Intégration organisationnelle et autonomie des structures

Il est important de dépasser le paradoxe que porte en lui le simple accouplement de ces deux notions. L’exemple précédent le permet aisément. Il illustre en effet parfaitement le fait que intégration et autonomie rendent compte des deux faces d’un même mouvement, tout en correspondant chacune à un niveau spécifique. L’intégration désigne la recherche d’une cohérence globale, la mise en commun d’objectifs. Elle constitue, pour chaque unité que l’on considère (de l’employé dans son équipe de travail à la firme dans son réseau de partenaires), une contrainte exogène et elle implique une démarche d’extraversion. Elle renvoie donc, dans chaque cas, au niveau supérieur de l’organisation. C’est en ce sens qu’il convient de parler d’intégration organisationnelle.

L’autre face du diptyque – l’autonomie – est au contraire tournée vers l’intérieur de la structure. La finalité première n’est pas de différencier ses éléments constitutifs. Il s’agit d’obtenir la mobilisation optimale des ressources de l’ensemble en permettant à chaque niveau l’adaptation de chaque unité à un environnement, à une combinaison de contraintes et de potentialités qui lui sont propres, ce qui peut effectivement conduire à une diversification de ses ressources. Ce sont donc les structures internes à une organisation qu’il s’agit de rendre autonomes dans le cadre, il convient d’y insister, d’un strict respect des exigences d’intégration.

Il apparaît alors qu’intégration organisationnelle et autonomie des structures ne sont pas dans une situation parfaitement symétrique l’une par rapport à l’autre. Cette réalité est clairement illustrée par le discours du consultant mentionné ci-dessus. En effet, l’autonomie n’a de sens, au sein d’une équipe, d’une entreprise ou d’un réseau d’entreprises, que dans les limites marquées par la nécessité d’intégration. Le mouvement actuel est alors celui d’un renforcement qualitatif de cette intégration. Celui-ci résulte de contraintes extérieures de concurrence impliquant une meilleure adéquation des actions menées aux objectifs globaux poursuivis. Il permet en retour un élargissement, dans un cadre renforcé, des marges d’autonomie des sous-unités. C’est enfin à travers ce processus que les ressources locales peuvent être davantage mobilisées pour la poursuite des objectifs communs.

Pourtant, on peut également lire ce mécanisme dans l’autre sens. C’est le trajet de tous ceux qui, plutôt à l’inverse de la démarche de Pierre Veltz, sont partis du constat de souplesse, d’adaptabilité et de performance des petites structures ou mieux encore, de la nécessité de ces caractéristiques pour dépasser les blocages de l’organisations taylorienne. Les contraintes de concurrence, d’innovation et de flexibilité sont alors les stimulus qui introduisent la nécessité de mieux mobiliser les ressources propres aux sous-unités. Le principe d’autonomie s’impose rapidement comme le moyen de cette mobilisation en profondeur. Mais cette mobilisation de ressources acquises par l’autonomie n’a pas de sens si elle ne participe pas à la réalisation d’objectifs communs. Cohérence d’ensemble de l’organisation et autonomie de ses structures ne peuvent alors s’articuler que dans un cadre global rénové dans lequel, grosso modo, les rapports hiérarchiques ne se concrétisent pas uniquement sous la forme de rapports d’autorité.

Du global au local, l’intégration organisationnelle et l’autonomie des structures sont donc dans une relation de complémentarité, voire de symbiose. Chacune de ces deux tendances rend l’autre tout à la fois possible et nécessaire. Dans le même temps, cette articulation est également source de tensions dont la maîtrise devient d’autant plus cruciale (Veltz, 1993a) que ce double mouvement se décline en cascade, à chaque niveau d’organisation du système productif que l’on considère, du réseau de firmes partenaires à l’équipe de production.