REPLIQUES 7 (18/07/98) : ’Rwanda, la France est-elle coupable ?’

• F : Alain Finkielkraut, animateur

• D : Bernard Debré

• C : Jean-Pierre Chrétien

• 001 F : le 6 Avril 1994 l’avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana, un Falcon 50 offert par la France, est accueilli au moment d’atterrir à Kigali par un missile tirant pratiquement à bout portant. Le président du Rwanda et son collègue du Burundi qui avaient pris place à bord sont tués sur le coup. Dans l’heure qui suit l’explosion les massacres à la machette commencent à Kigali. Ils durent 4 mois et font plusieurs centaines de milliers de victimes, les chiffres ne sont pas sûrs mais ce qui ne fait aucun doute à nombre d’observateurs, c’est qu’après l’extermination des Arméniens par les jeunes Turcs celle des Juifs et des Tzigares par les nazis, la mise à mort des Tutsis par les racistes Hutus constitue le troisième génocide caractérisé du vingtième siècle. Témoignant le 30 juin de cette année devant la mission parlementaire chargée d’enquêter sur l’action de la France avant et pendant les événements de 1994 au Rwanda, Michel Rocard, qui fut de 1988 à 1991 le premier ministre de François Mitterrand déclare sans prendre de gants diplomatiques que la France a dans cette affaire choisi le mauvais camp ou la mauvaise cause. Et je voudrais d’abord demander à mes deux invités, Bernard Debré qui a été ministre de la coopération de novembre 94 à mai 95, et Jean-Pierre Chrétien, historien, chercheur au Centre de recherches africaines du CNRS, s’ils souscrivent à cette brutale déclaration. Bernard Debré.

• 002 D : Ah écoutez d’abord j’ai été très choqué de l’attitude de Michel Rocard. D’abord, euh il a commencé par dire qu’il n’était au courant de rien et que tout c’était fait dans son dos, il ne faut pas oublier qu’il était le premier ministre de la France. Alors euh il veut régler des comptes avec François Mitterrand, je trouve que c’est un petit peu tard et un peu brutal, et on ne dit pas en tant que ministre que la France a choisi la mauvaise cause.

• //Deuxièmement euh deuxièmement je crois qu’elle n’avait pas à choisir de cause,

• 003 F : //c’est vrai (↑)

• 004 D : les deux causes étaient mauvaises aussi bien les Tutsis que les Hutus. Et vous avez dit quelque chose qui m’a beaucoup frappé ’les racistes Hutus’. Ils étaient bien entendu racistes mais les Tutsis l’étaient aussi. Euh vous avez parlé //du du génocide

• 005 F : //j’ai pas dit j’ai pas dit que tous les Hutus étaient racistes

• 006 D : non mais vous avez parlé des racistes

• 007 F : les racistes Hutus ont pratiqué ce génocide d’ailleurs contre les Hutus modérés aussi

• 008 D : vous avez parlé du génocide qui a commencé le 6 avril 1994. Il faut quand même revenir à ce qui était, les Hutus ont commencé leur génocide bien avant puisque en 1964 le pape avait lancé une phrase épouvantable à radio Vatican en disant euh : le génocide qui est en train de se dérouler en 1964 donc des Hutus contre des Tutsis, ce génocide est le plus grand des génocides depuis la deuxième guerre mondiale

• 009 F : et ça n’a pas rencontré d’écho à l’époque

• 010 D : ça n’a absolument pas rencontré d’écho d’ailleurs en 72 il y a eu à l’inverse un génocide dans le pays à côté qui était le Burundi, où il y a eu 250.000 Hutus qui ont été tués par des Tutsis, ça n’a absolument pas rencontré d’écho. Et d’ailleurs euh il y a quelques jours encore euh une mission de l’ONU qui a enquêté au Kivu a annoncé qu’il y avait un un génocide fabriqué euh par les Tutsis contre les Hutus réfugiés au

• Kivu //[inaudible]

• 011 F : //le Kivu c’est au Zaïre

• 012 D : au Zaïre. Donc dans cette région malheureusement et il serait malséant pour qui que ce soit de prendre position, euh les les meurtres et les génocides sont monnaie courante.

• 013 F : oui mais euh deux mots quand même, d’abord que Rocard règle ses comptes avec Mitterrand on peut le regretter, on peut aussi prendre acte du fait qu’il était comme premier ministre sous surveillance, qu’il n’avait pas le droit de se mêler des questions des affaires étrangères et il a dit, si au conseil des ministres je me mêlais de ce qui ne me regardait pas, disons que c’était porté à mon débit et j’avais en souffrir ensuite, mais ce qui est plus important pour nous, et c’est vrai que disons que ses ministres lui étaient de façon majoritaire hostiles notamment et surtout, le ministre des affaires étrangères de l’époque Roland Dumas, mais quand vous dites Bernard Debré qu’en 1964 le pape avait déjà lancé cet avertissement il il avait certes crié dans le désert, mais à ce moment-là vous apportez peut-être de l’eau au moulin de Michel Rocard, n’y avait-il pas si vous voulez un grand risque euh à prendre le parti à aider un gouvernement Hutus alors qu’il y a que les Hutus avaient déjà ce passif si lourd

• 014 D : mais je suis d’accord le le problème essentiel c’était justement le problème et on on l’abordera tout à l’heure de la démocratie en Afrique, les Hutus rappelons-le qu’on le veuille ou non certains disent qu’il n’y a pas de différence mais les Hutus représentaient au recensement de 1991 au Rwanda 91,1% de la population 6.400.000 habitants, et les Tutsis ne représentaient que 560.000 habitants et la la l’erreur vraisemblable des pays occidentaux a été de dire notre sens de la démocratie c’est la démocratie du plus grand nombre donc c’est l’ethnie majoritaire qui doit gouverner, et c’est de là vraisemblablement qu’arrivent une partie des maux //de la région.

• 015 F : //Bon alors Jean-Pierre Chrétien je vous pose maintenant la même question, comment vous réagissez à cette déclaration de Michel Rocard, pensez-vous comme lui de là où vous êtes c’est-à-dire vous n’êtes pas vous êtes chercheur historien observateur vous n’êtes pas engagé politiquement au même titre que Michel Rocard mais pensez-vous que la France à ce moment là a choisi le mauvais camp ou la mauvaise cause.

• 016 C : non je ne suis pas engagé euh politiquement de la même façon non plus que monsieur Debré je pense que nous parlons d’un point de vue assez sensiblement différent non seulement dans les opinions, mais aussi dans l’expérience que nous avons de cette région, alors en ce qui concerne Michel Rocard je n’insisterai pas beaucoup, euh effectivement je crois que tous les journaux ont mentionné l’aspect un peu désinvolte de sa réponse, on pourrait commenter aussi les interventions d’autres ministres et j’crois pas que ce soit l’intérêt de l’émission. En fait la phrase sur lequel vous vouliez que nous réagissions c’est ’mauvaise cause mauvais camp’. J’aime pas beaucoup l’expression de camp par contre disons que je pense que les responsables de la politique française en Afrique ont choisi une mauvaise cause et je l’ai écrit dans le Monde j’aime pas beaucoup non plus l’expression la France est-elle coupable parce que ces globalisations j’les aime pas. Par contre il y a un gros problème, une interrogation énorme sur l’attitude des responsables euh de la politique française en Afrique face au Rwanda, et face à une situation qui a débouché sur un génocide comme vous le rappeliez, et euh on va sans doute y revenir, avec des indices qui laissaient, euh prévoir cette possibilité. Je dirai simplement un mot sur les événements de 63-64 je pense effectivement que c’est peut-être la première fois dans la région où il y a effectivement des massacres de type génocidaire plutôt que pendant la révolution de 1959 qui a aboli la la monarchie Tutsi au Rwanda. Et //à l’époque

• 017 F : //il y avait déjà eu des massacres à l’époque en 59

• 018 C : oui bien sûr mais //c’était des massacres

• 019 D : //c’était la Toussaint rwandaise //au premier novembre 1959

• 020 C : //oui mais mais mais des massacres qui n’a n’ont pas pris la forme systématique de tuerie de familles entières comme à la Noël de

