Des évolutions démographiques différenciées

Un premier indicateur, qui répond en tout cas à la question posée, est présenté par Denise Pumain dans La dynamique des villes. étudiant l’évolution de la population urbaine au cours du XIXè siècle, elle crée des classes de communes en fonction de leur taille – de 10 000 à 20 000 habitants, etc. – et s’intéresse à l’évolution des effectifs de chaque classe. Elle note alors que, de 1831 à 1913, « le nombre [de communes de plus de 10 000 habitants] a progressé d’autant plus vite que les classes de tailles considérées sont grandes : celui des 10-20 000 habitants a été multiplié par 2,5, celui des 20-40 000 par 3, celui des 40-80 000 et 80-160 000 par 4 » (Pumain, 1982a, p. 82). Précisant son observation des conditions de passage d’une classe à l’autre, elle souligne encore qu’« il est très rare que les communes de plus de 40 000 habitants passent dans une catégorie de taille inférieure ».

Tous ces mécanismes aboutissent alors à renforcer la hiérarchie urbaine puisque ce sont les niveaux les plus élevés qui se densifient le plus rapidement. Ce résultat est d’ailleurs confirmé par des observations un peu antérieures (1811-1851), concernant toujours les villes françaises. On y aperçoit déjà une croissance plutôt plus forte que la moyenne concernant les agglomérations les plus importantes (Caron, 1978, p. 455). En réalité, les conclusions de Denise Pumain sont plus nuancées et surtout plus précises. Elles mettent en particulier en évidence une « élévation du niveau de la croissance urbaine, lorsque l’on gravit la hiérarchie des tailles [de ville], [qui] serait une modalité caractéristique des phases d’urbanisation rapide » (Pumain, 1982a, p. 179). Cette tendance, perceptible sur le long terme, s’effacerait sur des périodes courtes, lorsque l’urbanisation est ralentie (38).

Notes
38.

()011Il convient par ailleur de faire une nette différence entre la croissance des regroupements urbains étudiée par Denise Pumain et le dynamisme démographique des espaces ruraux suivant qu’ils sont desservis ou non par une ligne de chemin de fer. Dans ce dernier cas, concernant les dernières décennies du XIXè siècle et les premières du XXè, Eugen Weber conclut, sans référence à la taille, à l’attraction des communes disposant d’une gare au détriment de celles qui en sont dépourvues (Weber, 1983, pp. 300-301). Quelques dizaines d’années plus tard, on retrouvera ce phénomène d’attraction spécifique des zones bénéficiant d’un effet de traversée d’une infrastructure de transport, à propos des échangeurs autoroutiers cette fois (Plassard, 1977, pp. 244-246).