D : les mettre en scène n’importe quelle oeuvre, un Rembrandt ne résisterait pas à ce genre de traitement vous savez, / //donc

• 086 F : /et là et là //on a des trous, on a pas des Rembrandt

• 087 D : on n’en est pas là

• 088 F : on a des installations //il y a il y a

• 089 D : //ce que j’aimerais savoir par parenthèses, c’est pourquoi quelque chose qui est plein d’humour à Londres devient révulsant en France parce que franchement, il faut quand même dire que ce que Mr. Régner trouve drôle à Londres c’est l’oeuvre par exemple de Damien Hurst qui a exposé un veau ou une vache je ne me souviens plus coupé en deux, chacune de ces deux moitiés //étant dans un bac de formol

• 090 C : //non je ne trouve pas ça drôle du tout je trouve

• cela prétentieux et bête

• 091 D : ah bon c’est pas ce que vous venez de dire

• 092 C : mais oui c’est un [inaudible]

• 093 D : ah bon c’est drôle à Paris, c’est pas drôle en France

• 094 F : oui mais enfin bon

• 095 C : il y en a beaucoup d’autres

• 095 D : on sait pas

• 096 F : oui mais ce genre de chose qui n’est pas drôle à Londres et qui n’est

• pas //plus drôle qu’à Londres qu’à Paris

• 097 D : //qui n’est drôle nulle part, qui n’est drôle nulle part

• 098 F : ça existe aujourd’hui /alors encore une fois on revient au titre de votre essai

• 099 D : /oui et alors ?

• 100 F : ’la haine de l’art’ le le public étant assez souvent soumis à ce genre d’installation, à ce genre d’oeuvres décevantes à un moment euh, arrête les frais et en effet a une conception que vous pouvez juger plus patrimoniale et plus frileuse et plus nostalgique de

• l’art, /mais parce que euh disons cette subversion institutionnelle ne l’intéresse pas,

• 101 D : /oui

• 102 F : est-ce qu’il a tort

• 103 D : je crois que pour une fois nous pouvons être d’accord. En effet notre désaccord touche à ce que nous attendons, ça va paraître bête et un peu gros à dire. Mais touche à ce que nous attendons euh des oeuvres, si on en attend en effet certain confort, euh, certaines situations de contemplation euh, on entrera sans aucune difficulté dans la critique que vous venez de suggérer. Si on estime ce qui est, alors c’est peut-être tout à fait passéiste de ma part, si l’on considère que l’oeuvre d’art doit avoir une fonction critique une fonction de provocation, on peut me semble-t-il trouver d’avantage //d’intérêt et et

• 104 F : //oui mais

• 105 D : si vous me permettez /euh puisque puisque Mr. Régner me citait tout à l’heure je

• 106 F : /oui bien sûr

• 107 D : vais lui rendre bien volontiers la politesse dans dans son essai sur ’la responsabilité de l’artiste’ euh il cite, il cite Michel Foucault dans un essai qui serait à la fois brillant et irritant, je ne vais pas assommer l’auditeur de citations, euh, et d’en voir les héros de cet art donc, dont Michel Foucault se se fait un peu le philosophe, chez Mallarmé, chez Roussel chez Arnaud [fin de face A] une relance méticuleuse d’une représentation discursive et Mr. Régner continue, ’sous le langage scintillant de Foucault comment ne pas soupçonner parfois une sorte d’imposture par omission de complaisance en tout cas pour Labris. Comment au nom cité non pas opposer d’autres qui leur furent contemporain et qui témoigneraient à l’inverse de ce langage n’est pas l’expression erratique de notre être et qu’il en est la règle et qu’il n’est pas expérience de la limite mais tout autant la fondation d’un centre et l’instauration d’une conscience’, euh, je crois que en effet là nous sommes, nous n’attendons pas des oeuvres la même chose

• 108 F : oui alors, un petit mot quand même sur ce problème de nomination, j’sais pas

• comment dire vous vous appelez Jean Clair //vous vous appelez Régner

• 109 C : //je crois que lorsque j’écris lorsque

• j’écris tout le monde sait que j’écris sous le nom de Jean

• Clair /depuis trente ans donc

• 110 F : /oui

• 111 F : bon voilà c’était pour ça et c’était pour le //l’auditeur qui sait pas forcément [rire]

• 112 C : //vous connaissez si bien Archives Dagen vous deviez au moins le savoir

• 113 F : donc alors voilà donc je m’adresse à Jean Clair et que répondez-vous à cette, et comment justifiez-vous cette //cette critique de Foucault

• 114 C : //Moi j’ai

• 115 C : j’ai jamais partagé l’admiration de Foucault pour ça pour pour un certain il a une admiration qu’un certain nombre d’intellectuels effectivement frivoles et futiles de ces années-là ont eue pour Sade, vous ne me ferez //jamais penser que Sade a été un grand

• 116 D : //jamais

• 117 C : écrivain, si vous cherchez si vous cherchez de la subversion ce n’est pas chez Sade qu’elle se trouve. Sade a alimenté d’autres formes de perversion effectivement, ce n’est pas les miennes mais bon, on peut...