• 69 //je voudrais simplement dire un mot cela fait partie des nombreuses

• 021 D : //tout à fait

• 022 C : choses qui m’ont qui m’ont surpris dans le livre de Bernard Debré c’est qu’à l’époque le silence qui a été entretenu l’a été sous la forte pression des missionnaires de l’église catholique en particulier en Belgique, cela a été observé y compris par euh

• //Jean-Claude Vilamme et non par sous l’influence de la gauche

• 023 D : //tout à fait

• 024 C : et des marxistes comme vous le dites

• 025 D : ah non non non //vous m’avez tout à fait mal lu, j’ai tout à fait dit que c’était euh,

• 026 F : //Bernard Debré

• 027 D : d’abord le renversement d’alliance était dû /aux aux catholiques et aux protestants

• 028 F : /alors

• 029 D : qui étaient des missionnaires

• 030 F : Bernard Debré euh procédons maintenant par ordre parce que nous entrons dans le vif du débat. Alors votre livre s’intitule ’Le retour du Mwami’ c’est ça (↑) la vraie histoire du des génocides rwandais, génocides au pluriel je pense que ça a de l’importance en effet pour vous, il est publié chez Ramsay. Alors essayons justement de dresser l’historique des choses, et notamment de ce conflit, ethnique, tribal, ou politique, ou social, entre Hutus et Tutsis au Rwanda. Quand a-t-il commencé, euh quelle est la cause de ce conflit, un certain nombre de gens parmi les chercheurs disent, que au fond c’est la colonisation qui a créé l’opposition raciale ou ethnique dans la société rwandaise en plaquant sur cette société un schéma d’interprétation raciste venu d’Europe, venu de Belgique, venu de France

• //même, alors que c’est c’est //est-ce que c’est vrai est-ce que c’est faux

• 031 D : //non mais //actuellement moi je suis totalement opposé à cette analyse car le Mwami veut dire roi et les Mwamis étaient en très grande majorité des Tutsis il y en avait quelques-uns quelques chefferies Hutus qui n’ont pas duré très longtemps, et depuis, allez trois ou quatre cent ans cet antagonisme existait. Et quand on connaît l’Afrique quand on connaît bien l’Afrique et antagonisme n’existait pas uniquement dans cette région du Grand Lac, il existe des ethnies, qui sont quelquefois pacifiques les unes vis-à-vis des autres quelquefois un peu moins, /je dirai que le drame du Rwanda c’est qu’il n’y a eu que

• 032 F : /hm hm

• 033 D : deux ethnies, la troisième étant infinitésimale et que cet antagonisme existe depuis très longtemps. /Ce qui est vrai c’est que

• 034 F : /hm hm

• 035 F : donc c’étaient les Tutsis qui euh occu occupaient dans le Rwanda d’avant la colonisation, la position sociale, politique dominante, alors même qu’ils étaient minoritaires

• 036 D : alors vous savez dans la tradition Tutsi que je ne partage pas encore une fois je suis neutre vis-à-vis des uns et des autres et je tiens à le dire, dans la tradition Tutsi les Tutsis disaient nous sommes des descendus sur terre tandis que les Hutus étaient des trouvés sur terre euh ce c’était dans leur tradition et d’ailleurs quand on on voit euh ce qu’ils ont dit avant la colonisation ce qu’ils ont fait avant la colonisation incontestablement ils étaient, ils étaient les la royauté, il y avait une aristocratie Tutsi, tout le monde n’était pas riche parmi les Tutsis il y avait les Tutsis pauvres et les Tutsis riches mais grosse modo les Tutsis étaient au pouvoir, et les Hutus étaient quelquefois riches quelquefois pauvres mais n’étaient pas au pouvoir. Et donc il y avait ça cette cette organisation sociale depuis des centaines d’années. Ce qui est vrai c’est que les Allemands puis les Belges se sont d’abord appuyés sur ce qu’ils ont trouvé c’est-à-dire la royauté ou les royaumes Tutsis, et ce n’est que dans les la fin des années 1950, que, à l’instigation, vraisemblablement des missionnaires catholiques et protestants, il y a eu un changement dans l’attitude des Belges qui se sont dit après tout la démocratie, c’est la loi du plus grand nombre. D’autant plus que les Tutsis trouvaient que la présence belge était peut-être un peu préoccupante un peu pesante et que les indépendances arrivant ils voulaient que les Belges s’en aillent un peu plus vite pour pouvoir rester au pouvoir. Alors euh ce n’est pas du tout la colonisation qui a crée ce qui est vrai c’est que elle ne l’a pas empêché /cette distinction.

• 037 F : /hm hm

• 038 F : Alors, est-ce que vous parta vous partagez //ce point de vue

• 039 C : //moi je je trouve que c’est extraordinairement simplifié et d’abord souvent pour critiquer ce que vous venez de rappeler sur le rôle de la colonisation vous simplifiez les choses en faisant dire à à des chercheurs que les colonisateurs auraient inventé les Hutus et les Tutsis bien sûr que non personne n’a dit ça. Le problème il est compliqué des chercheurs y travaillent depuis dizaines d’années, surtout depuis une trentaine d’années très sérieusement, j’vais pas commencer à énumérer des noms et une bibliographie mais enfin, euh j’espère qu’on n’a pas perdu notre temps et il apparaît que ce n’est pas du tout aussi simple, c’est-à-dire d’abord que le rapport Hutus-Tutsis euh dans ces pays n’est pas du même ordre que le rapport entre des ethnies partageant des histoires et des cultures différentes comme on l’observe dans des grands pays comme le Congo actuel le Nigéria etc. On est en présence d’une situation très particulière où la société connaît un clivage avec une minorité euh qui est censée être plus spécialisée dans l’élevage les Tutsis, et la majorité plus spécialisée dans l’agriculture mais sans que ça soit strict, euh les Hutus et il se trouve que dans cet ensemble culturel des Grands Lacs plusieurs royaumes ont émergé, les frontières ont changé etc. je passe sur les détails, les grands royaumes sont le Buganda sont le Rwanda sont le Burundi au 19è siècle quand les colonisateurs arrivent, et dans les royaumes du Rwanda et du Burundi les aristocraties il y a des aristocraties normalement, c’est le fonctionnement d’une monarchie avec ses délégués etc., les aristocraties sont majoritairement issues de la catégorie Hutu euh de la catégorie

• //Tutsi pardon et simplement cela fait à peu près 5 à 6% des Tutsis,

• 040 F : //Tutsi

• 041 C : autrement dit le pouvoir est aux mains des Tutsis mais ce ne sont pas tous les Tutsis qui sont des aristocrates. D’autre part il s’agit d’une enjeu social et politique et en aucun cas de personnes de gens de, Baniarwanda de Burundi etc. qui se considèrent comme étrangers les uns aux autres. Or aujourd’hui quand on observe les massacres les résultats de tout cela, effectivement on a l’impression d’être en présence de deux peuples étrangers, et c’est ce qui court à travers toute la presse en fonction des événements qui ont lieu, mais je crois que il faut se méfier au plus haut point de l’anachronisme parce que on projette sur le passé le la situation actuelle, le problème c’est de comprendre comment les Rwandais les Burundais aussi en sont arrivés à se massacrer à ce point, alors qu’ils ont vécu ensemble pendant des siècles, je signale qu’il n’y a aucune tradition sur des invasions quelconques, et que d’autre part les récits d’origine que vous interprétez rapidement dans votre livre j’vais pas rentrer dans les détails mais c’est beaucoup plus compliqué. Les récits d’origine ont été interprétés dans un sens racial et Tutsi dans les années 50, par des Tutsis eux-mêmes

• d’ailleurs //qui les ont sauvegardés mais, quand on att- on analyse

• 042 D : //bien sûr

• 043 C : avec précision je vais publier quelque chose là dessus bientôt les récits d’origine les récits d’origine ne sont pas strictement racials raciaux pardon il s’agit d’une interprétation. Donc la société était complexe et là-dessus quand les Européens sont arrivés ils connaissaient si j’ose dire les Hamites et les Bantous c’est le langage employé avant de connaître le Rwanda et le Burundi, la mythologie amitique avait déjà fonctionné ailleurs, ils l’ont plaquée telle quelle, ils ont inventé que tous les Tutsis venaient d’Ethiopie ou d’Egypte, que c’est une race supérieure, et //c’est une chose qu’il faut se rappeler

