8.2 Les analyses territoriales : l’espace au-delà des jeux de marché

L’histoire de la science régionale est souvent interprétée comme un effort pour réintroduire l’espace dans la pensée économique (141). La clé de lecture que l’on adoptera ici est un peu différente puisqu’elle cherche à inscrire les évolutions contemporaines de la réflexion sur l’espace dans un mouvement visant à mieux prendre en compte la réalité sociale des phénomènes de coordination des activités économiques. Dans ce cadre, il n’est donc pas inutile, pour dépasser le seul jeu du marché, de retracer les évolutions récentes de branche. On distinguera alors deux moments d’évolution de la pensée qui interfèrent largement l’un sur l’autre.

Le premier correspond, au départ au moins, à la double revendication d’une plus forte affirmation du fait territorial et de la nature socioculturelle des processus qui président à sa formation. Le second a répondu au constat de l’importance accrue qu’ont acquis aujourd’hui les phénomènes d’économie d’agglomération dans les dynamiques spatiales. Ce constat constitue l’une des occasions de rencontre de l’économie régionale et de l’économie industrielle.

Suivant cet ordre, on tentera en premier lieu de comprendre en quoi les « districts industriels » et autres « systèmes localisés de production ou d’innovation » mettent en évidence des phénomènes d’ancrage territorial des activités productives dont la portée dépasse le simple cas particulier. Cet exercice sera l’occasion d’observer comment s’est opérée l’adaptation de ces concepts au contexte français. On verra alors que, de manière paradoxale, cette généralisation n’a pu être conduite qu’au prix d’une perte de substance de la notion de territoire. En élargissant son champ d’application, c’est une vision normative du territoire comme forme exclusive de construction sociale qui montre ses limites.

Dans un second temps, les approches posées en termes de proximité seront envisagées. Elles marquent un progrès afin de dépasser la vision normative mentionnée ci-dessous. En revanche, parce qu’il n’est guère possible de donner à la notion de proximité un autre statut que celui d’une métaphore, ces approches n’échappent finalement que partiellement au déterminisme territorial contre lequel elles réagissent.

Toute approche théorique a ses limites. Les deux qui seront évoquées ci-dessous n’échappent pas à cette règle. Néanmoins, elles représentent un moment important de l’élargissement des problématiques spatiales du système productif. Leur principal acquis, et il est essentiel, est sans doute de reconnaître la multiplicité des dimensions en jeu dans la structuration de l’espace par les activités économiques. C’est en s’appuyant sur ces précédents que certaines analyses peuvent aujourd’hui abandonner toute métaphore spatiale pour considérer la nature psycho-sociale des phénomènes de coordination économique. On évoquera brièvement les perspectives qu’elles ouvrent pour comprendre des mutations dont la seule analyse des jeux de marché ne peut rendre compte dans sa totalité.

Notes
141.

()011Ces pages concernant les analyses territoriales sont une version remaniée d’un article paru dans la Revue d’économie Régionale et Urbaine (Klein, 2000).