2.3 D’autres concordances de hiérarchies

Dans une analyse visant à replacer le mouvement de hiérarchisation des réseaux de transport dans son contexte général, l’examen de l’évolution des positions relatives des unités urbaines présente l’intérêt d’offrir une certaine homologie des transformations à l’oeuvre : au renforcement de la hiérarchie des réseaux de transport correspond presque exactement la même évolution au sein des réseaux de villes. Mais ce n’est là qu’une modalité parmi d’autres – une relative similarité de structures et de dynamiques – qui permet de lire les évolutions « transports » à travers d’autres, plus globales. à ce parallélisme trop exemplaire on peut, il est vrai, opposer au moins un contre-exemple. Est-il possible aujourd’hui d’affirmer, et ce n’est qu’un cas parmi d’autres, que dans le temps où les différences entre les axes de transport se creusaient, les inégalités entre individus s’accentuaient ? Jean et Jacqueline Fourastié (1977) ont reconstitué des séries chronologiques longues qui montrent qu’il n’en est rien en ce qui concerne la France, même si, dans un cadre plus large, la situation comparée des habitants de certains pays les plus pauvres et des occidentaux peut soulever quelques interrogations.

Mais puisqu’il s’agit d’inscrire le processus affectant le système de transport dans les évolutions de son époque, il est envisageable d’imaginer d’autres modalités mettant en jeu des structures hiérarchisées, mais dont les dynamiques divergeraient. Ainsi peut-on envisager de vérifier l’hypothèse selon laquelle les moyens de déplacement les plus performants répondent en premier lieu aux besoins des catégories sociales et des activités les plus haut placées dans leur hiérarchie respective.

La vérification d’une telle hypothèse, ou du moins son renforcement, implique de définir plus clairement les hiérarchies dont il est question. On choisira de fonder de manière schématique les différenciations sociales tout au long de l’histoire du monde occidental en adoptant ici une représentation faisant à nouveau reposer la différenciation sur la richesse et le pouvoir. Cette stratification sociale de référence reste en l’occurrence largement empirique. Ainsi, pour les activités économiques, on s’en tiendra à la notion de richesse appréciée selon la capacité relative à dégager une valeur ajoutée élevée. Comme on va le voir, plutôt que des hiérarchies sociales qui s’accentuent à mesure que se diversifie l’offre de transport, on cherchera désormais à repérer, les phénomènes sélectifs de production et d’usage des possibilités techniques de mobilité.