• 044 D : //euh non non non ne mettez pas ne //mettez pas ne mettez pas

• 045 C : //je termine je termine monsieur

• 046 D : attendez ne mettez pas //sur le dos des Européens //une réalité qui existait pas alors

• 047 F : //Bernard Debré

• 048 C : //non mais

• 049 C : non non ça n’existait pas il y a pas de tradition Tutsi sur une origine égyptienne

• //ou éthiopienne

• 050 D : //non non pas du tout non attendez ça c’est vous qui le mettez, c’est vrai euh il y a eu une espèce de légende absurde qui les //les les font descendre qui les font

• 051 C : //ce n’est pas légende absurde

• 052 D : //descendre

• 053 C : //c’est une propagande, et une idéologie

• 054 D : oui tout à fait, mais tout à fait c’est une propagande et une idéologie véhiculée par les Tutsis eux-mêmes, qui est une propagande

• 055 F : véhiculée par les Tutsis mais //qui était qui a été //qui a été qui a été promulguée

• 056 D : //mais //qui était simplification

• 057 F : qui a été édictée par //qui

• 058 D : //comprenez elle a été édictée par les Tutsis eux-mêmes

• 059 C : non, en aucun cas

• 060 F : elle vient d’où alors à vous //Jean-Pierre Chrétien

• 061 C : //mais vous croyez qu’un simple paysan rwandais ou burundais j’ai fait des enquêtes pendant 20 ans au Burundi [rire] connaît l’Ethiopie

• et //l’Egypte sinon depuis qu’il y a des journaux et des informations

• 062 D : //non attendez si vous me

• 063 D : Est-ce que je peux aller jusqu’au bout

• 064 F : Bernard Debré

• 065 D : je dis simplement que euh à un moment donné les Tutsis voyant leur pouvoir, l’intelligentsia et l’aristocratie Tutsi et là je vous rejoins tout à fait, il y avait ce que j’ai dit tout à l’heure des Tutsis pauvres et des Tutsis riches des Hutus riches et des Hutus pauvres, mais incontestablement, quand on voit les lignées quand on voit ce qui s’est passé aussi bien au Rwanda qu’au Burundi d’ailleurs je vous ferai remarquer qu’au Burundi ce ne sont pas forcement des Tutsis parce que ce sont des Ghanois /la famille princière est

• 066 C : /oui

• 067 D : Ghanois mais c’est quand même d’origine Tutsi

• 068 C : euh c’est vous qui le dites

• 069 D : non ce sont les Ghanois qui le disent eux-mêmes /j’ai vu la princesse

• 070 C : /ah

• 071 D : Kamatari /il y a quelques jours et elle le réclame et quand j’étais au Burundi

• 072 C : /ah

• 073 D: ils le réclamaient aussi

• 074 C : c’est pas comme ça qu’on fait l’histoire

• 075 D : euh ben il vaut mieux les écouter un peu, alors ce que //je veux dire c’est quand

• 076 F : //non mais

• 077 D : quand les Européens sont arrivés ils ont trouvé une facilité effectivement il y avait une aristocratie Tutsi /et il y avait les Hutus qui n’étaient pas au pouvoir et je

• 078 F : /hm hm

• 079 D : comprends parfaitement les Hutus qui voulaient accéder au pouvoir et la facilité quand au début les les Européens se sont mis du côté des Tutsis les Améri- les Anglais pardon les Belges les Allemands euh les les curés les protestants se sont mis du côté Tutsi, ils ont aidé à la fabrication et à l’expression d’une certaine mythologie qui est fausse

• puisqu’ils ont même dit /et ça été véhiculé par les Tutsis

• 080 F : /hm hm

• 081 D : parce qu’ils étaient très contents de pouvoir le véhiculer, qu’ils descendaient du fils de Cham du fils de Noé plutôt //Cham [inaudible]

• 082 F : //et vous vous pensez vous Bernard Debré que les colonisateurs que les colonisateurs ont agi ainsi parce que ça les arrangeait

• //de perpétuer le statu quo

• 083 D : //mais oui

• 084 D : mais bien entendu mais ça c’est évident les colonisateurs arrivent, ils trouvent un statu quo, et contrairement à tous les autres pays colonisés ils trouvent que c’est beaucoup

• plus facile //de garder ce statu quo

• 085 C : //ils le ils le remodèlent complètement dans les //années 20 ou 30

• 086 F : //Jean-Pierre Chrétien et pourquoi le remodèlent-ils selon vous

• 087 C : parce que...

• 088 F : donc ce sont les Belges à partir des années 20 //parce que ça a d’abord été

• 089 C : //oui essentiellement les

• 090 F : Allemands et puis après la guerre

• 091 C : les Belges mais parce que d’une part on ne peut pas évacuer l’importance et c’est un problème toujours actuel de l’idéologie de race quand on interprète ces pays, et que les gens étaient absolument fascinés par ce modèle racial euh hérité de Gobineau il s’agit pas de Cham d’ailleurs Cham on en faisait l’ancêtre de tous les noirs il s’agit de l’idéologie amitique c’est très particulier, et ce qui est grave c’est que les jeunes ils sont très peu nombreux les jeunes qui ont été instruits à l’époque coloniale, mais la petite minorité qui a été instruite, surtout Tutsi mais aussi des Hutus a été instruite dans cette affaire d’où disons vanité cultivée en milieu Tutsi frustration en milieu Hutu mais sur la base d’une idéologie fort différente de celle qui existait auparavant. Il y a là une espèce de réinterprétation de remodelage, d’évacuation des sphères du pouvoir et c’est particulièrement net au Burundi, des éléments Hutus qui y étaient, une Tutsisation généralisée moi j’ai vu des archives où on dit pour diffuser la culture du café, il faut des moniteurs Tutsis parce qu’ils sont plus intelligents que les Hutus dans la culture Tutsi il n’y avait pas il n’y avait pas

• beaucoup de connaissance /du café c’est un préjugé //entretenu

• 092 D : /oui alors //revenons voilà je trouve

• que /nous nous sommes pas loin de de des mêmes thèses euh moi je dis simplement

• 093 F : /Bernard Debré

• 094 D : qu’en 1900, un peu avant 1920 parce que les Allemands n’ont pas été tout à fait clairs dans ce domaine-là non plus à partir de 1885-1890, c’est vrai qu’ils ont profité de la situation disant c’est plus simple il y a des un régime monarchique on s’appuie dessus, ça sera plus calme on va signer les traités ensemble

• 095 C : la monarchie oui /ne //mélangeons pas peuplement et politique

• 096 D : /oui oui //mais la monarchie

• 097 D : mais attendez /je crois qu’il faut être clair pour nos auditeurs

• 098 F : /Bernard Debré

• 099 C : il faut pas être simpliste

• 100 D : il vaut mieux surtout quand c’est proche de la vérité et et en plus de dire, les Allemands se sont satisfait ils l’ont certainement encouragé, /les Belges s’en sont satisfait

• 101 F : /hm

• 102 D : et l’ont vraisemblablement encouragé, / //ça c’est très clair, mais il faut

• 103 F : /hm hm //et mais

• 104 D : bien dire que quand vous dites est-ce que la France est responsable parce que c’était ça le fond de votre question, euh dès dès 1920-1930, malheureusement encore une fois je ne défends pas cette séparation raciale qui me hérisse, dès 1920 la séparation raciale existait et elle a été profondément entretenue par les Tutsis, par les Hutus, et par les colonisateurs

• 105 F : et alors les colonisateurs les Belges ont cependant dans les années 50, et vous y avez fait référence Bernard Debré, changé leur fusil d’épaule c’est-à-dire après avoir soutenu les Tutsis, après avoir renforcé disons légitimé avec des arguments qui étaient les leurs une hiérarchie qu’ils avaient trouvée au départ, et bien ils se sont tournés du côté des des Hutus, et alors pourquoi ont-ils agi ainsi quel est le sens de ce revirement et quels ont été ces conséquences ces retombées dans la suite. Alors Bernard Debré