• 118 D : très bien, très bien, j’écoute moi

• 119 F : oui mais alors, donc vous avez le sentiment, quelle conclusion tirez-vous

• du //fait que Jean Clair a et (...)

• 120 D : //je tire aucune je tire aucune conclusion je pense que

• 121 F : il n’aime pas nécessairement ça

• 122 D : non je je alors qu’il aime ou qu’il n’aime pas ça me tracasse modérément je pense simplement que il attend euh, mais c’est tout à fait son droit, il attend euh des oeuvres d’art autre chose que ce que j’en espère et dans ces conditions là il est parfaitement légitime que nous ayons des positions quelque peu, quelque peu divergentes. Bon que que par exemple il trouve qu’Arnaud ce soit quelque chose au fond relativement inintéressant et de l’ordre du frivole, c’est //son droit

• 123 F : //oui mais attendez, attendez, parce que on on on est pas là effectivement,

• on a pas les moyens on a pas le temps d’entamer une discussion sur Sade

• 124 D : on essaie de, on essaie de //d’aller au fond des choses non bon

• 125 F : //justement justement oui justement au fond des choses qu’attend-on de l’art, euh, et et si vous voulez un art qui soit critique cela peut sembler euh salutaire, mais un art qui en guise de critique ne critique que la tradition artistique constituée, j’ai l’impression que là il entre dans une sorte de tautologie, l’art critique de l’art ça n’intéresse //que les artistes

• 126 D : //je n’ai pas parlé de l’art critique de l’art

• 127 F : oui mais souvent ces performances, souvent ces installations, souvent ces trous dans le mur etc. ils n’ont de valeur qu’en référence à la peinture traditionnelle dont ils se démarquent et dont d’une certaine manière ils se moquent, avec laquelle ils veulent rompre et si vous voulez est-ce que ça c’est pas abdiquer une autre fonction critique qui serait celle d’un regard sur le monde, et d’une, d’une d’un dévoilement du monde, et c’est

• alors //est-ce que ce dévoilement du monde est perceptible

• 128 D : //pourquoi pourquoi les dévoilements

• 129 F : c’est pas mal le dévoilement, une révélation, une vision quelque chose /qui pourquoi

• 130 D :/hm hm

• 131 F : pourquoi le mot dévoilement //voulez-vous dire

• 132 D : //non non parce que il me semblait y entendre d’autres choses mais une fonction critique de la société oui, mais, euh, parmi les oeuvres dont Mr. Clair se gausse il y en a qui en effet sont enfermées dans une sorte d’autisme de de de l’art contre l’art et je n’y trouve pas beaucoup plus d’intérêt que lui. Mais ce que je refuse c’est la confusion qui ferait que tout l’art contemporain encore une fois, ce concept n’existe

• pas hein, /que toute oeuvre aujourd’hui relèverait de cette sorte d’enfermement

• 133 F : /hm hm

• 134 D : on pourrait facilement puisque vous parliez, puisque vous vouliez

• qu’on //donne des noms tout à l’heure

• 135 F : //oui justement j’allais vous le proposer

• 136 D : allons allons dans les ateliers, allons allez voir le travail de prenons une photographe comme Valérie Jouve et on ne trouvera chez Valérie Jouve aucune trace de cette sorte de nombrilisme de la mise en scène de l’oeuvre, dérision, de la tradition dérision de l’oeuvre, on n’en trouvera pas d’avantage de trace dans la peinture de Djamel Tatar, on n’en trouvera pas d’avantage de traces dans les vidéos de Violeta Dikatchef et ainsi de suite, il suffit simplement de regarder

• 137 F : Jean Clair

• 138 C : oui enfin ça m’amuse beaucoup cette espèce de naïveté, d’une naïveté néophyte qui découvre les ateliers, je vous ai pas attendu pour découvrir

