7.3 Temps sociaux et mobilité

Les structures temporelles de la société contemporaine sont évidemment en rapport étroit avec les comportements de mobilité que l’on peut observer en son sein. En effet, la mobilité est une pratique du temps comme de l’espace. à ce titre, elle est une partie constitutive des représentations sociales du temps qui prévalent à une époque donnée. Il s’agit là d’une autre face de l’idée que Bertrand Montulet prête à Anthony Giddens, selon laquelle « ‘toute société se doit d’organiser la co-présence spatiale et temporelle de ses membres pour exister en tant que telle ’» (Montulet, 1998, p. 9). Dans ces conditions, il est parfaitement envisageable d’examiner dans quelle mesure la mobilité interurbaine à motif professionnel est façonnée par les représentations dominantes aujourd’hui.

La pression à l’intensification de l’usage du temps est sans doute la première des caractéristiques à retenir pour ses implications sur la mobilité. L’usage privilégié des moyens de transport les plus rapides en est la traduction concrète. Son histoire a été longuement évoquée en première partie. Elle illustre entre autres que cette accélération embrasse de très larges pans, voire la totalité, de la société. De fait, la pression à l’intensification de l’usage du temps répond aux deux structures contemporaines du temps qui viennent d’être présentées : le « temps industriel » et le « temps fragmenté ».

Par ailleurs, la vitesse demeure la première justification sociale du TGV. Elle est aussi sa caractéristique fondamentale même si le chapitre 5 a permis d’évoquer un standard de l’offre de transport entre métropole qui repose aussi sur d’autres dimensions. C’est donc en spécifiant l’usage de la vitesse dans le cadre de chacun des deux types de temps sociaux identifiés que l’on établira un nouveau lien entre les analyses précédentes et la mobilité.

Il convient cependant de préciser qu’il s’agit là d’une démarche exploratoire reposant essentiellement sur des spéculations intellectuelles. La permanence de la différenciation sociale attachée à l’usage des moyens de transports rapides a pu être confirmée par des données d’enquête précisant la catégorie socio-professionnelle des usagers du TGV (chapitre 2). Ces mêmes données ont également pu être utilisées pour vérifier la prépondérance des activités de manipulation de l’information parmi les motivations de déplacement (chapitre 4) ou encore la pertinence du concept de « travail métropolitain » pour l’analyse de la mobilité (chapitre 5). Même les discours sur la « Genèse du TGV » (chapitre 3) sont fondés sur de nombreux témoignages. Ici, aucune observation qui pourrait confirmer le bien-fondé des hypothèses avancées ne sera présentée.