• 106 D : je pense que nous sommes d’accord sur ce cette analyse, euh si les Belges d’abord ont été très favorables aux Tutsis je rappellerai qu’ils ont fait un panégyrique des Tutsis avant 1920-1930 même 1940, euh ils se sont aperçus, dans les années 1950, de deux choses je l’ai dit tout à l’heure d’une part que les pays arrivaient vers l’indépendance, ils étaient un peu hésitant, comme tous les colonisateurs à partir, et se sont dit après tout pourquoi ne pas rester un peu plus, d’autant plus que la majorité Hutu leur demandait de rester cinq ou six ans de plus parce que la majorité Hutu avait craignait euh les Tutsis et les Tutsis leurs ont dit il faut partir et d’ailleurs, les Tutsis le rois Tutsi a demandé à l’ONU de faire partir les Belges un peu plus tôt. Alors pour quelles raisons d’abord parce que les Belges ne voulaient pas partir, vraisemblablement, et la deuxième raison c’était que la démocratie, que je respecte et que je réclame je suis un démocrate, euh la démocratie occidentale c’était le la majorité au pouvoir, donc il était évident qu’il fallait à ce moment-là faire des élections libres, et les élections libres c’était l’apparition d’un pouvoir Hutu.

• 107 F : Et d’ailleurs vous avez cette phrase quand même terrible sur laquelle nous reviendrons ’au Rwanda la démocratie à l’occidentale imposée plaquée sur un tissu social très élaboré a été vraisemblablement une des causes du génocide’ //vous appliquez : ça s’appelle

• 108 D : //oui tout à fait

• 109 F : idéologie démocratique, est-ce que euh votre analyse va dans ce sens aussi Jean-Pierre Chrétien non

• 110 C : écoutez je je me pose des questions aussi rien n’est aussi simple, on approche de l’indépendance, les gens instruits sont porteurs du nationalisme, la plupart sont Tutsis, ou Ghanois dans le cas burundais. Les Belges effectivement ont des problèmes avec le Congo et veulent retarder un peu les choses, l’ancien vice-gouverneur gouverneur général

• un roi entre parenthèses qui n’était pas résident au

• Rwanda

• 111 D : non il n’est pas résident //au Rwanda

• 112 C : //il était vice-gouverneur général pour l’ensemble, euh a raconté tout ça dans ses souvenirs il y a beaucoup d’études là-dessus, bon. Alors à ce moment-là la tentation est forte chez les Belges de s’appuyer et ils y sont fortement encouragés surtout par les missions catholiques, notamment dans le cas rwandais, à chercher un appui dans une contre-élite, alors cette contre-élite Hutu en jouant de cette opposition c’est-à-dire des frustrations de cette élite Hutu qui est marginalisée jusqu’alors. Et là où je ne suis pas d’accord, c’est quand à priori vous lancez sur le tapis le mot majorité évidemment je vais pas dire que 85% ce n’est pas un chiffre majoritaire mais vous laissez entendre qu’il y a préétablie une majorité politique prédéfinie sur cette base, or au départ, il s’agit de tout petits groupes de Hutus qui ne sont pas du tout sûrs que la masse populaire est concernée par cette conscientisation ethnique et qu’ils gagneraient les élections, à tel point qu’il y a des textes précis en 1959, où des leaders Hutus disent nous ne voulons pas d’élections parce que, vu l’influence des élites Tutsi nous perdrions ces élections, et en fait ce qui suit, c’est les violences de la Toussaint rwandaise, autrement dit ou découvre très tôt

• 113 D : au premier //novembre 59

• 114 C : //une

• 115 C : c’est ça une stratégie chez les leaders Hutus qui ont été encouragés par les milieux essentiellement catholiques de de de la du milieu chrétien social flamand notamment de Belgique, dans le sens de l’emploi de la violence qui conscientise, appelée lutte populaire En ef- on a abouti à quelque chose de fascinant au Rwanda en 1959, où une petite élite Hutu déclare faire un 1789 à la française, dans un pays complètement couvert par les missions catholiques qui étaient on ne peut plus hostiles aux idéaux de la

• révolution française, /ça ça reste un mystère, Dominique Franche

• 116 D : /ouais ouais

• 117 C : s’étend beaucoup //sur ce problème d’utilisation de (...)

• 118 D : //c’est c’est ... je crois que vous avez tout à fait raison là dans ce domaine là c’est assez complexe mais c’est pour ça que je l’ai un petit peu simplifié, et je dirai simplement que quand on voit la lutte populaire n’oubliez pas, qu’il y avait le monde c’est-à-dire qu’il y avait Mao qu’il y avait tout cette volonté de lutte populaire, de libéralisation, il y avait euh le Congo à côté avec Lumumba qui allait arriver donc il y avait cette volonté de lutte des peuples, et donc c’était pas choquant à l’époque au point de vue de l’idéologie mondiale la lutte des peuples l’émancipation des peuples, il fallait un ennemi, ils l’ont désigné en tant qu’Hutu ils ont dit que c’étaient les Tutsis, il fallait s’intégrer dans une grande, comment dirais-je oeuvre mondiale, et il y a un certain nombre d’hommes et de femmes occidentaux qui trouvaient ça tout à fait naturel //qu’on fasse 1789

• 119 C : //ce sont des attention ce sont quand même des leaders nationalistes Tutsis, qui se tournent et vers Lumumba vers

• Nyerere hein /et ce sont les missionnaires catholiques qui

• 120 F : /hm hm

• 121 C : dénoncent à l’époque Nasser, le bolche//visme etc. /donc la révolution

• 122 D : //oui tout à fait

• 123 F : /hm hm

• 124 C : Hutu assistée par l’administration Belge c’est l’expression même de l’ancien

• gouvernement / //une révolution assistée

• 125 D : /ah tout à fait //tout à fait

• 126 F : //alors bon alors là-dessus vous êtes d’accord et on va

• continuer /dans notre analyse enfin avec des nuances on va continuer dans notre

• 127 C : /presque

• 128 F : analyse du processus historique qui a mené à ce génocide, l’intervention tout d’un coup de la France alors //[inaudible]

• 129 D : //attendez attendez vous allez un peu vite //parce que là on est en 1960, euh

• 130 F : //oui mais

• 131 D : il se trouve que le pays devient indépendant, /que il y a /62, exactement, et

• 132 F : /oui /

• 133 C : /62

• 134 D : vous avez entre 59 et 62 quelques massacres, euh : les Belges maintiennent peu ou prou la sécurité mais ont vraiment envie de partir, et ils partent assez rapidement, y a des élections, qui montrent bien que les Tut- les Hutus emportent majoritairement mais ultra-majoritairement le pouvoir //et

• 135 F : //donc c’est là pour vous le vice de la démocratie

• 136 D : mais non c’est pas le vice de la //démocratie

• 137 F : //non je veux dire par là en Afrique c’est-à-dire

• que /à partir du moment où il y a

• 138 D : /non non

• 139 F : d’abord un vote /(.) les Hutus votent pour les Hutus et //les Tutsis pour les Tutsis

• 140 D : /au Rwanda //le drame le drame

• 141 D : oui on l’a vu au //Burundi on l’a vu au Burundi on l’a vu au Rwanda on l’a vu partout

• 142 F : //oui c’est ça que je veux dire

• 143 D : le drame de ce pays des Grands Lacs de ces pays c’est qu’il n’y a que deux ethnies,

• /quand il y a comme dans un certain nombre de pays 30-40 ethnies d’abord le métissage

• 144 F : /hm hm

• 145 D : arrive et c’est une bonne chose, et deuxièmement il y a euh des oppositions et des majorités multi-ethniques /tandis qu’au Burundi et au Rwanda il y a eu cette

• 146 F : /hm hm

• 147 D : conflagration tout s’est figé, donc en 64 il y a eu des massacres 63-64 je crois qu’on peut pas on peut pas les passer sous silence

• 148 F : des massacres commis (↑)