• Vincent Corpé ou Degranchant /ne venez pas me faire des leçons de

• 139 F :/alors justement

• 140 C : peinture /contemporaine //moi aussi je visite les ateliers

• 141 F : /alors

• 142 D : //vous êtes le seul à penser qu’on fait des leçons

• 143 F : mais mais mais alors je, oui vous avez ici [rire] un texte

• 144 C : non mais oui, parce que, parce qu’à un moment Philippe Dagen cite pour montrer que l’Etat enfin l’institution d’Etat dans son infinie bonté euh, n’est pas du tout soumise à des critères, à des critères de choix mais au contraire le témoigne une diversité, d’une générosité et d’une amplitude de vue tout à fait remarquable, cite un sociologue Pierre-Alain Four qui a été commandité payé donc par la délégation aux arts plastiques pour faire une enquête sur la diversité des achats d’art. Alors j’sais pas si vous avez lu cet article toujours dans Le Monde évidemment euh qu’est d’une cocasserie extraordinaire. ’Les courants proportionnellement les mieux représentés sont de l’abstraction lyrique 13%, la nouvelle figuration 9%, le support-surface 8%, l’art informel 7%, la critique de la représentation 7%, le narrative art l’art conceptuel 6%, patati patata’. Moi ça m’a fait penser puisque vous pensez à Michel Foucault, j’aime quand même beaucoup Michel Foucault même si effectivement bon ça m’a fait penser à la façon dont il ouvre

• l’’Archéologie du savoir’, une certaine encyclopédie chinoise

• où il est //écrit

• 145F : //non c’est ’Les mots et les choses’

• 146 C : les mots et les choses oui, se divisent en appartenant à l’empereur, petit b embaumé, petit c apprivoisé, petit d cochon de lait, petit e sirène, petit f fabuleux, petit g chien, liberté petit h inclus dans la présente classification j’en passe et des meilleurs c’est au même niveau le le sociologue en question payé par la DAP c’était au même niveau de cocasserie et de stupidité, / c’est pas là dessus qu’on peut s’appuyer pour dire que la politique

• 147 D : /alors

• 148 C : culturelle en matière d’art contemporain est une politique sérieuse, c’est de la foutaise

• 149 F : Philippe Dagen

• 150 D : bon il appartiendrait au sociologue de défendre ses catégories qui

• sont de, euh

• 151 C : vous le reprenez /de votre compte

• 152 D : /oui

• oui mais il se trouve que j’ai et vous aussi d’ailleurs puisque vous êtes tout de même directeur du musée Picasso, fonctionnaire de l’Etat français, /chargé de la

• 153 C : /parfait

• 154 D : promotion de son patrimoine donc vous avez une

• certaine //expérience

• 155 C ://je m’occupe du patrimoine

• 156 D : oui du patrimoine, un certain nombre de, vous avez participé à un certain nombre de commissions donc vous //savez

• 157 C : //jamais

• 158 D : jamais ↑

• 159 C : j’avais refusé de m’occuper d’une commission /contrairement //à vous

• 160 D :/ah//c’est peut-être,

• oui absolument, mais je n’en ai figurez-vous absolument pas tout et précisément j’allais en parler. Il se trouve que pendant 3 ans j’ai été membre comme 12 autres personnes du comité d’achat du fonds national d’art contemporain bon quelle est l’oeuvre qui pendant ces 3 ans d’acquisition nous a coûté le plus cher, un tableau de Kitay. Je ne, j’aimerais que vous nous expliquiez en quoi cela vous semble un choix désastreux, vous qui défendez Kitay

• 161 F : mais alors si vous défendez les mêmes //peintres

• 162 D : //non non pas du tout

• //mais pas du tout, on ne défend pas je cite simplement //l’exemple d’un artiste

• 163 F : //il y a un vrai problème dans le débat //allez-y

• 164 D : que Mr. Clair défend, /pour simplement lui montrer qu’une commission qu’il parle,

• 165 F : /hm hm

• 166 D : qu’il vomit par ailleurs a eu parmi ses principales décisions d’acheter

• //pour le musée national d’art moderne un grand tableau de cet artiste

• 167 C : //dans le même temps

• 168 C : dans le même temps on a acheté 40 ou 50 Lavier, c’est-à-dire des frigidaires sur

• //des [inaudible], bon 30 ou 40 Boltanski, on a au bout de 20 ans alors que

• 169 D : //non ce n’est pas vrai

• 170 C: l’artiste avait déjà été reconnu de partout internationalement et venait de recevoir le grand prix la Biennale de Venise de peinture on a acheté un Kitay au bout de 20 ans d’efforts et moi je n’ai jamais réussi à faire acheter un Freud au musée, au centre Pompidou

