De la montée des activités « informationnelles »...

Partant donc de ces définition préalable, on peut examiner en quoi l’information représente un enjeu important dans les évolutions contemporaines du système productif. La première réponse qui peut être apportée est quantitative. Au cours des années 70 un économiste américain, Marc Uri Porat (1977), a tenté de mesurer l’importance croissante des activités de l’information dans l’économie de son pays. On pourra sourire de la démarche nécessaire pour isoler la composante informationnelle de chaque activité qui l’amène, par exemple, à séparer le mécanisme d’un réveil – destiné à produire une information – de son enveloppe – à la valeur ornementale ! Il résulte de cette approche statistique et dichotomique que la part des activités informationnelles est en constante augmentation depuis 1860 et qu’elle atteint 53% du revenu national américain en 1974. Sur la lancée de ces travaux, une étude engagée par la C.E.E. conclut que « près des deux tiers du P.N.B. des pays européens est directement ou indirectement influencé par les technologies de l’information » (Soupizet, 1985, p. 53.).

Même si l’on verra que l’on ne peut assimiler information et activités de service, ces constats corroborent les observations habituelles concernant le mouvement de « dématérialisation » et de tertiarisation de l’économie. On peut ainsi mettre en parallèle cette croissance des activités d’information et la croissance du secteur tertiaire (Petit, 1998a, p. 20), mais pas sans précaution. Il convient en effet de ne pas se laisser abuser par les statistiques. La forte croissance du secteur tertiaire que l’on constate depuis plusieurs décennies est en partie imputable à un mouvement d’externalisation d’activités périphériques par le secteur secondaire. De la même manière, les difficultés que l’on rencontre lorsque l’on veut quantifier la production de service invitent à relativiser les conclusions que l’on pourrait tirer de la lecture d’un tableau de chiffres (73).

De manière plus fondamentale, Anne Mayère insiste sur le fait qu’il « n’est pas possible d’établir une relation d’équivalence entre information et services ». En effet, la production d’information n’est pas le seul fait des activités de services, pas plus que les services n’ont dans leur totalité l’information pour objet et produit. Par contre, le même auteur souligne que les services nécessitent une interrelation étroite entre le prestataire et le client. Ils ont donc par essence un contenu informationnel important. Mais surtout, par le « rapport de co-production » qu’ils induisent, « ‘les services ont un rôle important à jouer dans l’accompagnement des évolutions en cours qui mettent en jeu l’information dans ses différentes fonctions’ ». La croissance concomitante des activités de l’information et d’un large ensemble d’activités de service qui sont dans ce rapport de co-production n’est donc pas fortuite.

Notes
73.

()011Tout en mettant clairement en évidence la montée des activités tertiaires dans les économies occidentales, Jean Gadrey (1992) souligne la nécessité de relativiser cette croissance en considérant la diversité des éléments à prendre en compte pour analyser cette réalité : externalisation d’activités périphériques du secteur secondaire, industrialisation et « ouvriérisation » de certaines activités tertiaires, transparence des gains de productivité pour les prestations de services, existence d’un fort secteur tertiaire non marchand, etc. Ce constat est déjà ancien puisque Victor Fuchs le dressait déjà en 1968. La précaution demeure d’actualité puisque Jack Triplett y insiste à nouveau (1999, p. 17).