• 149 D : par les Hutus contre les Tutsis

• 150 C : pas les Hutus

• 151 F : enfin

• 152 D : des Hutus

• 153 F : des Hutus des Hutus

• 154 D : //et en partie

• 155 C : //des autorités du pouvoir de //Kaymbanda

• 156 D : //oui mais enfin vous savez //moi j’veux bien mais

• 157 F : //oui du premier président hein

• 158 C : qui a envoyé des ministres qui a donné des préfets sont

• responsables //euh c’est déjà une répétition générale de //94

• 159 D : //mais bien entendu //mais bien sûr

• 160 F : et c’est ça qui a été dénoncé par radio Vatican

• 161 D : c’est ça qui a été //dénoncé

• 162 C : //entre autres entre autres dans le Monde aussi à l’époque

• 163 D : oui mais, dans un espèce de silence extraordinaire un silence extraordinaire parce qu’on était encore, euh à cette époque en 62-63-64 dans la confrontation entre le bloc est ouest dans le monde, on savait pas très bien quelle position prendre et surtout, il n’y avait pas les médias, peu de médias, et ça c’est passé dans la nuit et dans le silence

• 164 C : et avec la bénédiction des missionnaires

• 165 F : //la bénédiction des missionnaires

• 166 D : //avec la bénédiction ça pas tous pas tous hein //n’exagérons pas quand même

• 167 C : //pas tous heureusement mais les institutions missionnaires //oui

• 168 F : //alors je je mercie de tous ces précisions mais je reprends ma question, à partir de quand la France est-elle intervenue parce que ça ne fait le Rwanda ne fait pas partie de ses anciennes colonies alors pourquoi y a-t-il eu une politique française au

• Rwanda, et une politique d’assistance, euh au régime

• //de Juvenal Habyarimana

• 169 D : //avant 90, avant 90 bien avant 90 dans les années déjà 1978-79-80, donc vous voyez que ce n’est pas c’est pas droite gauche /pas que 78 c’était, c’était pas

• 170 F : /hm hm

• 171 D : encore le règne de François Mitterrand /c’était Giscard, euh il y a eu la la conscience

• 172 F : /c’était Giscard

• 173 D : euh qu’il fallait euh élargir un peu le champ euh de la l’influence française, et incontestablement euh les gouvernements de l’époque de la 5è république donc avant 81 et après 81, ont commencé à se rapprocher, assez euh normalement, de du pouvoir, le pouvoir euh c’était avant euh 73, Grégoire Kayambanda mais après 73 c’était Juvénal Habyarimana le Hutu

• 174 F : oui élargir l’influence française mais en même temps dans la sphère généralement francophone

• 175 D : francophone

• 176 F : oui c’est ça

• 177 D : à l’époque, je voudrais quand même qu’on se souvienne mais il est difficile de- que tout le monde s’en souvienne, ça n’avait pas particulièrement attiré l’attention des gens, euh on parlait du Rwanda comme une espèce de Suisse de l’Afrique, euh les les massacres avaient l’air de s’être arrêtés, dans les années 78-80 ça avait l’air de s’être arrêté, il y avait une volonté affichée, je dis pas qu’elle était réelle, du pouvoir en place, du pouvoir Hutu, d’ouvrir, y avait même cette volonté du pouvoir Hutu de et c’est horrible d’ailleurs dans l’idée démocratique de donner des quotas pour les Tutsis en leur disant il faut que dans les écoles il y ait des quotas de Tutsis revenez etc., et donc finalement aussi bien la France la Belgique les Américains tout le monde trouvait que le Rwanda marchait plutôt

• pas mal (..) //une économie

• 178 F : //c’était un investissement plutôt sûr

• 179 D : c’était un investissement plutôt sûr l’économie était bonne la dette était moins importante euh et c’était plutôt pas mal. Donc à cette époque il n’y avait pas

• malice /ni erreur.

• 180 F : /hm hm hm hm Jean-Pierre Chrétien

• 181 C : oui je peux dire un mot j’ai l’impression que l’intérêt porté par notre pays à cette région est plus précoce, et que moi-même j’ai vécu cela, / j’ai fait partie de la première

• 182 D : /oui

• 183 C : équipe de coopérants du service national qui a été envoyé au Burundi euh 64, le général de Gaulle avait décidé je pense de s’intéresser à cette à tout ce qui était francophone même si c’était symbolique, une ouvert une ambassade a été ouverte dès 63 pour les deux pays d’abord puis dans chaque pays, /il y a des accords de coopération

• 184 D : /ça c’est normal

• 185 C : qui ont été signés et très vite, les choses d’ailleurs étaient mal ressenties par nos collègues belges [face B] parce qu’ils sont restés contrairement à ce que vous disiez ils sont restés fortement implantés au Rwanda comme au Burundi, et on avait l’impression moi j’avais l’impression je suis de Lille, j’avais l’impression d’avoir j’avais passé la frontière toute proche et que je me retrouvais en Belgique, donc ensuite les choses se sont développées renforcées, l’accord de sécurité militaire ou de coopération d’assistance militaire est de 75, du temps de Giscard, euh et la coopération effectivement s’est développée avec un pays qui était vu comme une Suisse de l’Afrique par beaucoup d’ONG par les églises par les pays occidentaux et avec une espèce de moi me semble-t-il quand même, de grand silence de grand aveuglement sur la logique raciale qui régnait dans tout cela, ce que Marie-France Cros journaliste à La libre Belgique a appelé ’un racisme de bon aloi’, ça semblait être un racisme tranquille, /une gestion par quotas, bon, et y avait certes quelques centaines

• 186 D : /oui

• 187 C : de milliers de Tutsis qui étaient à l’étranger mais enfin, c’était l’effet au dos

• disait-on, //donc on vivait avec cette habitude que tout allait bien

• 188 D : //oui c’était ça c’était ça oui oui

• 189 D : avec même /à l’époque sur les cartes d’identité assez rapidement on voit

• 190 F : /Bernard Debré

• 191 D : apparaître euh Tutsi et Hutu /un peu plus tard

• 192 C : /oui

• 193 C : c’est là en fait c’était l’héritage de la colonisation mais qui a été systématisé

• //par Habyarimana à partir du moment où il y a des cartes d’identité en

• 194 D : //ah systématisé ah oui

• 195 C : tant que telles

• 196 D : oui c’est ça donc ça été, et ce que vous dites est tout à fait juste, c’était 1789 pour les Hutus, les les les aristos à la lanterne, donc finalement, un certain nombre de gens disaient bof y a eu quelques massacres mais chez nous aussi en 1789, les aristos étaient émigrés, au au en Ouganda

• 197 C : je peux //je peux

• 198 F : //c’est quand même intéressant et je voudrais juste faire un un commentaire à vous écouter, euh on a longuement insisté, et vous l’avez fait aussi Jean-Pierre Chétien dans une certain nombre d’articles sur la projection d’un schéma raciste à la française ou à l’européenne qui a en quelque sorte figé et durci le conflit entre les Tutsis et les Hutus ou en tout cas la dissymétrie qui pouvait exister entre eux, mais on peut aussi s’interroger comme le fait Bernard Debré sur la projection d’un schéma démocratique aussi peu aussi mal adapté et qui a pu avoir des effets extrêmement dévastateurs c’est-à-dire on soutient les Hutus non plus pour au nom d’une supériorité raciale mais au nom de souvenirs de 1789 de la lutte contre l’aristocratie etc., et donc d’une certaine manière, le schéma racial comme le schéma égalitaire ont eu des effets néfastes sur une situation //qu’on n’arrivait

• 199 D : //mais

• 200 F : pas à saisir //dans son originalité

• 201 C : //euh euh

• 202 C : je peux dire un mot c’est tout à fait pervers, parce qu’effectivement c’est une réduction de l’idéal démocratique à une loi du nombre pur et simple selon la naissance c’est-à-dire que les concepts d’autochtonie, si on peut dire parce que les Tutsis sont décrit comme étrangers en plus, et de majorité vont ensemble, c’est en fait un produit plutôt de la démocratie chrétienne je ne suis pas en train de dire que tous les démocrates chrétiens sont racistes, je suis en train de dire que c’est concrètement// historiquement concrètement la démocratie

