Les mailles se dilatent

Bien sûr, les réseaux de transport subissent également ce changement d’échelle. Ils le subissent en premier lieu sous le coup de l’évolution des performances techniques. Plus on va vite, moins l’on s’arrête souvent ; moins il y a de gares, moins il y a d’embranchements pour relier ces gares les unes aux autres : le phénomène a déjà été décrit. Dans un cadre spatial fixe, il s’analyse comme une simplification des réseaux, une diminution de la densité de noeuds et de mailles. Si, selon le point de vue adopté ici, l’espace va se rétractant, la structure initiale se conserve dans une large mesure. Mais, comme si on leur appliquait une dilatation, les mailles des réseaux enserrent des portions de territoire de plus en plus étendues.

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Schéma : Deux illustrations d’un même phénomène :l’espace se rétracte.. ou les mailles se dilatent

On peut évidemment illustrer ce propos par l’exemple du réseau ferroviaire. Jusqu’en 1930, celui-ci a connu une phase d’extension. L’accélération des circulations s’est avant tout traduite par une hiérarchisation progressive des dessertes, les trains les plus rapides étant autorisés, sur les grands axes, à sauter des arrêts. Se développent alors des systèmes de relations d’échelle de plus en plus large, mais encore étroitement imbriqués les uns aux autres. De l’avant-guerre à nos jours cette hiérarchisation s’est accentuée, mais le changement d’échelle est surtout apparu à la faveur de la contraction du réseau. C’est en effet près de la moitié des lignes qui ont perdu leurs services voyageurs. La conjonction des deux processus aboutit au quadrillage de la France par des mailles de plusieurs centaines de kilomètres d’envergure si l’on prend en compte les services rapides et express, selon les termes consacrés. La maille-TGV dessine quant à elle des quadrilatères dont l’archétype est constitué par les futurs tronçons français, belges et allemands qui relieront Paris, Bruxelles, Cologne, Francfort, Strasbourg et à nouveau Paris.

Il serait bien sûr erroné de n’imputer ces évolutions des réseaux de transports qu’aux seuls progrès technologiques. Ces changements d’échelle sont eux-mêmes le résultat d’autres changements d’échelle qui affectent les comportements économiques et sociaux à la base de la mobilité. On examinera plus tard la réalité de ces réseaux de métropoles de taille européenne qui agitent tant certains milieux mais il est par exemple d’ores et déjà acquis que le réseau à grande vitesse européen en gestation en est partie prenante.