Des tendances macro-sociales au TGV, une meilleure compréhension de la grande vitesse ferroviaire est-elle possible ?

La question de savoir si la grande vitesse s’inscrit dans des dynamiques contemporaines est en réalité un peu vaine. Il est très vraisemblable que si tel n’était pas le cas, le TGV n’aurait ni suscité l’intérêt que l’on sait, ni reçu la validation commerciale que l’on peut constater. En revanche, les interrogations sur la nature de ces tendances de société et la manière dont la « socio-technique » des déplacements ferroviaires rapides s’y insère sont moins anodines. Elles permettent de donner une idée de la profondeur de l’ancrage sociétal qu’il s’est agit d’observer.

De ce point de vue, le mouvement de globalisation, que l’on peut poser comme central pour comprendre le monde d’aujourd’hui, apparaît au coeur des différentes évolutions convoquées au fil des chapitres. Ainsi, le trend séculaire d’augmentation des vitesses alimente-t-il le renouvellement permanent des hiérarchies au sein des structures de société. Mais, aujourd’hui, ce renouvellement, qu’on l’envisage au plan social ou au plan spatial, constitue lui-même un aspect essentiel de la globalisation. L’épuisement du fordisme, par ailleurs, à travers notamment les mutations du système productif qu’il rend nécessaires, comme la montée de l’information, via l’extension de la sphère marchande qu’elle accompagne, sont deux autres aspects qui renvoient également de manière directe à la globalisation.

Dans le même temps, on constate que ces modalités peuvent chacune être articulées à différentes dimensions de la grande vitesse ferroviaire. De nombreuses illustrations en ont été données tout au long de ces pages. Que l’ancrage du TGV dans les évolutions contemporaines de la société puisse ainsi renvoyer par tant de points de vue à la notion aussi évidemment centrale de globalisation est un premier indice de la profondeur de cette insertion. Pour ne constituer qu’une innovation mineure, la grande vitesse ne s’inscrit donc pas pour autant en marge de la société.

Dans un autre sens, on peut souligner que la compréhension de la grande vitesse ferroviaire est éclairée par les macro-tendances mobilisées ici dans ses multiples dimensions. L’épuisement du fordisme, à nouveau, a permis de relire le processus d’innovation qui a conduit au TGV tant du point de vue organisationnel que du point de vue des options techniques de l’exploitation. De la même manière, la montée de l’information permet d’évoquer les aspects les plus nouveaux de l’activité de production des services ferroviaires. L’analyse des pratiques de déplacement par TGV s’alimente pour sa part de la prise en compte des tendances longues de l’histoire de la vitesse, mais aussi des déclinaisons sociales et spatiales de la notion de travail métropolitain. Elle peut être revisitée dans la perspective de l’évolution des structures sociales du temps. La « socio-technique » de la grande vitesse, tant le « cadre fonctionnel » que le « cadre d’usage » dont elle est composée, est donc impliquée en totalité par les évolutions contemporaines du monde.

Au final, ce rapide tableau souligne que l’insertion du TGV dans les dynamiques sociales n’est en rien marginale. Le fait qu’elle renvoie à des mouvements de fond de la société peut être lu comme un signe de l’adaptation, à son échelle, de cette innovation « socio-technique ». Qu’en retour, les dynamiques évoquées permettent d’éclairer les multiples aspects de cette technologie de déplacement des personnes constitue sans doute aussi une indication sur la pertinence de la démarche adoptée. Celle-ci se révèle donc possible et la présomption selon laquelle il est nécessaire d’élargir l’appréhension de la grande vitesse ferroviaire bien au-delà de l’horizon de chaque projet s’en trouve renforcée.