• 203 D : //ça serait une nouveauté

• 204 C : chrétienne qui, Belge essentiellement, qui a considéré comme normale cette confusion socio-raciale, récemment l’ancien responsable des affaires extérieures du parti social chrétien wallon vient de publier un livre, c’est monsieur Léon Saure, pour justement montrer cette dérive grave, /donc il y a un problème ce n’est pas la démocratie qui est

• 205 D : /oui oui

• 206 C : en cause de façon générale, une façon de l’appliquer, /et les élections

• 207 D : /[inaudible]

• 208 C : majoritaires je termine que vous aviez décrites tout à l’heure, sont obtenues dans un contexte de violence, de changement de pouvoir préalable,

• //qui fait que euh la mobilisation des gens se fait selon ce que souhait

• 209 D : //ah ben écoutez non non non non non non

• 210 C : ceux qui //tirent la corde le plus possible //dans le sens d’extrémisme

• 211 D : //alors //non non là là vous

• 212 F : Bernard Debré

• 213 D : vous compliquez à plaisir les choses parce que prenons par exemple

• 214 C : l’Afrique n’est pas plus simple que la France

• 215 D : (..) ça ça vous avez - d’accord je suis d’accord [rire] avec vous mais ça c’est c’est un mot bon. Regardez ce qui s’est passé au Burundi quand Bouyoya, qui était le président, a décidé de faire des élections libres.

• 216 F : ça c’est tout récent

• 217 D : oh c’était /93 donc ça //fait 5 ans

• 218 C : /93 //juin 93

• 219 D : ça fait 5 ans bon c’est tout récent. Juin 93 Bouyoya, Tutsi, se réclamant de sa Tutsité d’ailleurs euh était au pouvoir parce qu’il avait pris le pouvoir. Il décide légitimement de faire des élections pour le président de la République. Les élections surviennent et Bouyoya était quasiment sûr de les gagner comme toujours quand on est président de la République en disant ’ben écoutez moi j’ai tellement bien géré mon pays bien certes je suis Tutsi et je suis théoriquement le représentant d’une petite minorité mais je gagnerai l’amour du peuple’. Il a été balayé, balayé par un Hutu Malcandadaye, bon qui n’était pas euh très très très connu à l’époque, il était l’opposant mais mais il a été élu parce qu’il était Hutu, et donc

• on peut /triturer //cela comme on veut on n’y échappe pas

• 220 F : /hm hm //on n’y échappe pas

• 221 C : avec 60% des voix d’ailleurs vous le dites //vous-même en plus ce qui montre

• 222 D : //exactement

• 223 C : que les choses encore une fois sont pas toujours simples et si je peux me

• per//mettre un mot si on revient au Rwanda, moi j’ai eu des - beaucoup d’amis

• 224 D : //elles auraient pu s’arranger

• 225 C : Hutus rwandais qui sont ceux qui m’ont le plus éclairé sur ce régime le régime Habyarimana, il ne suffisait pas de dire qu’un dictateur représentait l’ethnie majoritaire pour dire qu’il était démocrate, et //je pense que beaucoup de Rwandais

• 226 D : //ah non non non

• 227 C : ben oui mais ça //c’est ça, cette idée globale de //la démocratie du nombre mais

• 228 D : //c’est pas c’que j’dis hein //non non ah ben oui, je suis pas

• 229 C : justement c’est ça qu’il fallait voir, c’est que beaucoup d’opposants Hutus justement

• 230 D : d’accord

• 231 C : trouvaient que cette méthode de l’opposition ethnique était un outil pour le //maintien

• 232 F : //hmhm

• 233 C : au pouvoir de la maisonnée //Habyarimana

• 234 F : //oui, alors, on - je voudrais maintenant qu’on avance un peu dans dans cette genèse du génocide et des responsabilités françaises parce que c’est c’est l’objet maintenant de //l’enquête parlementaire

• 235 D : //pour l’instant vous avez vu qu’il n’y a pas beaucoup de responsabilité française

• 236 F : non mais justement alors //euh les les //les les les les Tutsis euh

• 237 D: //et que les acteurs étaient implantés //malheureusement

• 238 F : : qui s’étaient réfugiés pour un certain nombre d’entre eux en en //Ouganda ont

• 239 D : //Ouganda

• 240 F : entrepris sous la direction de de Paul Kagame je crois une lutte armée et dans ce contexte là les Français ont plutôt ont soutenu militairement le régime d’Habyarimana, peut-être est-ce enfin c’est une hypothèse souvent souvent invoquée euh le fameux euh complexe de Fachoda puisque l’Ouganda c’est un pays anglophone et Fachoda c’est euh il faut le rappeler en quelques mots hein c’est le camouflet que l’Angleterre a infligé à la troisième République à la fin du XIX siècle, la France tente de devancer l’Angleterre sur le Haut Nil en y en voyant une mission commandée par le général Marchand celle-ci est rejointe par l’Anglais Kitchener en septembre 1898 et Marchand doit évacuer Fachoda sous la menace des canons, et donc est-ce que c’est la raison principale du soutien, euh de de la

• France //au régime d’Habyarimana premièrement et est-ce que ce soutien

• 241 D : //non

• 242 F : pour vous est allé trop loin

• 243 D : non alors attendez je crois qu’il faut pas revenir à Fachoda parce que //c’est quand

• 244 F : //ah oui mais

• 245 D : même un peu loin //il y a la rivalité de puissance

• 246 F : //non mais il y a il y a la rivalité francophone

• anglophone //tout de même

• 247 D : //non il y a la rivalité francophone français et //américain surtout

• 248 F : //américain bon ben

• 249 D : récemment depuis qu’on trouve beaucoup de pétrole dans cette région

• 250 F : c’est Fachoda actualisé

• 251 D : oui mais enfin on peut aller plus loin on peut faire aussi //euh la guerre de cent ans

• 252 F : //enfin bon

• 253 D : //si vous voulez bon

• 254 F : //d’accord d’accord d’accord euh : j’sais pas

• 255 D : non non non /alors je dis simplement que, il y a une diaspora, euh Tutsi, qui est

• 256 F : /allez-y

• 257 D : en Ouganda, euh je dis bien //une diaspora non pas seulement, non non je parle de

• 258 C : //pas seulement hein

• 259 D : celle je parle de celle qui va reprendre le pouvoir, euh qui est la l’épine dorsale de celle qui va reprendre le pouvoir, vous avez parlé de Kagame y avait de Fred Ruguema il y en avait d’autres, euh il faut bien comprendre que ces hommes Tutsis qui sont en Ouganda, aident le président actuel de l’Ouganda Mousseveni à prendre le pouvoir, ils ont aidé Emilton Oboté puis ils ont aidé Yaouré Mousseveni et ils sont Angolais euh Ougandais pardon Ougandais ils sont Ougandais Paul Kagame était chef des services secrets de l’Ouganda, Monsieur Fred Ruguema était ministre euh des armées de l’Ouganda, euh ils étaient d’origine rwandaise mais ils étaient installés en Ouganda, et c’est vrai que, là il y a plusieurs explications, ils ont avec l’aide du président actuel Yaouré Mousseveni de l’Ouganda ils ont monté le Font Patriotique Rwandais pour reprendre le pouvoir chez eux, et là euh il y avait une difficulté d’interprétation Mitterand disait à l’époque mais ce sont des Ougandais qui descendent au Rwanda c’est une guerre d’invasion étrangère, le pouvoir légitime c’est Monsieur Habyarimana et je défends le pouvoir légitime. Et ça c’est la première explication. La deuxième explication, qui est encore un peu ambiguë, c’est que Habyarimana lui-même, que j’ai rencontré bien avant d’être ministre je l’ai - la dernière fois que je l’ai vu c’était en janvier 1994, fin janvier début février, disait euh, ’aidez-moi je suis la légitimité, d’autre part je suis la légitimité pour éviter les extrémistes Hutus comme les extrémistes Tutsis’. C’était ce qu’il disait, ce n’était pas la réalité entendons-nous bien hein,

• 260 F : et les Français se sont laissé berner par ce discours

• 261 D : pas berner parce que ils disaient, un, Monsieur Habyarimana représente une majorité, euh c’est la majorité Hutu même s’il avait tous les Hutus du sud contre lui

• 262 C : il était élu à 99% donc //c’était encore mieux

• 263 D : //mais ça c’était l’époque oui l’époque

• 264 F : oui enfin donc c’était une majorité douteuse

• 265 D : une majorité douteuse, //les Hutus étaient quand même majoritaires, /et puis il

• 266 F : //trop belle pour être vraie /oui

• 267 D : représentait aussi le pouvoir contre une invasion étrangère, disait-il, et il représentait une certaine facilité, et je ne vois pas au nom de quoi le gouvernement français aurait décidé de prendre fait et cause pour des rebelles, et donc là il n’y avait pas dans la logique de l’époque 90 90-92-93, il n’y avait pas de failles, y avait un gouvernement, bon, pas très propre, y avait des rebelles qui arrivaient de l’étranger, qui étaient le ministre des armées du pays étranger, le responsable des services secrets du pays étranger, et qui allaient reprendre le pouvoir.

