Représenter l’offre de transport à grande vitesse à partir des fréquences

Afin de produire une image de la hiérarchisation de l’offre de transport à grande vitesse en France, il est donc envisageable d’appliquer de façon systématique ce principe binaire et de ne prendre en considérations que les seules dessertes suffisamment rapides et fréquentes pour permettre ces pratiques d’aller-retour dans la journée. Cette proposition est cohérente avec celle avancée il y a 30 ans par le géographe suédois de l’Université de Lund, Gunnar Törnqvist (1970). À travers la notion de système de contacts, celui-ci a en effet émis l’hypothèse selon laquelle la position d’une ville au sein de la hiérarchie urbaine pouvait être traduite par le nombre d’interactions quotidiennes qu’elle entretient avec d’autres. Il en a déduit une mesure d’accessibilité fondée sur le décompte de la population qu’il est possible d’atteindre en aller-retour sur une journée de travail, au départ d’un point donné. On fixera dans ce qui suit la valeur-limite du temps de parcours au-delà duquel les dessertes ne seront pas prises en compte à 3h15.

3h15 peut sembler un temps de trajet déjà fort long aux habitués du TGV entre Paris et Lyon ou aux abonnés des lignes aériennes intérieures. Pourtant, il marque bien le temps de parcours en deçà duquel commencent à apparaître des comportements de déplacement typiques de la grande vitesse. Pour justifier ce choix, on peut considérer par exemple les deux liaisons TGV Paris-Bordeaux d’une part et Lyon-Lille d’autre part. Voici deux relations qui, malgré une certaine fragilité – déjà soulignée ailleurs pour la première (Klein et Claisse, 1997) –, semblent devoir être incluses dans le club de la grande vitesse ferroviaire. Un temps de parcours limite fixé à 3h15 permet de retenir 15 trains sur les 20 proposés par la SNCF un jour banal de semaine de l’automne 2000 entre Paris et Bordeaux et 7 sur 10 entre Lyon et Lille. En ne retenant pas l’intégralité de la grille de desserte mise en place, il rend compte de la fragilité mentionnée. En conservant un nombre significatif de trains, il traduit néanmoins la substance de l’offre. Par comparaison, un seuil fixé à 3h ne conserverait que 3 trains quotidiens entre Paris et Bordeaux et un seul entre Lyon et Lille.

En revanche, 3h15 semble une limite très élevée pour les relations courtes. Un tel temps de parcours entre Amiens et Rouen par exemple (124 km par la route) ne correspond effectivement pas à une offre à grande vitesse (162). Sur de telles distances, c’est sans doute la voiture qu’il aurait fallu considérer plutôt qu’un mode collectif. Néanmoins, le même seuil a été conservé pour l’ensemble des relations, quelle que soit leur longueur, de manière à sauvegarder l’homogénéité des critères de sélection.

Nombreuses sont les analyses de l’accessibilité procurée par un mode qui ont été proposées concernant la France ou le territoire de l’Union Européenne. Les approches pluri-modales ne sont pas rares, mais elles combinent essentiellement des accessibilités routières et ferroviaires (Dumartin, 1994 ; Cattan et Grasland, 1998). Les combinaisons impliquant l’offre aérienne sont moins fréquentes. On peut néanmoins citer celle présentée dans la thèse de Nadine Cattan (1992a, la partie sur l’accessibilité étant reprise dans Cattan, 1992b), mais qui sur ce thème, en reste à la simple juxtaposition de mesures d’accessibilité spécifiques à chaque mode. Le travail le plus intéressant de ce point de vue reste celui de Philippe Ménerault et Vaclav Stransky (1999) concernant l’amélioration de la desserte de Lille en prenant non seulement en considération l’accessibilité purement ferroviaire ou purement aérienne, mais aussi les possibilités offertes par un rabattement TGV de Lille vers Roissy-CdG et une correspondance avec l’avion. Cette tentative enseigne également que le simple décompte du nombre de fréquences de dessertes ainsi disponibles dans plusieurs configurations vers les autres grandes villes françaises permet de préciser l’ampleur des enjeux d’une coordination de l’offre des 2 modes.

Notes
162.

()011à titre d’illustration de ce phénomène, sur les 5 trains quotidiens relevés entre Amiens et Rouen, 4 ont des temps de parcours compris entre 1h20 et 1h35, correspondant à une vitesse variant de 93 à 78 km/h. Le dernier est beaucoup plus long (2h10) et lent (57 km/h). La durée du trajet routier entre les deux villes annoncée sur le serveur mappy (www.mappy.fr) est parfaitement similaire (1h30). Ce n’est donc pas tant la valeur-limite retenue qui pose problème que la comparaison des performance du rail et de la route.