• 171 D : que vous l’auriez proposé au FNAC nous l’aurions volontiers acheté

• 172 F : bien alors, on en termine avec cette partie de la de la discussion et je voudrais revenir sur cette question que vous avez abordée tout à l’heure, euh, Philippe Dagen le rapport à la modernité. Ceux qui acceptent la modernité et ceux qui ne l’acceptent pas, parce que peut-être qu’on pourra réfléchir pendant le temps qui nous reste à cette notion à cette pratique des avant-gardes qui fait aussi le sujet de votre livre euh, Jean Clair. Parce que il y a tout de même, tout un courant euh de l’art moderne qui qui a fait la critique dont la critique que vous appelez de vos voeux Philippe Dagen a consisté en une véritable critique de la modernité, justement, une dénonciation de la modernité. Et d’un autre côté il y a des intellectuels des artistes qui au nom de la modernité ont pu eux-mêmes sombrer dans le pire des totalitarismes, à cet égard je voudrais citer Marinetti, tout de même, moderniste fasciste ’le passé est nécessairement inférieur au futur tel est notre souhait comment pourrions nous reconnaître quelconque mérite à votre ennemi le plus dangereux c’est ainsi que nous nions la splendeur obsédante des siècles morts et coopérons avec la mécanique victorieuse qui retient fermement le mode dans le filet de la vitesse’ et puis on pourrait opposer à cela justement des artistes récapitulatifs comme Picasso, comme Bacon qui se réclamait de Shakespeare quand même voulait le comparer à Becquet il disait non non moi je je paye ma dette à Shakespeare, je me reconnais plutôt dans Shakespeare ou même comme comme dans un autre ordre d’idée, comme Stravinski et là je voudrais ajouter une dernière citation c’est celle de Georges Steiner disant ceci à propos de Stravinski et de Piccasso : ’le mouvement moderniste qui a dominé l’art, la musique, les lettres pendant la première moitié du siècle était par certains aspects essentiels une stratégie de la sauvegarde et de la préservation le génie de Stravinski se déploie en spirales récapitulatives, il a fait des emprunts à Guillaume de Machos, Guestwaldo, Monteverdi, il a imité Tchaikovski les sonates pour piano de Beetov, les symphonies de Haydn, les opéras de Pergolése et Glinka, il a incorporé Debussy et Weber à sa source et chaque fois l’auditeur était censé identifié la la source, saisir le dessin d’une transformation qu’il conservait intact certains traits saillants de l’original’. On peut faire exactement la même analyse pour pour l’oeuvre de Picasso donc il y a une forme de modernisme, une forme d’avant-garde qui c’est voulu rupture avec la tradition et qui a engagé dans la voie du totalitarisme, il y a une forme de modernité qui s’est voulu

• récapitulative de la tradition /et il me semble que //il me semble il faut en tenir compte

• 173 D : /non //je ne crois pas

• 174 F : de tout cela

• 175 D : je ne crois pas que //le mot récapitulatif soit tout à fait juste, euh, que ce soit dans le

• 176 F : //d’accord

• 177 D : cas de Stravinski ou que ce soit dans le cas de Picasso. Quand Picasso reprend un tableau de Delacroix ou quand il prend un tableau de Vélasquez ou quand il prend un tableau de Manet euh, la la notion de sauvetage ne me semble pas première ne me semble pas majeure Rien ne menace si ce n’est que, Picasso sait pertinemment que ce tableau de Delacroix ou ce tableau de Manet ne se regarde plus ne se comprend plus en 1850 ou en 1980 comme en 1863 ou en 1835 pour les femmes d’Alger. Donc il introduit non pas une récapitulation, non pas une commémoration mais précisément cette distance d’où de l’aujourd’hui à l’autrefois, par les voies de la peinture. Quant à Marinetti et au Futurisme il, je crois qu’il ne faut pas, il ne faudrait pas confondre non plus le regard critique sur le présent et une projection qui se dit elle-même futuriste qui est une forme d’idéalisme plus ou moins corrigé vous avez cité l’exemple de Marinetti il serait tout à fait facile de prendre des exemples dans les avant-gardes russes et soviétiques et de voir à quel point ces avant-gardes ont abouti cette cette cette voie totalitaire /futuriste de l’art abouti précisément à des académismes,