• 268 F : Jean-Pierre Chrétien //j’imagine que votre interprétation diffère

• 269 C : //bon comme d’habitude c’est plus, c’est, c’est plus compliqué, les les Mousseveni euh a - s’est lancé dans la lutte armée, euh non pas quand il était ministre de la défense mais quand il s’est trouvé //marginalisé par les élections

• 270 D : //[inaudible]

• 271 C : truquées de donc parce que vous le dites aussi dans votre livre de Oboté. A ce moment-là s’il s’est appuyé essentiellement sur des Baganda, euh, et il apparaissait comme l’homme des gens de langue bantou face aux Nilotes nostalgiques de de l’autre régime du

• régime et de de Assa, //Oboté

• 272 F : //ça ça //c’est en Ouganda↑

• 273 C : //ça commence

• 274 C : ben oui mais ça commence en 80. Oboté lui-même fait la chasse aux sorcières contre les Tutsis ou prétendus tels, de l’ouest, en disant puisque Moussevéni est un ima

• clan //apparenté aux Tutsis etc., donc il y a des milliers de Tutsi rwandais qui se

• 275 D : //sa mère est Tutsi

• 276 C : sont trouvés refoulés vers leur propre pays une situation inimaginable. 82. Donc dans les années suivantes les jeunes Tutsis vivant en Ouganda se sont ralliés à la NRA, ils étaient environ 3.000 sur 14.000 hommes de troupes de la NRA quand celle-ci a pris Kampala en 86. Donc on ne peut pas simplifier en disant que c’est le futur FPR ou le FPR qui est crée en 87 qui a lancé les choses. Simplement je pense que ces Tutsis rwandais ont trouvé que cette occasion était bonne à saisir au moment où le régime rwandais lui-même connaissait des difficultés graves, assez générales en Afrique, mais plus particulières, notamment avec la montée croissante du mécontentement dans les élites Hutus du nord du sud et

• du centre du pays face au nord //donc il y avait crise interne sur laquelle s’est crée

• 277 D : //attendez [inaudible]

• 278 C : s’est crée laissez-moi terminer c’est juste une //phrase et donc là-dessus agression

• 279 D : // c’est très compliqué

• 280 C : du FPR venu d’Ouganda 90 et je suis d’accord, à ce moment-là de façon formelle, une agression vient de l’étranger et attaque le régime Habyarimana à ce moment là strictement on applique un accord de défense. C’est ensuite à mon avis à partir de 91 et 92

• //que les choses se (...)

• 281 D : //oui oui

• 282 F : on aurait pu changer //de politique alors

• 283 D : //pour nos auditeurs Alain Finkielkraut pour nos auditeurs

• 284 F : oui Bernard Debré

• 285 D : pour nos auditeurs je crois qu’il faut bien comprendre euh que Yaouré Moussevéni au pouvoir en Ouganda avait bien comme ministre des armées

• 286 C : je crois que c’était chef d’Etat major Ruguema

• 287 D : Ruguema qui était chef d’Eat major //ministre des armées Fred Ruguema

• 288 F : //c’était qui

• 289 D : chef d’Etat major ministre //des armées qui est mort en octobre 90

• 290 C : //qui est mort le premier jour de oui le premier octobre

• 291 D : il était bien d’origine rwandaise mais il était inséré dans le pouvoir ougandais il était chef d’Etat major de //l’armée ougandaise c’est lui qu’il dirigeait le FPR et

• 292 F : //il donnait crédit à l’idée d’une invasion étrangère d’accord

• 293 D : qui va /avec /Paul Kagame

• 294 C : /non /

• 295 F : /d’accord attendez

• 296 C : vous voulez dire qu’il dirigeait la NRA c’est plus compliqué

• 297 F : ah alors mais ne ne ne(..)

• 298 C : c’est Moussevéni le chef de la NRA //et il est Ougandais avant tout

• 299 F : //alors

• 300 F : la NRA c’est quoi↑

• 301 C : la National Résistance Army c’est-à-dire avec mon accent très anglais, et c’est le mouvement de Moussevéni //qui a pris le pouvoir en 86

• 302 D : //[inaudible] non non je parle du FPR c’est-à-dire le Font Patriotique Rwandais

• 303 C : il est crée //en 87

• 304 D : //il a été crée en 87 //et je dis bien que Moussevéni à ce moment là était

• 305 C : //oui

• 306 D : président de l’Ouganda et que Fred Ruguema //était

• 307 C : //il a été démis //de ses fonctions en 89

• 308 F : //attendez attendez écoutez écoutez euh je crois que y a y a des nuances //qui risquent d’échapper à à l’auditeur

• 309 D : //oui [inaudible]

• 310 F : oui mais il faut il faut rester com//plexe

• 311 C : //il faut articuler

• 312 F : articulons

• 313 C : et pas globaliser

• 314 F : articulons sans globaliser posons-nous maintenant plus précisément en - la question de la responsabilité française vous l’avez dit vous-même Jean-Pierre Chrétien, en 1990 il y a au moins l’apparence et une certaine réalité d’invasion étrangère donc on applique strictement un accord de défense passé avec le régime du Rwanda et puis on n’a pas envie effectivement que ce pays bascule complètement dans la sphère d’inf- d’influence anglophone↑ ou américaine ↓

• 315 D : américaine

• 316 F : américaine

• 317 C : j’ai pas dit ça moi

• 318 F : oui non mais ça c’est là je je je c’est c’est mon histoire de Fachoda qui continue non

• 319 C : [rire]

• 320 F : simplement simplement, vous avez vous avez dit aussi que en 91-92 la politique française aurait pu changer de nouveaux éléments ont surgi, et c’est là que je voudrais qu’on s’interroge parce que si on critique une politique c’est au nom d’une autre politique possible non pas d’un point de vue angélique si vous voulez donc, alors pourquoi en 91-92 les choses ont-elles changé et qu’est-ce que la France aurait dû faire Jean-Pierre Chrétien

• 321 C : bon ce que la France aurait dû faire, en tout cas analysons les choses telles qu’on pouvait déjà les voir à cette époque en fonction de la documentation c’est-à-dire que d’une part, Habyarimana feignait d’ouvrir son régime sous pression internationale et sous pression intérieure et en même temps s’il avait deux fers au feu cette ouverture et la mobilisation des passions ethniques c’est-à-dire la mobilisation des Hutus avec l’appui de toute une propagande extrémiste contre les Tutsis c’est-à-dire la volonté de gommer de raboter, toutes les contradictions toutes les oppositions politiques et sociales intérieures autour de cette mobilisation raciale. Donc c’est à par - ça s’est manifesté par une propagande officieuse liée liée au régime, et par des massacres à répétition qui chaque fois n’étaient pas des massacres spontanés, mais étaient des massacres organisés, en 91 en mars 92 en août 92 en janvier 93, et là, je sais qu’on trouvera sans doute des des démarches officielles françaises pour regretter cela, mais en même temps en fait, y avait in- intervention militaire telle, avec placement d’un officier français comme conseiller auprès du président pour les armées rwandaises à tel point que l’opposition //intérieure a protesté et

• 322 D : //alors je je je ne vous autorise pas à dire des

• choses comme ça //parce que vous avait fait non

• 323 C : //ben si

• 324 C : c’est la réalité

• 325 D : non non pas du tout

• 326 F : Bernard Debré

• 327 C : le lieutenant colonel Cholet vous connaissez (↑)

