6.3 Intégration organisationnelle et autonomie des structures ne sont pas seules au monde

Ce double mouvement d’intégration et d’autonomie permet de répondre à l’un des objectifs assignés à ces quelques pages. Les dynamiques du systèmes productif ont été envisagées dans le but de comprendre la dynamique des relations entre agents ou unités économiques, l’hypothèse sous-jacente étant que ces relations constituent le fondement de la mobilité des personnes qui s’exprime dans le cadre de l’activité professionnelle. Intégration organisationnelle et autonomie des structures semblent donc largement déterminer cette dynamique. Cette forme d’organisation résulte d’une combinaison de compétition par les coûts et de compétition hors-coûts. Elle semble constituer, par delà et à travers la diversités des chemins suivis, la réponse globale du système productif aux exigences de performances de ce jeu économique. Globale, cette réponse peut l’être du fait même de son ambivalence. En effet, grâce à l’articulation des deux composantes d’intégration et d’autonomie, elle permet l’adaptation du même schéma de principe à des contextes diversifiés.

Cette lecture des mutations contemporaines du système productif paraît donc rendre compte des tendances à l’oeuvre actuellement. Mais la souplesse qu’elle présente, notamment quant à l’articulation des deux principes qui la composent, permet aussi de ne pas proposer une interprétation selon laquelle l’organisation productive aurait aujourd’hui trouvé ses formes définitives. Le cadre finalement très lâche au sein duquel intégration et autonomie se combinent offre l’intérêt d’englober les multiples « essai-erreurs » que soulignait Pierre Veltz. Elle ne conclut en particulier en rien quant à l’émergence éventuelle d’un mode de régulation post-fordiste.

En fait, bien en deçà des réflexions sur un nouveau mode de régulation, il est symptomatique de constater que la seule question de l’émergence d’un nouveau modèle d’organisation de la production qui viendrait succéder au modèle taylorien n’est pas tranchée. Au regard de la netteté des évolutions envisagées dans les pages qui précèdent, on pourrait s’attendre à ce qu’un consensus soit désormais établi parmi les chercheurs sur ce thème. Le dossier-débat de la revue Sociologie du travail (1993) intitulé ’Systèmes productifs : les modèles en questions’ permet d’identifier les deux facteurs majeurs qui empêchent ce consensus de voir le jour. Le premier est d’ordre théorique puisqu’il tient à la difficulté, dans le cas présent, de définir le concept de « modèle », ainsi que le soulignent plusieurs des contributeurs. Le second est de nature empirique puisqu’il est lié au constat de la persistance, voire du renforcement, de la logique taylorienne d’organisation du travail dans certains secteurs et pour certains types d’emploi. C’est ce dernier sillon que l’on va tenter de suivre quelques instants.