• 178 F : /hm hm

• 179 D : et à la condamnation de ce que moi j’appelle de mis voeux donc il y à je ne

• crois //pas [inaudible]

• 180 F : //oui, si, il il me semble, il me semble, encore un mot qu’il y a tout une modernité qui s’est constituée dans le refus de la tradition et une autre modernité qui s’est constituée

• dans le lien //avec la tradition

• 181 D : //mais c’est souvent le même c’est souvent le même, il vous serez, il vous serez bien difficile je crois de citer un artiste qui n’est pas un artiste de quelque ampleur qui n’est pas été tantôt du côté d’un regard critique de la tradition, tantôt du côté d’une sorte de grand large et de distance prise par rapport à la tradition. Picasso que vous citez et évidemment d’un côté et de l’autre Duchamp finit en dessinant d’après Courbet donc on pourrait toujours repérer par-ci par-là euh les les 2 types d’attitudes elles ne sont pas contradictoires, j’aurais même plutôt tendance à considérer qu’elles sont chez les artistes de grande qualité ils sont quand même relativement peu nombreux, complémentaires

• 182 F : Jean Clair

• 183 C : oui il y a quand même un goût de la table rase, un goût de l’incendie purificateur un goût de la destruction des bibliothèques et des musées que vous partagez d’ailleurs dans votre livre il y a, il y a vingt pages sur la destruction nécessaire des musées qui n’ont rappelé tout de même des pages des années 20 sur l’incendie purificateur des musées de gens que je ne citerais pas

• 184 D : [rire]

• 185 C : mais oui, mais oui, oui oui vous pouvez ricaner mais n’empêche que vous le dites noir sur blanc / //il y a eu effectivement, il y a eu effectivement,

• 186 D : /je parle //du patrimoine, je parle de la patrimonionimanie

• 187 C : oui oui c’est la même chose

• 188 D : mais non mais non

• 189 C : oui il y a eu en tout cas dans les avant-gardes un goût partagé de l’incendie purificateur de la destruction des musées et des bibliothèques qui était effectivement le goût des totalitarismes vous avez cité Marinetti, dans mon livre je cite le cas des gens du Bauhaus que étaient près pour travailler pour Hitler, et qui ont même travaillé pour Hitler vous avez, le lisez-le vous le venez c’est fort intéressant /en dehors de cela en ce qui concerne

• 190 D : /oui

• 191 C : le rapport à la tradition ou à la rupture, dans votre livre à un moment fidèle à votre vision progressiste et théologique de l’art vous parlez de Monet comme dans les années 20 comme d’un peintre archaïque. Ça m’a fait un petit peu sursauté car le Monet archaïque des années 20, est l’un peintre qui a été profondément admiré par San Francis et par les peintres américains des années 50, peut-être parce qu’au MOMA à New York ils avaient sous les yeux tous les jours une des grandes nymphéas de Manet, de Monet je en tout cas le fait est que Monet pour les abstraits américains des années 50 parce que j’aime aussi la peinture abstraite pardonnez-moi leur modèle c’était Monet années 20, l’archaïque selon vous alors que Picasso selon votre modèle dans les données 20 c’était un néoclassique et quelqu’un qui faisait un retour à la tradition ingresque et Raphaélesque, alors où est-ce que vous le mettez votre cher Picasso //dans cette histoire là

• 192 D : //je crois je crois Mr. le directeur que vous devriez visiter votre musée et vos réserves et que vous constateriez que Picasso jusque dans les années 20 c’est fameuses années ingresques et raphaélesque dont si je me souviens bien vous avez écrit jadis que c’était ce qu’il avait de plus intéressant chez Picasso va de pair avec des oeuvres au même moment, dans les mêmes jours, dans les mêmes semaines qui ne sont ni ingresques ni raphaélesques mais ça c’est peut-être un problème d’histoire que vous ne voulez pas envisager

• 193 C : vous en avez rêvé mais [rire]