• 328 D : vous êtes en train de dire - oui - vous êtes en train de dire que les Français vous

• sous-entendez que les français ont autorisé et ont même participé à ces

• massacres / //c’est complètement faux /non seulement c’est complètement faux

• 329 C : /j’ai pas dit //participé /

• 330 F : /alors

• 331 D : mais //vous l’avez dit vous-même

• 332 F : //quelle est la vérité selon vous

• 333 D : la vérité, c’est qu’effectivement on voit une radicalisation et le bouc émissaire est arrivé le bouc émissaire c’est le Tutsi /remobilisé il est là depuis des années et des années

• 334 C : /et remobilisé

• 335 D : et Habyarimana qui est rentré en guerre en 90 se trouve déstabilisé parce que son armée quand on est un dictateur parce que Habyarimana était un dictateur, et ben son armée n’était pas très fiable, bien, la France légitimement à l’époque en 90 de l’aider mais tout le temps, la France lui a dit attention vous n’avez pas le droit de faire ça, attention si vous continuez on s’en va, à telle enseigne qu’on a poussé vers les accords d’Aroucha et on parlera des accords d’Aroucha, mais pour aller assez vite il faut comprendre que ça c’est accéléré, mais que dernière il y a eu cette accident du 6 avril //1994 cet attentat et l’attentat

• 336 F : //cet attentat

• 337 D : on sait parfaitement bien que les missiles ont été livrés par les Américains

• 338 C : ça c’est vous //qui le dites

• 339 D : //pas du tout tout le monde dit maintenant

• 340 C : non c’est vous qui le dites, alors moi j’attends que les spécialistes de missiles Monsieur Bernard Debré, moi-même, nous ne sommes pas euh spécialistes en missiles, y en a qui ont ramassé des gens qui ont ramassé les pièces, qui ont recueilli les dépouilles de nos compatriotes qui sont morts dans cet avion, moi j’attends des témoignages

• précis, //mais en tout cas ce que vous dites a déjà été lancé sur la RTLM puis par

• 341 D : //il se trouve que

• 342 C : le colo- le capitaine Baril puis par d’autres /c’est une thèse parmi //d’autres mais

• 343 D : /attendez attendez //c’est pas une thèse du tout c’est pas une thèse

• 344 C : c’est vous //qui le dites j’attends des spécialistes.

• 345 D : //non non [inaudible]

• 346 F : Bernard Debré Bernard Debré Bernard Debré qu’est-ce que vous voulez dire oui bien entendu oui mais pour vous /pour vous pour vous c’est les Tutsis qui sont qui sont

• 347 D : /on a maintenant, on a maintenant

• 348 D : ah oui on sait parfaitement bien maintenant //que c’est le FPR

• 349 C : //ah bon on sait parfaitement bien vous avez des révélations c’est //parfait, moi je suis historien je crois pas aux révélations

• 350 D : //pas du tout

• 351 F : oui mais alors qu’est-ce qui vous autorise à dire cela malheureusement

• //l’émission va bientôt se terminer

• 352 D : //maintenant tout tout tout toutes les preuves sont réunies vous avez d’une part le piège euh qui a été fabriqué à Dar-es-Salaam, /euh où justement Yaouré Mousseveni a

• 353 F : /hm hm

• 354 D : demandé aussi bien à Habyarimana qu’au président euh burundais de prendre le même avion alors qu’ils avaient chacun leur avion, deux, que avant même le lancement du missile dans la soirée du 6 avril, le président Kagame, Kagame, avait

• demandé /à ses troupes //de mouvement

• 355 F : /oui mais attendez attendez

• 356 C : //c’est vous

• on pourrait discuter //pendant une heure

• 357 F : //Bernard Debré, quel quel était l’intérêt des Tutsis en faisant cela parce qu’ils ne pouvaient tout de même pas prévoir que euh ça allait ça allait provoquer un massacre //aussi épouvantable

• 358 D : //non non attendez pardonnez-moi quel était et l’intérêt de la France et

• l’intérêt des Hutus de de de descendre //le président Habyarimana

• 359 F : //et l’intérêt des Tutsis c’était quoi et l’intérêt des Tutsis c’était quoi

• 360 D : alors l’intérêt des Tutsis c’était d’aller - très vite moi je vais vous dire un mot de ce qui s’est passé quand j’ai rencontré Habyarimana avant qu’il meure, et les Tutsis Habyarimana m’a dit, les accords d’Aroucha sont parfaits, puisque dans deux ans maintenant il va y avoir des élections je vais gagner. Les Tutsis m’ont dit, jamais nous n’accepterons

• des élections parce que nous les perdrons

• //donc nous prendrons le pouvoir dans le sang

• 361 F : //donc donc ils voulaient prendre de vitesse //ils voulaient prendre de vitesse

• 362 C : //les Tutsis c’est vous qui le dites c’est une //globalisation

• 363 F : //[inaudible]

• 364 D : mais non mais non ils étaient au pouvoir //à Kigali au centre de

• 365 C : //mais tout le monde – la logique des accords d’Aroucha c’est qu’il y avait trois piliers nous avons totalement négligé cela mais on a pas le temps d’y revenir, l’opposition intérieure le pouvoir Habyarimana et le FPR, chacun tirait des plans sur la comète sur la suite /mais euh les extrémistes Hutus voyaient

• 366 D : /pas du tout

• 367 C : tout de suite ce qu’ils allaient perdre //si c’était appliqué //et la colline Masaka

• 368 D : //non //pas du tout pas du tout

• 369 C : d’où ont été tirés les missiles étaient sous contrôle de la //garde présidentielle

• 370 D : //non pas du tout

• 371 C : vous pouvez dire non

• 372 D : non écoutez j’ai toutes les preuves, //j’ai fait amener les preuves je les ai j’ai eu

• 373 C : //euh ben tant mieux ben tant mieux

• 374 D : quand même une discussion assez importante avec les militaires j’ai fait amener toutes les preuves pour montrer qu’effectivement c’était le FPR qui avait //tiré.

• 375 C : //je prends ça pour une révélation

• 376 F : oui mais //de...

• 377 D : //ça fait déjà 3 mois

• 378 F : enfin en tout cas dans tous les cas de figure euh, quel que soit l’auteur du crime cela n’excuse en rien le génocide //qui a suivi ça nous sommes d’accord la question la

• 379 D : //ah non, non, moi je ne prends pas parti ni pour l’un

• 380 F : question la question c’est

• 381 D : ni pour l’autre

• 382 C : et qui était préparé

• 383 F : et qui //était préparé là-dessus vous êtes d’accord la question c’est de savoir quel est le

• 384 D : //qui était préparé bien entendu

• 385 F : degré d’implication de la France dans cette affaire donc pour vous Bernard Debré et vraiment nous en terminons maintenant, la France n’est pas n’est pas coupable elle s’est laissée peut-être abuser mais elle n’est //pas res-

• 386 D : //les européens en globalité sont coupables et le plus grand coupable c’est l’ONU qui était présent et qui n’a pas empêché le génocide.

• 387 F : et qu’est-ce que vous diriez vous Jean-Pierre Chrétien sur

• 388 C : ben si on parle de l’ONU faudrait voir analyser de près les positions de la France au conseil de sécurité en tout cas moi je pense qu’il y a eu grand aveuglement politique de la France sur cette affaire.

• 389 F : bien écoutez je vous remercie pour cette discussion pour cette conclusion, euh vous l’avez dit Jean-Pierre Chrétien il faudra continuer ce n’est pas en50-51 minutes qu’on peut épuiser un sujet aussi grave. Je rappelle en tout cas le titre de vos livres Jean-Pierre Chrétien vous avez publié chez Cartala l’année dernière ’le défi de l’ethnisme, Rwanda et Burundi (1990-1996)’, Bernard Debré vous venez de publier chez Ramsay ’Le retour du Mwami, la vraie histoire des génocides rwandais’. La semaine prochaine l’émission aura pour titre ’Un art et une juive’ et mes invités seront Martine Lebovici et Jean-Claude Esselin.