Une répartition spatiale hiérarchisée de l’offre de transport

Depuis la fameuse « étoile Legrand », il est parfaitement établi que l’offre de transport ferroviaire est en France largement centrée sur la Capitale. L’analyse que Jean Varlet donne dans sa Géographie des relations ferroviaires en France (1987) en fait une évidence. Depuis la rédaction de ce travail, le réseau TGV s’est certes étoffé. On a même pu mettre en place des TGV d’interconnexion qui mettent directement en relation des villes de province. Cette dernière avancée est importante, mais très partielle. En outre, elle renforce aussi la desserte francilienne via les arrêts systématiques à Massy, Roissy-CdG ou Chessy. Elle ne remet pas en cause la domination que Paris exerce sur le reste de la France du point de vue de l’accessibilité. La question de la hiérarchie spatiale dessinée par l’offre de transport ne se pose donc encore que concernant les villes de Province.

Les mesures et analyses d’accessibilité conduites sur la trame urbaine en France ou en Europe mettent toutes en évidence de fortes disparités. L’ouvrage co-édité par la Datar en 1993 sous le titre Circuler demain en rassemble plusieurs assez significatives de ce point de vue (Cauvin, Martin et Reymond, 1993 ; L’Hostis, Mathis et Polombo, 1993 ; Auphan et alii, 1993). La vitesse de desserte, comme dans la Géographie de Jean Varlet, est toujours l’un des critères importants retenus et l’impact des réseaux à grande vitesse une préoccupation générale. Pourtant, aucune limite dans la durée des parcours pris en compte n’est fixée dans les études de ce type (voir aussi Gutiérrez et Urbano, 1996 ; Gutiérrez, Gonzales et Gomez, 1996) (161).

Il semble alors qu’en procédant ainsi, l’on ne mesure que de manière peu satisfaisante la réalité de l’offre à grande vitesse. On introduit tout d’abord un effet de dilution des relations parcourues à grande vitesse dans un ensemble de liaisons théoriquement possibles, mais qui peuvent bénéficier d’une faible efficacité du réseau et/ou supporter un temps de parcours très élevé. Cet effet de dilution devient vite non négligeable dès que le nombre de villes prises en compte est important.

L’accessibilité moyenne d’un point (ou plutôt « l’inaccessibilité » comme le soulignent Nadine Cattan et Claude Grasland, 1997, p. 15) est ainsi classiquement définie comme la somme des distances (distance-temps, distance-coût, etc.) d’accès à un échantillon de villes (Cauvin, Martin et Reymond, 1993 ; Cattan et alii, 1994). Chaque distance est éventuellement pondérée par le poids relatif de la ville atteinte (Gutiérrez et Urbano, 1996 ; Gutiérrez, Gonzales et Gomez, 1996 ; Cattan et Grasland, 1997), mais seulement de manière exceptionnelle selon le temps de trajet (Vickerman, Spiekermann et Wegener, 1999). Il en résulte concrètement que l’accessibilité ferroviaire de Lyon, par exemple est ainsi en partie déterminée non seulement par les 6h nécessaires pour rejoindre Bordeaux en train depuis les bords du Rhône, mais aussi les 5h pour Reims, les 5h30 pour Aurillac, etc. L’image ainsi produite n’est pas fausse. Elle traduit une réalité de l’offre ferroviaire, mais elle vient minorer l’impact de la disponibilité ou non d’une offre de transport à grande vitesse.

On peut rappeler rapidement que la grande vitesse a été définie ici, en référence aux déplacements à motif professionnel, à partir de la possibilité offerte aux voyageurs de réaliser un voyage aller-retour dans la journée tout en ménageant une plage de temps appréciable à destination. Le seuil d’accessibilité que constitue le fait d’offrir cette possibilité a été souligné. Des marques tangibles de sa traduction dans les comportements de déplacements ont pu être observées. Selon cette logique de seuil, il semble alors plus pertinent de considérer de manière plus radicale qu’une liaison à grande vitesse existe ou n’existe pas, plutôt que de considérer que, toutes choses égales par ailleurs, une liaison desservie en 6h vaut la moitié d’une liaison parcourue en 3.

Notes
161.

()011Un article de Gabriel Dupuy et Vaclav Stransky (1996) présente les résultats d’une études de l’accessibilité routière de 190 villes européennes à travers un tableau indiquant le nombre de noeuds que l’on peut atteindre au départ de chaque villes en un temps donné. La limite choisie (8 heures), nécessairement longue si l’on souhaite obtenir des résultats non triviaux à cette échelle, indique que l’on ne se situe pas dans la gamme des grandes vitesses.

Cette tentative reprend en partie – sans le mentionner d’ailleurs – la proposition évoquée ci-dessous, avancée dès 1970 par Gunnar Törnqvist et l’école de Géographie de l’Université de Lund.