• 194 D : ah non, je n’ai pas rêvé, je les ai simplement moi regardez

• 195 F : non alors simplement quand même, je pourrais formuler la question autrement Philippe Dagen le titre de ’la haine de l’art’ il m’a, il m’a donné l’idée d’une enquête possible euh qui ne concernerait plus le rapport de l’art et des philistins et cette incompréhension du public pour l’art qui est assez essentiel mais qui pourrait s’intéresser à la haine de l’art dans le monde intellectuel chez les artistes eux-mêmes. Il y a eu ce grand moment du populisme russe avec Pissarev disant qu’un cordonnier russe vaut mieux qu’un Raphaël russe et ça n’a pas été seulement Pissarev parce que ça a été la tentation de Tolstoï. Mais il y a eu aussi la haine de l’art dans euh, au 20ème siècles en littérature, si vous voulez, ce qui a motivé l’engagement politique des artistes, des écrivains c’était une certaine idée une certaine représentation de la lutte comme guerre. C’était le grand paradoxe du socialisme en 1900, après la première guerre mondiale, c’est-à-dire que, il, il s’est tout entier édifié contre la guerre, mais il a présenté la lutte politique comme une continuation de la guerre dans la paix. Militarisation de la politique qui a conduit un certain nombre de d’écrivains justement à la dévalorisation des mots, les mots c’était moins bien que les armes hein, c’était toujours un peu moins bien, c’était un pis aller les mots étaient toujours en défaut on trouve ça chez Sartre mais on trouve ça aussi chez Blanchot il y a aussi chez Blanchot un éloge de la terreur et Denis Ollier a parlé si vous voulez de façon très juste que euh, de cette littérature engagée mais bizarrement engagée à à édifier un monde dont elle serait exclu euh, on pourrait peut-être faire la même analyse pour pour la peinture c’est-à-dire, pour disons on pourrait généraliser cette analyse à l’art en général. Il, à l’art à toutes les formes d’art autrement dit il y a chez artistes une haine de l’art dont on trouve peut-être euh, l’ultime caricature dans ces formes de décepts, présentes, les installation de l’art contemporain

• 196 D : d’une part je crois que, ces généralisations sont trop, sont trop rapides sont précisément trop générales pour avoir une valeur probante c’est une question de méthode mais je ne crois même pas que l’on puisse aller sans inconvénients d’un exemple russe à un exemple italien pour rebondir sur un exemple français. Les choses sont tout de même un peu plus un peu plus euh mosaïqué un peu plus éclaté que cela, et les sortes de de de glissements continuels et je finirai par ne pas le croire très probant. D’autre part vous évoquez Blanchot euh oui éventuellement on pourrait peut être évoquer avec plus de plaisir Bataille, bien sûr, qu’il y a eu eu à un certain moment une sorte de de mouvement enragé des artistes contre l’art mais quand une certaine forme d’art devient précisément euh, stéréotype manière de se conduire bon goût, euh, voyez, voyez le combat de la revue Document, voyez tous ce qui écrit Bataille à ce moment là. Il me semble qu’il y a un caractère relativement et je parle des français encore une fois je ne vais pas chercher, bon je précise, euh il y a en effet me semble-t-il un côté salutaire assez grande colère

• 197 F : écoutez ça a été une sacré grande colère, un dernier mot Jean Clair mais très rapide parce que malheureusement //le temps nous ait compté

• 198 C : //oui non, je peux difficilement conclure là dessus euh à un moment Dagen se devient comptable il parle de la fréquentation des musées. Dali 900000 visiteurs, nature morte de Picasso 140000 bon, je pourrais lui rappeler que les portraits c’était 650000. Bon on peut se jeter des chiffres à la figure, mais moi je me souviens puisque il s’accorde comme je le disais tout à l’heure au début de l’émission cela fait 30 ans que je m’occupe d’art contemporain. La première année où j’étais au musée national d’art moderne on en a fait avec Françoise Cachin deux expositions une sur le Futurisme italien l’autre sur Paul Klee. Paul Klee a recueilli 4000 visiteurs et le futurisme italien a recueilli 3500 visiteurs, alors je crois qu’il y a un certain nombre de gens en France qui on fait un certain travail pour amener le public, un grand public populaire à la fréquentation de l’art moderne et contemporain et que c’est nous jusqu’à nouvel ordre qui avons mené, qui avons fait ce travail quoi que vous en pensiez et quel que soit vos attaques

• 199 F : et bien nous terminons donc sur cette profession de foi merci Jean Clair merci Philippe Dagen nous avons pu constater l’ampleur de vos désaccords et vous avons pu constater aussi qu’il vous arrivez de défendre les mêmes artistes. Je rappelle le titre de vos livres Philippe Dagen vous avez publié ’la haine de l’art’ chez Grasset et Jean Clair ’la responsabilité de l’artiste’ chez Gallimard. La semaine prochaine il sera question d’un grand d’artiste d’un grand écrivain Aucheï Platonov et l’énigme du communisme mes invités seront Louis Martinez et Pierre D’Aix